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Les Elfes du Dauriath

Le Baiser des Mondes

Par Yichard Muni, barde Elfe

 

Rencontrons-nous en vrai! Mon nom: Richard Trigaux. Nom d'artiste: Yichard Muni
Tous les vendredis à 12pm SLT (19hTU) (France: 21h), rencontres elfiques et histoires

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Ce texte s'insère dans une intrigue plus vaste. Il vaut donc mieux lire d'abord «Le Baiser des Mondes».

Index des histoires: ordre chronologique, ou par ordre de création

Cette histoire est la première d'une série que j'ai improvisées ou composées en tant que barde dans le monde des elfes de Second Life: «Elf Circle».

Le thème en est un monde d'elfes et d'humains. Comme toutes mes histoires, le but est d'exprimer une vision d'un monde meilleur, en décrivant les pensées et les sentiments de personnages.

Il est recommandé de lire cette histoire en premier, afin de ne pas gâcher le suspense. Les autres histoires sont chacune indépendantes, quoi que se déroulant dans le même monde. On peut donc les lire dans n'importe quel ordre, ou dans l'ordre historique. Cet ordre est indiqué dans la barre verticale à gauche.

 

 

 

Söjen regardait le coucher du soleil. Une des raisons pour lesquelles il n'aimait pas cette terre désolée était la nuit tombant à trois heures de l'après-midi, bien avant la fin normale de la journée. Mais ils n'avaient pas d'autre choix que de marcher encore plus loin, depuis que la guerre avec les humains avait contraint les elfes à fuir à travers ce plateau désert. Le climat y était déjà froid, à cause des courtes journées. Mais cela allait en empirant, avec la chute vertigineuse du niveau général des océans, qui avait transformé cette plaine luxuriante en lande moribonde.

 

Dans un premier temps, le soleil avait l'air d'être mordu par quelque chose. Il était encore haut dans le ciel, mais sa lumière diminuait seconde après seconde, devenant pâle et froide comme en hiver. Bientôt on ne voyait plus que la moitié, puis un mince segment, qui devint rouge. Pendant quelques secondes, le paysage fut éclairé d'une lumière rouge sombre, qui disparut brusquement comme une bougie mourante. Et dans le ciel maintenant noir, ne restait plus qu'un court arc rouge avec des points oranges irréguliers, en dessous d'une sorte d'aura violette. Il valait mieux ne pas être surpris dehors sans lampe!

Bientôt ces lumières résiduelles s'éteignirent aussi, tandis que les yeux s'habituaient à la nuit. Les étoiles apparurent, sauf au dessous de l'emplacement de l'arc rouge. Là se tenait une vaste étendue arrondie de ciel sans étoiles, montant de l'horizon jusqu'au zénith, une inquiétante silhouette totalement obscure, qui contrastait abruptement avec une lueur blanche diffuse dans le ciel étoilé.

C'était, comme Söjen le savait, le Dauriath, l'Autre Monde dans le ciel, qui était maintenant dévolu aux elfes, comme l'avait décidé le Conseil des Nations, il y a quelques années, pour mettre fin à des millénaires de guerres et de ségrégations à leur encontre. Mais pour le moment, le Dauriath n'apparaissait que comme une forme sombre arrondie, menaçante, au dessus d'eux dans le ciel. Certains prétendaient qu'on y avait vu des lumières, mais les savants humains disaient que c'était impossible, le Dauriath était bien trop loin pour cela.

Söjen se retourna vers le camp, vers sa tribu d'elfes, vers sa nouvelle épouse Eleanor. Par cet après-midi obscure, il faudrait des heures avant que la vrai nuit tombe. Quoi qu'il en soit ils ne pouvaient plus marcher ce jour-là, et il leur fallait faire du feu pour la cuisine.

Ils avaient été une grande tribu de 300 et plus, d'une vaste maison dans l'ancien pays elfique de Terallion. Mais ils avaient du partir, chassés par les soldats humains. Oh, ils ne furent pas violentés, mais de laisser leur magnifique maison en bois sculpté et peint, plus des siècles de souvenirs, fut une aussi grande douleur. Le pays de Terallion était un vaste plateau boisé, coupé de gorges profondes et parsemé de collines rocheuses formant d'étranges châteaux naturels. Les elfes y voyaient une merveilleuse terre magique avec de vallons cachés retentissant de la mélodies des oiseaux, tandis que les administrateurs humains n'y voyaient qu'un plateau stratégique avec des mines et du bois. Alors les elfes avaient du partir, sans oser se retourner pour voir la fumée s'élevant de leur maison incendiée.

Le soir se passa doucement, avec des chansons et la musique, comme d'habitude. Parmi les quelques biens qu'ils avaient pu prendre sur leur dos, les elfes avaient décidé que les plus importants étaient des instruments de musique, les plus anciens, ceux portant des noms. Söjen lui-même portait une petite horloge chère à ses souvenirs. Mais elle était inutile maintenant, car les pendules sont de plus en plus lents au fur et à mesure que l'on s'approche du Dauriath.

Mais le plus important, pensait Söjen, était eux-mêmes. Ils seraient libres dans leur nouveau monde. Ainsi, leur long et épuisant voyage le long de la Piste des Larmes était, certainement, une déportation, mais il était surtout un chemin vers la liberté. Et vers la sécurité. Dans le Dauriath ils n'auraient plus à subir la guerre et la haine. Ils jouiraient d'un pays paisible, dans lequel il n'y aurait pas besoin d'organiser des tours de garde ou de se méfier des étrangers. De n'attendre que des bonnes nouvelles ou des joyeuses surprises de l'hôte inconnu, est un trésor plus précieux que toutes les maisons sculptées. De se sentir totalement en confiance avec l'étranger de passage est une éternelle source d'émerveillement et de bonheur, à laquelle ils ne pouvaient renoncer, la piste fut-elle dix fois plus longue.

Leur camp était installé près d'un ancien village humain abandonné. Söjen s'assit sur un banc de pierre, et tout de suite il sentit les mains de sa femme Eleanor sur ses épaules. Elle s'assit à côté de lui, mélangeant ses cheveux avec les siens, envoyant son souffle chaud sur sa nuque. Il passa son bras autour de son dos, et tira leur seule couverture pour les protéger de la morsure du vent. Pendant de longues minutes, ils restèrent juste comme ça, profitant simplement de la présence et de la chaleur l'un de l'autre.

Les cuisiniers commencèrent à distribuer la nourriture de la journée, des sortes de rations militaires laissées sur le chemin par les Gardes de la Piste. Ces humains étaient en charge du bien-être des elfes en retraite (et de les surveiller aussi). Mais les elfes ne les rencontraient que rarement, sur ces vastes étendues de plaine, autrefois riche et cultivée, maintenant une lande déserte semée de vieux poteaux de clôture et de murs écroulés. Ainsi, selon le lieu, les elfes recevait de la nourriture militaire périmée, ou des sacs envoyés par des sociétés de bienfaisance, ou souvent rien. Les aliments des organismes de bienfaisance étaient parfois très bons, ou parfois totalement inappropriés, comme ces gros sacs de sucre blanc, mouillés par la pluie, qu'ils avaient pour seul repas la veille. Les rations de l'armée offraient au moins un repas complet, même si c'était loin du goût d'un repas.

Ils ne souffriraient pas de la faim cette nuit-là, mais ils étaient fatigués de cette longue marche. Fatigués et tristes de tout ce qu'ils avaient perdu.

Mais Söjen se rendait également compte qu'ils étaient toujours en possession du plus important. Seuls des objets avaient été perdus, pas les traditions ni la sagesse. Les objets peuvent être reconstruits, mais pas les souvenirs perdus. La plupart de leurs chansons et contes anciens, ils les connaissaient par coeur, ou ils pouvaient les retrouver chez d'autres tribus. Les compétences et les talents étaient toujours dans leurs mains, et ils pouvaient les transmettre à d'autres artistes ou artisans. Ils auraient bientôt à nouveau de merveilleuses maisons arrondies et des instruments de musique exquis. Ils auraient aussi de beaux jardins, quelques étranges arbres et fleurs qu'ils trouveraient dans le Dauriath.

Le plus important était leur esprit et leurs valeurs. Les elfes avaient toujours été respectueux des autres, et aussi de toute vie, y compris celle des humains. Ils n'avaient fait la guerre que pour se défendre, et beaucoup avaient disparu simplement parce qu'ils avaient refusé de combattre les envahisseurs humains. Seuls leur état d'esprit et leurs valeurs leur permettaient d'être heureux ensemble, et de passer leur longue vies sans disputes ni désaccords. Bien sûr, chacun d'entre eux avait sa façon de faire, mais cela n'était jamais un problème, tant qu'ils respectaient celle des autres.

Eleanor mit sa joue sur la joue de Söjen, et il réalisa que l'amour était la chose la plus belle et la plus importante de toutes. Aussi longtemps qu'ils respireraient et seraient conscients, ils s'aimeraient, que ce soit par la brûlante passion de l'époux, le chaleureux soutient de l'ami, ou la rassurante reconnaissance sociale de la tribu. Tant qu'ils s'aimeraient, leur vie aurait un sens, et cela vaudrait tous les efforts pour maintenir cette vie. Même dans leur terrible situation, cette marche épuisante et cet espoir fou d'atteindre ce mystérieux Dauriath et son inquiétante silhouette dans le ciel au-dessus eux, tout cela vaudrait la peine de le faire, à condition de ne pas oublier d'emporter l'amour avec eux.

Depuis le Terallion, le Dauriath n'était pas visible. Ainsi, ils avaient le vrai lever de soleil et le vrai coucher. Mais au fur et à mesure qu'ils en approchaient, son immense dôme paraissait de plus en plus élevé dans le ciel, rendant les jours de plus en plus courts.

Eleanor était maintenant en train de chanter pour Söjen tout seul, un murmure d'amour, dans son oreille. C'était si émouvant, si beau, cela leur rappelait les beautés de leur pays perdu. Mais partout où ils iraient maintenant, tant qu'ils seraient capables de profiter de la beauté des lieux, ils seraient heureux, et leur vie vaudrait d'être vécue. Sûrement il y aurait de beaux endroits dans le Dauriath, l'Autre Monde, dont ils pourraient profiter. Même s'il n'y en avait pas, ils pourraient en arranger, planter des arbres, construire de nouvelles maisons, et les peindre comme ils avaient l'habitude de le faire. Et y être heureux.

Deux jours plus tôt, ils avaient rattrapé un petit groupe d'elfes âgés, les seuls survivants d'une autre tribu. Ceux-là avaient connu un sort bien pire: leur tribu tout entière avait été massacrée, ne laissant que les vieux incapables de porter des enfants. Ils cheminaient lentement vers un mince espoir d'une vie meilleure, mais leurs coeurs étaient lourds de chagrin. Alors la tribu de Söjen les adopta. Ils marchaient plus lentement maintenant, mais négliger l'hospitalité serait d'un coût beaucoup plus élevé. S'ils avaient laissé ces vieux, ils auraient rejoint un bel endroit plus rapidement, mais les vieux seraient certainement morts sans jamais l'atteindre, et le remords aurait terni leurs propres rêves à jamais.

Le repas terminé, ils n'avaient plus qu'à dormir, se blottissant les uns contre les autres, avec les seules minces couvertures qu'ils avaient. Heureusement ces couvertures les protégerait de la pluie. Mais il ne pleuvait pas, et il valait mieux ne pas chercher refuge dans les maisons en ruine à proximité. Alors Söjen était couché dans l'herbe, Eleanor dans ses bras. La tribu avait fixé, depuis longtemps, un système de tours, avec certains d'entre eux dormant une nuit sur le bord, et la nuit suivante au centre, plus chaud. Mais cela avait du être amélioré, car certains étaient plus sensibles au froid. Bien sûr, leur quelques enfants étaient toujours au milieu, et Eleanor aussi, car elle portait la promesse de la vie dans son ventre. Ainsi Söjen était plus souvent sur le côté.

Il était difficile de dormir toute cette longue nuit, et Söjen se réveilla à plusieurs reprises, conscient de l'inquiétante silhouette obscure du Dauriath bloquant le ciel étoilé. A trois heures du matin, le haut du Dauriath commençait à devenir rougeâtre. Bientôt, il devint blanc et brillant, et le sommeil devenait difficile. Eleanor cacha son visage avec un coin de leur couverture. Chaque matin, la même vision incroyable leur était offerte: le mince croissant blanc au sommet du Dauriath s'élargissait vers le bas, et peu à peu la silhouette noire devenait une gloire de la lumière, à tel point que le ciel tournait à l'indigo, cachant les étoiles et réveillant les oiseaux.

A cinq heures, toute la tribu était réveillée, avec le Dauriath presque entièrement illuminé, en une vaste tapisserie bleue brodée de blanc sur des parcelles de vert et d'ocre. Les motifs blancs se déplaçaient toujours lentement, tandis que les taches couleur restaient toujours au même endroit. Il y avait surtout des taches circulaires, et Söjen se demandait ce qu'elles pouvaient bien être. Des terres, des forêts, des montagnes, des océans, à ce qu'on disait. L'un de ces cercles verts avait commencé à virer au bleu le mois précédent, le bleu gagnant chaque jour sur le vert.

Cette étrange aube immobile était suffisamment claire pour pouvoir marcher en sûreté, ce qui était tout de même mieux que de rester lamentablement allongé sur le sol, incapable de dormir et grelottant de froid. Pour cette raison, ils avaient pris l'habitude de se mettre en route tôt, pour prendre un peu de repos le midi.

Quand le véritable jour se leva, le soleil ne semblait ajouter que peu de lumière au spectacle du Dauriath, l'Autre Monde. Simplement, le ciel devenait bleu, et seule la dentelle blanche du Dauriath restait visible, les autres teintes plus sombres se noyant dans le bleu du ciel.

Au long du jour, le bas du Dauriath devenait invisible dans le bleu du ciel. Cet oubli bleu montait lentement, les motifs blancs se fondant un par un dans le ciel bleu, jusqu'à ce que seul reste un mince arc blanc, avec le soleil se rapprochant. Enfin, seul le soleil restait visible, jusqu'à ce qu'il atteigne le Dauriath et disparaisse derrière, comme ils avaient vu la veille.

 

 

Environ deux jours plus tard, la Piste traversait une route, avec une petite ville au croisement. La plupart des anciens habitants avaient disparu, fuyant le changement climatique sur ce plateau maintenant inhospitalier, où les cultures étaient devenues improductives. C'était maintenant un lieu animé, laid et boueux, avec quantité de constructions de fortune et de casernes, occupées par toutes sortes d'humains, les Gardes de la Piste, des organisations charitables d'aide aux elfes, ou au contraire des aventuriers et des escrocs tentant de tirer profit d'eux. Ils savaient (ou croyaient) que les elfes étaient chargés d'or, de bijoux et de pierres précieuses, et ils essayaient de les échanger contre des quantités ridicules de nourriture ou de médicaments. Les Gardes de la Piste avait beaucoup à faire pour garder tout ça en ordre, offrant des repas, plantant des tentes, et attrapant les voleurs. Söjen remarqua qu'ils portaient des armes à feu, de longs fusils de type moderne utilisant un silex et un pied pour la visée. C'étaient ces armes maléfiques qui avaient condamné les elfes, rendant inutiles leurs archers habiles et leurs combattants forestiers furtifs. À deux reprises, ils entendirent leurs détonations horribles, mais sans savoir ce qui s'est passé, ni qui avait été touché.

Leur tribu se vit affecter une grande tente, mais les tribus n'étaient pas autorisées à se mélanger, ni même à communiquer. Quoi qu'il en soit, ils n'avaient pas le droit de séjourner plus de trois jours, à moins que les médecins ne le leur permette. De grands chariots venaient apporter de la nourriture, mais ils repartaient vide, non autorisés à transporter les elfes fatigués.

Ainsi ils eurent un peu de repos et de chaleur, mais le séjour fut globalement désagréable. Ils devaient être tout le temps sur leurs gardes, éviter d'être seuls, et surtout ne pas sortir des zones protégées, par crainte des voleurs et des attaques. Même dans le centre, ils étaient sollicités par des escrocs qui prétendaient les aider, mais qui, en fait, essayaient de les piéger dans des plans d'argent, de fausses autorisations ou de sexe. Il y avait même d'effrayantes histoires d'enfants disparus. Pour les Elfes confiants, droits et honnêtes, ces mensonges étaient souvent difficiles à comprendre, et ils ne pouvaient vraiment se défendre qu'avec une défiance systématique envers tous ces beaux parleurs. Mais malheureusement, cela les empêchait aussi de communiquer avec les quelques humains de coeur qui venaient là pour les aider, les rencontrer et les comprendre. Alors, ils acceptaient juste la nourriture, en remerciant poliment.

Cette défiance obligatoire mettait clairement en exergue leur trésor le plus précieux. Ce n'était pas l'or encerclant leurs chevilles, poignets ou cous, ni les pierres brillantes sur leurs broches ou talismans, mais leur honnêteté dans leurs coeurs. L'ambiance trouble de ce camp contrastait vivement avec la confiance tranquille qui régnait sans partage dans leur tribu, et au-delà dans tout l'ancien Terallion. Ils étaient sûrs, quelque elfe qu'ils puissent rencontrer, qu'il ou elle exprimait clairement son intention dès le début, et que cette intention était aimable et utile, ou au moins légitime. Ils pouvaient donc ouvrir leur coeur ou leur maison à quelque inconnu que ce soit, sans aucune crainte ou méfiance. Ils n'avaient jamais entendu parler de vol ou d'abus chez leurs semblables, et ils pouvaient laisser leur or, et même leurs coeurs, à la vue de tous, sans que rien de fâcheux n'arrive jamais, même pas une impression de trouble ou de quelque chose qui cloche. Comment vivre autrement? Des charriots d'or ne pourraient jamais compenser l'ennui et la tristesse de vivre seul dans la méfiance des autres, des siècles de vie serait inutiles si ils n'avaient pas quelqu'un à qui ouvrir leur coeur, avec qui partager cette vie. Söjen espérait bien qu'il en serait de même dans leur futur séjour dans le Dauriath, quelles que soient les conditions de vie qu'ils y rencontreraient.

Ils quittèrent la ville boueuse le matin tôt, avant l'agitation. Bien qu'autorisés à rester jusqu'à l'après-midi, ils préférèrent unanimement marcher un peu, et rester à l'air libre, plutôt que de respirer cette malsaine atmosphère de suspicion. Mais ils furent tout de même repérés par un groupe de charité, et bientôt suivis par une bande de femmes et d'adolescentes souriantes et riantes. Elles leur offrirent chacun un sac avec de la nourriture, des médicaments et une couverture, qui étaient vraiment bienvenus. Au début, les Elfes se montrèrent prudents, comme conseillé par les gardes, remerciant poliment sans ralentir leur marche. Mais ils eurent tous le sentiment que ces femmes étaient sincères, et, dès qu'ils furent hors de vue des gardes, ils eurent une longue séance d'étreintes! Voyant cela, Söjen se sentit d'abord troublé, mais il comprit vite pourquoi: l'ambiance délétère du camp de fortune avait instillé une petite quantité de défiance et de crainte dans son coeur! Un tel sentiment, s'il l'acceptait, pourrait rapidement faire de lui un être incapable de jouir du plaisir d'être à l'aise avec les autres, incapable d'être heureux avec eux! Comment l'or pourrait-il réparer un tel handicap?

Quand ils quittèrent finalement ce lieu, Söjen remarqua l'une des femmes adultes qui pleurait, et les autres qui la réconfortaient. Pleurant et souriant en même temps, tout en faisant des au revoir de la main... Sa jeune fille humaine avait rejoint leur tribu elfique! Cette mère et son enfant ne se reverraient plus jamais, mais la fille suivait sa voie…

 

 

Car, après tout, quelle importance d'être un elfe ou un humain? Certains humains étaient tout aussi capables d'être gentils, serviables et honnêtes, comme les elfes! Alors, où était la différence entre les humains et les elfes? «Le sang» disaient tous ensemble ces guerriers et ces gestionnaires qui détestaient les elfes et construisaient des villes grises avec maisons carrées où les gens vivaient pour eux-mêmes, au mépris des autres. Que pouvait donc être ce «sang», quand les humains et les elfes pouvaient avoir des enfants ensemble, qui ensuite devenaient des humains ou des elfes, selon essentiellement leur éducation de base? Söjen, et beaucoup d'autres, se demandait si ce «sang» n'était pas juste une pure invention, pour les séparer et offrir une prise à la haine.

 

 

Deux jours plus tard, la Piste suivait une rivière paisible, entre ce qui était autrefois des champs et des prairies, maintenant une lande sombre, où les anciennes haies avaient poussé sauvagement. Des fermes en ruine étaient encore visible, et des vergers abandonnés portaient parfois quelques derniers fruits à glaner.

Mais soudain la paisible rivière s'engouffra dans un profond ravin, qui n'avait pas l'air naturel, entre ses murs de terre croulante fraîchement taillés, qui avaient coupé des haies, et même une maison. Il y avait eu un pont, mais seul un moignon d'arche en restait, suspendue au-dessus du gouffre obscur qu'elle était maintenant incapable de franchir. L'eau rugissait dans le fond, d'une manière inquiétante. Avec la chute vertigineuse du niveau des océans, les rivières étaient maintenant en train de tailler profondément leurs anciens lits, surtout si elles courraient dans un sol meuble comme ici, au lieu de roches.

Voyant l'abime béante, et entendant l'effrayant grondement, Söjen frissonna, sentant pour la première fois la puissance écrasante des gigantesques forces naturelles qui travaillaient leur monde, insensibles aux frêles créatures qui marchaient sur sa mince surface.

Ils trouvèrent un autre gouffre similaires avant la fin du jour. Les Gardes avaient bloqué un ancien bras de la Piste qui avait été récemment coupé par ce ravin, et ils avaient redirigé les elfes vers une route plus sûre, à travers un groupe de collines basses.

 

 

Encore une journée de marche, et ils arrivèrent à l'ancien port qui autrefois nourrissait ce pays. La ville était maintenant coupée en deux par un profond ravin, qui avait impitoyablement englouti l'ensemble du quartier central, avec les principaux temples et le bâtiment municipal. Des tas de gravats, tuiles et poutres brisées glissaient lentement le long de la pente du gouffre, ou dégringolaient parfois à grand fracas. Les maisons restantes étaient rarement habitées, et souvent en ruines. De vaste docks étaient maintenant utilisés par les Gardes et des organismes de bienfaisance. Un phare et deux grandes jetées de pierre étaient devenus inutiles, suspendus au-dessus de ce qui semblait une pente infinie vers le bas, se perdant dans une brume de distance. Ils réalisèrent que l'océan était vraiment parti, très bas et très loin, hors de vue d'ici. L'ancienne plaine était maintenant une montagne! De vaines tentatives avaient été faites pour construire des jetées de bois à une altitude inférieure, et quelques coques de navire en décomposition étaient encore visibles au milieu des arbres et des prairies, comme seuls témoins de la mer disparue.

Ce lieu était également occupés par des travailleurs humanitaires et des Gardes de la Piste, avec davantage d'efficacité, car ils arrivaient à tenir l'endroit à l'abri des voleurs et autre escrocs. Mais les elfes se rendirent compte d'un autre problème inattendu: la jeune femme humaine qui les avait rejoints devait se cacher des Gardes, pour quelque raison. Ils durent échanger leurs vêtements et la déguiser. Cette situation créa un scrupule chez certains elfes de leur tribu: pourquoi se cacher, quand on est honnête? Aucun d'entre eux ne lui posa de question, par respect pour sa liberté et sa vie privée, mais cela créait tout de même un doute dans leur groupe. Elle s'en rendit probablement compte, aussi elle expliqua elle-même la raison: son père était un homme violent qui maltraitait sa mère, au point qu'elle avait demandé le divorce. Mais maintenant, le père menaçait de prendre la fille, pour se venger de la mère. Alors la fille avait décidé de fuir pour protéger sa mère. Et de fuir avec les elfes, parce qu'elle adorait la culture elfique.

Comprenant cela, toute la tribu se mit à oeuvrer silencieusement pour la cacher, sans plus de commentaire ni d'hésitation, en l'aidant à apprendre rapidement les manières elfiques les plus visibles. Mais Söjen ne pouvait pas oublier un profond sentiment de dégoût nauséeux envers cet homme immonde qui avait triché avec la confiance de son épouse aimante. Qu'avait-il gagné à cela? Rien du tout, il avait juste perdu cette confiance, sans aucune sorte de compensation. Les elfes n'avait même pas de mot pour un comportement aussi stupide, mais les humains en avaient un: déshonorant.

Le soir, tout en essayant de dormir dans l'une des sombres maisons humaines, Söjen sentait le corps de sa femme, abandonnée avec confiance contre lui, avec son souffle et les battements de son coeur (maintenant deux battements de coeur). C'était vraiment le plus sacré de tous ses sentiments, et il avait reçu comme un grand honneur et marque de confiance qu'une femme lui permette de toucher son corps. Comment pouvait-il trahir cette confiance, comment pourrait-il oser lui faire du mal, comment pourrait-il seulement imaginer qu'il puisse faire quoi que ce soit qui la rendrait malheureuse, qui la mettrait seulement mal à l'aise. Aimer, c'était ça: donner du travail, du temps et de l'énergie pour rendre quelqu'un d'autre heureux. Un coût élevé, certes, à payer en liberté et en temps de vie, sans bénéfice apparent. Mais sans amour, la vie n'avait tout simplement pas de sens.

 

 

Ils quittèrent le port brisé dès le lendemain matin, et commencèrent leur longue descente de l'ancien talus continental. Au début, rien n'indiquait que c'était autrefois le fond de la mer. La plus grande partie était maintenant recouverte d'une luxuriante forêt de jeunes arbres verts. On trouvait même parfois des champs. Mais des glissements de terrain avaient laissé des cicatrices énormes, avec des pentes boueuses, dangereuses à descendre. Il y avait des cordes pour faciliter la descente et éviter les accidents. Ils trouvèrent également des ravines fraichement coupées, avec des sources salées boueuses, certaines gargouillant d'une sorte d'huile noire malodorante. Ils virent même une source crachant à la fois de l'eau, de l'huile, des flammes rouges bruyantes et une fumée noire fuligineuse. Quel endroit effrayant, sentant la cendre et la suie!

La Piste contournait les zones cultivées, pour éviter les problèmes avec les habitants. Dans certains endroits, des pierres et des clôtures avaient été placées au travers de chemins adventices, afin d'interdire l'accès aux fermes et aux champs. Ils rencontraient même parfois des avertissement anti-elfes, en lettres grossières et carrées. Il n'y avait pas besoin de cela en plus pour les garder sur la Piste.

 

 

Enfin, la Piste atteignit l'ancien fond de l'océan, qui était maintenant un pays plat couvert de champs et de jeunes arbres. Beaucoup d'humains vivaient ici, et des villes nouvelles étaient construites avec des maisons blanchies à la chaux, ornées de grandes fenêtres et de toits de tuiles roses. Des rues larges et droites rayonnaient autour de temples élégants ou de bâtiments communautaires. Il y avait beaucoup de petits arbres et de fleurs. Des écoles et des magasins étaient visibles, et les gens étaient occupés, avec l'air heureux. Autour, de grands champs, des potagers et des vergers luxuriants portaient des cultures abondantes. Tout avait l'air propre et récemment construit, même les arbres étaient tous jeunes et dynamique. Cela contrastait joyeusement avec le triste plateau désert et ses vieilles maisons sombres et insalubres.

Söjen craignait que l'océan puisse revenir un jour, et qu'il recouvre toute cette vie florissante sans avertissement. Mais c'était impossible, l'océan était bel et bien en train de quitter le Nyidiath, Le Monde d'Ici, et de se déverser sur le Dauriath, l'Autre-Monde, à travers le Horiathon, la jonction. Cela avait commencé il y a sept siècles, lorsque le Dauriath, approchant lentement mais inexorablement, était arrivé si près du Nyidiath qu'il s'était mis à aspirer son océan. Depuis ce moment, les eaux s'étaient abaissées d'environ sept cents mètres, et cela continuerait encore pendant sept siècles jusqu'à ce que le Nyidiath et le Dauriath soient assez proche pour partager un océan unique. Du moins c'est ce que Söjen avait entendu dire, d'astronomes humains. Mais il était incapable de comprendre comment l'eau pouvaient monter du Nyidiath sur le sol, vers le Dauriath dans le ciel. Toutefois, il saurait bientôt, car il leur faudrait passer par la jonction... un endroit mystérieux et dangereux, comme on disait, et certains affirmaient même qu'aucun elfe n'avait pu survivre à ce passage, et qu'ils étaient tous envoyés à la mort.

 

 

Heureusement, ce nouveau pays humain était beaucoup plus amical envers les Elfes, et certains s'habillaient même en style elfique. À la grande surprise de la tribu, la Piste stoppait au premier village, où des charriots les attendaient, conduits par des humains. Un elfe bien vêtu sortit d'une maison voisine, et les accueilli chaleureusement, tout en leur expliquant ce qui se passait dans ce pays.

Lorsque le Conseil des Nations avait décidé d'envoyer les elfes sur le Dauriath, ils savaient qu'un tel projet couterait beaucoup de travail et d'argent. Ainsi, alors que les discussions étaient en cours, ils demandèrent aux elfes d'assumer une partie de ces dépenses. Curieusement, le Haut Conseil des elfes ne s'était jamais vraiment opposés à l'exil lui-même, mais ils tinrent bon sur une exigence: que les elfes gèrent eux-mêmes leur propre travail et effort pour ce projet. Ainsi, les elfes furent autorisés à avoir des ports et à construire des navires, afin de naviguer vers le Horiathon, la jonction. Mais comme c'était un voyage à sens unique, une fois au-delà du Horiathon, ces navires seraient incapables de revenir vers le Dauriath pour prendre d'autres passagers. Donc, un grand nombre de navires seraient nécessaires, pour emmener dix-huit millions d'elfes de tout le monde du Nyidiath.

Et la tribu de Söjen était arrivée dans un de ces ports elfiques. Si l'on pourrait appeler cela un port, car l'océan reculait de centaines de mètres par an le long de la plaine, et les elfes charpentiers de marine avaient dû utiliser des quais et jetées flottants.

Époustouflée, la tribu à peine arrivée découvrit un vaste chantier de toute une région, où des dizaines de milliers d'elfes attendaient leur tour pour construire leur bateau. Pour cela ils avaient besoin d'énormes quantités de nourriture, de logement, d'outils, et de bois, que seuls les humains locaux pouvaient leur fournir. Au début, ces humains n'étaient pas intéressés à aider les elfes. Ils avaient donc demandé à faire un troc: en retour, les elfes devraient travailler pour les humains, selon un accord équitable. Ce n'était pas dans l'esprit elfique, eux pour qui un don est fait de grand coeur, sans arrière-pensée. Mais ils avaient dû accepter, sous peine d'attendre indéfiniment.

Alors les premier elfes à occuper le port avaient fondé une organisation puissante. Les elfes nouvellement arrivés étaient mis au travail dans les écoles ou les hôpitaux, et ils bâtissaient de nouveaux villages et villes dans les terres fraîchement découvertes par la mer. Ils les habitaient d'abord, avant de les céder aux humains quand ils avaient construit leur navire et quitté le port. Mais ils ne recevaient pas d'ordres de contremaîtres humains: bien au contraire ils géraient tout eux-mêmes. Cette façon d'agir était beaucoup plus naturelle pour eux, organiser leur travail eux-mêmes et gérer leur situation, plutôt que de juste recevoir la charité ou des subventions, ou laisser une dette derrière eux.

La tribu de Söjen fut reçue dans un camp de tri, bien tenu et propre, où ils purent se reposer pendant trois jours complets, se laver et recevoir de nouveaux habits. Puis ils furent conduits vers un nouveau village en construction sur le front de mer, avec quelques maisons et bâtiments vides. Ils laissèrent leurs bijoux et instruments de musique dans une des maisons communautaires fraichement bâtie, et ils furent chacun affectés à un travail par les gestionnaires elfes. C'était une organisation incroyable, et tout le monde trouvait immédiatement une activité correspondant à ses compétences et à sa force. Söjen et Eleanor durent apprendre les bases de la langue humaine locale. Seulement un mois plus tard, Eleanor est devenue infirmière, et Söjen enseignant! La plupart des autres faisaient maçons, charpentiers, infirmières, tailleurs, cultivateurs, et des charpentiers de marine bien sûr. Même la construction navale était organisée de manière très efficace: les couples et les planches étaient exécutés à partir de gabarits dans des ateliers couverts, et porté vers des docks flottants d'assemblage, à l'aide de large chariots. En l'absence de grands arbres, les mâts étaient assemblés à partir de plus petites pièces, solidement maintenues par des cercles de fer.

C'était si loin du cliché traditionnel des elfes paresseux et inefficaces, que tant d'humains avaient à l'esprit! Juste capables de gaspiller leurs incroyables compétences à seulement construire des instruments de musique! Cet esprit industrieux, leur propre prise en charge et leur auto organisation permettaient aux elfes de construire leurs navires à un rythme beaucoup plus rapide et pour moins cher que prévu par le Conseil des Nations. Mais il en est aussi résulté quelque chose de très inattendu: tous les humains à l'entour étaient très contents des elfes, qui construisaient leurs maisons, enseignaient à leurs enfants, et prenaient tendrement soin de leurs malades et de leurs vieux! C'est la raison pour laquelle cette région était devenue très amie des elfes, et si coopérative, au contraire des gens de la montagne qui haïssaient les elfes. Il s'établit une grande confiance, au point de confier à des elfes des fonctions de police, où ils se montèrent aussi très efficaces.

Au début, Söjen se sentit très mal à l'aise avec une telle organisation. Elle était si franchement à l'opposé de leur vie habituelle, fondée sur la liberté, la spontanéité, l'initiative personnelle et l'indépendance. Maintenant, il avait à faire avec une forte hiérarchie, obéir à des ordres, répondre à des appels au loin, et surtout être seul pendant des heures dans des endroits étranges, sans sa chère épouse et ses amis. En plus les elfes n'aimaient pas les maisons carrées en briques que ces humains leurs demandaient de construire. Mais Söjen et la tribu comprirent très vite qu'ils n'avaient pas le choix. La sagesse était d'accepter ces conditions nécessaires, afin d'atteindre leur objectif. Alors il se mit à travailler de grand coeur, et même à anticiper les commandes et les besoins.

Les premiers jours, la tribu tenta de se rassembler tous les soirs avec leurs instruments de musique et tout, mais ils avaient vite dû abandonner et ne se rassembler que les jours de repos. Ils furent même quelque peu dispersés, mais en échange, ils rencontraient des gens d'autres tribus. De nouvelles amitiés et de nouvelles amours se nouèrent en ce temps, et de nombreux jeunes ont rejoint ou quitté leur tribu.

Ils purent à cette occasion se rendre compte de l'incroyable diversité de la culture elfique. A partir des mêmes thèmes de base, chaque pays avait brodé ses propres histoires et styles, et tous les artistes s'en donnèrent à coeur joie, comparant leurs oeuvres dans de longues soirées communes. Également, tous les elfes avaient développé gentillesse, sagesse et amour de la vie. Mais chacun les appliquait à sa manière. Guerriers furtifs, bardes pacifiques, mages, elfes urbains versés en science, marins nomades ou sauvages elfes des bois, chacun avait son mot à dire, et ils se jurèrent bien de conserver cette diversité dans le Dauriath, en y reconstruisant tous leurs pays. Mais ils ne commettraient plus l'erreur de rester isolé chacun dans son coin...

Une fois acceptée, cette vie était beaucoup plus supportable que prévu, et même agréable. Le caractère impératif des commandes acceptées de grand coeur, donnait plutôt de l'énergie à Söjen, et un état d'esprit positif. Il se souvient encore de ces sept mois tourbillonnants et épuisants, avec une étrange nostalgie. Et avec une sorte de fierté, très différente de la honte subtile qu'il ressentait dans les camps de réfugiés: ce qu'ils avaient fait, ils l'avaient fait par eux-mêmes, avec leur propre travail, compétences et volonté, ne devant rien à personne. Certes, il avaient à faire des choses quand il n'en avaient pas envie, mais accepter ceci permettait à la communauté d'atteindre un but beaucoup plus vaste qu'une simple collection d'initiatives individuelles sans lien.

Ils en faisaient même beaucoup plus, en aidant les autres.

Plusieurs adolescents humains demandèrent même à partir avec les elfes, ce que leurs parents acceptèrent en toute confiance. Toutefois une règle impérative était que seuls les humains engagés dans la transformation en elfes pouvaient partir.

Et beaucoup de gens du pays regrettaient maintenant que les Elfes soient expulsés de ce monde. Leur bonté et leur honnêteté leur manqueraient profondément.

A ce propos, une rumeur commençait à se répandre par le bouche à oreille: leur bannissement n'était pas pour toujours. Pendant plusieurs siècles, ils seraient forcés de rester dans le Dauriath, faute de pouvoir revenir vers le monde des humains. Mais, à l'abri de la guerre et des persécutions, ils se développeraient et évolueraient d'eux-mêmes, en sagesse et en connaissance, en bonheur et en force, tout en devenant de plus en plus nombreux. Mais un jour, le Horiathon permettrait la navigation dans les deux sens. Et à cette époque, les humains eux-mêmes leur demanderaient de revenir, comprenant qu'ils avaient perdu le meilleur d'eux-mêmes en bannissant la bonté et la beauté des Elfes.

 

 

Le temps passant, la haute hiérarchie partait pour le Horiathon. Alors les camarades de Söjen devaient assurer la direction à leur tour, et prendre les elfes nouvellement arrivés sous leur commandement. Eleanor, qui était maintenant lourde et fatiguée, a pris la tête de son équipe d'infirmière, et elle commença immédiatement à former quelqu'un d'autre pour la remplacer dans cette fonction, une fois qu'elle serait partie.

 

 

Ainsi, lorsque la tribu apprit que leur bateau était prêt, sept mois plus tard, ce fut une surprise, une joie, mais aussi un chagrin de perdre tous leurs nouveaux amis.

Ils ne prirent que quelques heures pour empaqueter leurs effets personnels et leurs précieux instruments de musique (Ils avaient même réussi à en construire de nouveaux!) dans des casiers protégés dans les cales du navire. En plus de cela, ils reçurent un bon stock d'outils, de tissus, de semences, de matériel de ménage, et de nourriture. La charge la plus lourde, un stock de lingots de fer, de cuivre et autres métaux, avait été habilement placée dans la quille. Ainsi, ils n'avaient pas besoin d'ajouter du lest dans ce bateau à usage unique! Les elfes s'étaient même arrangés pour enrober des lingots d'or ou d'argent dans de l'argile, et couler l'ensemble dans de l'étain fondu. Ainsi les contrôleurs du Conseil voyaient des lingots d'étain, de densité normale! Mais il serait facile de récupérer cet or, à l'arrivée.

 

 

Le navire lui-même était assez étrange, avec le pont entièrement recouvert d'un toit arrondi, comme si il était prévu pour naviguer la tête en bas. Il était noir de calfatage. Le gréement et les voiles étaient de bonne construction, mais les mâts et le gouvernail étaient courts et épais, tandis que la quille avait l'air trop grande. Ils devaient entrer dedans par des trappes étanches, et ils ne pouvaient voir l'extérieur qu'à travers des hublots de verre. A l'intérieur, les passerelles se faufilaient entre des croisillons de poutres, ce qui assurait une construction très solide de la coque. Même les murs des cabines faisaient partie des couples, ajoutant à la solidité générale. Il n'y avait nulle part aucune sorte de peinture ou de décoration, que du bois brut et le calfatage noir malodorant, cette sorte d'huile qu'ils avaient vue jaillissant des sources. C'était vraiment un navire d'urgence, qu'ils ne regretteraient pas de découper en bois de chauffage une fois qu'il aurait rempli son rôle. Ils pouvaient tenir à 900 à l'intérieur, bien que cela nécessiterait une forte discipline pour être supportable. Ainsi la tribu de Söjen est partie avec une autre tribu plus grande, plus quelques elfes dispersés et humains nouvellement convertis.

 

 

Ils larguèrent les amarres dès qu'ils furent prêts, bien que ce fut le soir.

ll y avait pas mal de route jusqu'au Horiathon, la jonction, et seul le capitaine l'avait effectivement approché, pour voir de quoi ça avait l'air. Mais il ne répondit pas aux questions à ce sujet, ayant plutôt l'air effrayé.

La navigation fut facile, avec les forts vents continus de l'océan autour du Horiathon. Ils n'avaient qu'à rester vent arrière et à attendre.

Le Voyage dura deux semaines, et la promiscuité dans le navire aurait rendu la situation vraiment intenable, sans le profond respect de l'autre que les elfes se manifestaient. Se gêner en permanence crée un stress intense, et il y eut quelques différends. Mais ces conflits étaient gérés dès leur apparition, et même avant, pour éviter de contaminer toute la communauté avec des dissensions individuelles. Ces différends ne peuvent généralement pas être résolus, aussi la plupart du temps les personnes concernées étaient déplacées dans d'autres cabines, et cela était suffisant pour éviter de propager le ressentiment à l'ensemble. Quoi qu'il en soit les gens changeaient souvent de place spontanément, pour d'autres raisons.

Une des disputes éclata à propos d'Eleanor donnant naissance à son bébé pendant la Voyage. Un tel événement, habituellement une source de joie, fut pénible pour beaucoup: pourquoi n'avoir pas démarré le voyage à un autre moment, afin de ne pas avoir à supporter les cris de l'enfant? Il n'y avait pas de réponse à cela, car d'autres elfes étaient enceintes elles aussi, et des naissances se seraient produites à n'importe quelle autre date. Mais, en ces moments de stress et de douleur, cet argument n'était pas suffisant, et, pour mettre un terme à cela, le capitaine donna sa propre cabine à la mère et au bébé, et s'en alla dormir avec les autres marins. Ainsi Söjen se retrouva seul…

 

 

En se rapprochant du Horiathon, ils commencèrent à remarquer des choses étranges. Ils se sentaient plus légers. Le tangage et le roulis étaient plus lents et moins gênants. La vue à l'extérieur du navire était encore plus étrange. Seuls les gabiers étaient autorisés à sortir, et ils dirent que le Dauriath approchait le zénith, bloquant la moitié du ciel, et complètement bleu maintenant, sans les taches de vert et d'ocre. Les autres elfes pouvaient regarder par les hublots, et ils notèrent que l'horizon vers le Horiathon était perdu dans une brume blanche de distance, alors qu'il était étrangement proche et net des deux côtés, comme si ils étaient près du sommet d'une colline.

Deux jours avant d'atteindre le Horiathon, ces phénomènes bizarres devenaient de plus en plus forts. Les elfes faisaient des jeux où une personne pouvait porter plusieurs autres sans difficulté. Les hublots montraient d'étranges vagues gigantesques autour d'eux, qui auraient terrifié n'importe quel marin, et écrasé instantanément les plus gros bateaux. Mais ces vagues étaient étrangement lentes, et le navire grimpait simplement dessus, avant de retomber sans mal, des centaines de mètres plus bas, dans le creux suivant. Le ciel devenait sombre et jaunâtre, comme sous un orage. Le soleil était à peine visible entre les nuages tourbillonnants, et il n'en restait qu'un disque pâle, comme un coucher de soleil, qu'ils pouvaient regarder sans être éblouis. Leur poids devenait proche de zéro, de sorte qu'ils auraient pu voler dans les coursives, si elles avaient été assez larges.

 

 

L'approche du Horiathon lui-même s'annonçait par un sourd grondement, haut dans le ciel, comme un nuage de grêle. Les discussions et tous les jeux s'arrêtèrent brusquement, et la peur se mit sur tous les visages. Après tout, ils n'en savaient que fort peu de choses, et personne n'était jamais revenu de ce lieu, pour dire si il avait survécu. Ils avaient tous la vision d'un effroyable maelström écrasant leur frêle bateau comme une coquille de noix... Ajoutons à cela l'apesanteur maintenant presque totale, et les mouvements inquiétants du navire, caracolant sur d'énormes vagues, tombant lentement en chute libre pendant d'interminables secondes, atterrissant sans choc, et se retournant même parfois, comme ils le craignaient tous depuis le début.

Le capitaine prit l'air grave, probablement aussi effrayé que les autres. Il commanda à tout le monde à bord de d'attacher sur les couchettes, avec les sangles qui étaient prévues à cet effet. Depuis le début du voyage, ces sangles étaient bien visibles, mais personne n'avait osé demander à quoi elles serviraient…

Söjen et quelques autres artistes furent placés près des hublots, comme témoins pour la communauté. Le navire était silencieux, sauf quelques prières et le babil confiant de la petite fille de Söjen quelque part dans ses flancs. Le grondement sans fin était maintenant puissant et menaçant...

 

 

Ce que vit Söjen resta gravé dans sa mémoire, bien qu'il ne le comprit que plus tard.

Il y avait des vagues hautes comme des collines, se mouvant lentement comme en rêve, dans ce sinistre crépuscule jaune. Les creux entre les vagues étaient de sombres abîmes, et le navire sans poids, poussé par un vent de plus en plus violent, sautait de vague en vague. Il en résultait une sensation de chute sans fin, laissant Söjen complètement désorienté, ne sachant plus où étaient le haut et le bas. Et ils faisaient vraiment des tonneaux: pour cette raison, les gabiers avaient cargué les voiles au maximum, et fermé toutes les écoutilles. Le navire était maintenant complètement hors de tout contrôle, conduit à son succès ou à sa perte par les seuls éléments naturels déchaînés.

Lorsqu'ils étaient au sommet d'une vagues, la vue était incroyable. C'était comme si ils étaient sur la pointe d'une immense montagne conique. Mais l'horizon était bien plus bas que sa position normale, environ 45° en dessous, et perdu dans la brume du lointain. Ainsi ils étaient entourés d'un ciel jaunâtre tout autour d'eux. Au dessus, le Dauriath formait aussi un immense cône, en position symétrique, sa propre pointe tournée vers le bas. Il occupait 45° autour du zénith, avec un horizon inversé, l'océan en haut et le ciel au-dessous. Et les deux pointes se touchaient presque. Mais il y avait encore un petit espace, et, du haut du Nyidiath le Monde d'Ici, l'eau était aspirée par une tornade gigantesque, montant lentement vers le Dauriath, l'Autre Monde, tourbillonnant et bourgeonnant comme un nuage d'orage en colère.

Pendant environ deux heures, ils virèrent et bondirent follement autour du Horiathon. Le fort vent encerclant hurlait, et les poussait sans même besoin de voiles. Tantôt approchant, tantôt s'éloignant, ils étaient complètement hors de tout contrôle, simples jouets dans les mâchoires du maelström rugissant. Beaucoup craignaient que le Horiathon ne fut qu'un énorme broyeur tournant. Comment leur Haut Conseil Elfique avait-il pu accepter de les envoyer dans un tel endroit, sans aucune protestation autre que purement formelle? Ils avaient tous confiance dans leurs Sages anciens, pensant que le Conseil avait de bonnes raisons d'agir ainsi, et des raisons encore meilleures de garder le silence à ce sujet. Alors, ils avaient accepté les ordres des Sages, et marché et travaillé pendant des mois, sans aucune question. Mais maintenant, cette confiance était mise à rude épreuve, et la plupart se demandaient dans quelle folie ils s'étaient embarqués, a moins qu'ils ne pleurassent simplement de peur. Mais il était trop tard pour changer d'avis, seuls l'eau et le vent décideraient maintenant.

Avec les culbutes aléatoires du navire, Söjen put avoir pendant quelques secondes un aperçu de la pointe même du Dauriath, dans son crépuscule étrange, qu'il a souvent représenté dans ses tableaux, plus tard. L'eau s'abattait avec ce puissant grondement sur la pointe du Dauriath, lançant à l'entour d'énormes panaches d'écume. Et il y avait... des petites taches blanches... oui, des bateaux! «Je vois des navires dans le Dauriath! Ils sont arrivés sur le Dauriath!» hurla t-il à tous ceux qui pouvaient l'entendre.

 

Horiathon scene

 

Puis leur navire fut englouti dans le lent mais terrifiant tourbillon, si épais que l'obscurité tomba sur eux. Ils tournoyaient et oscillaient follement, comme un petit morceau de bois dans une cataracte. La chute vers le haut dura de longues minutes d'angoisse, et Söjen pouvait voir de nombreux poissons frétiller autour d'eux. Il devina même la silhouette d'une baleine ondulant lentement. Probablement l'énorme animal avait lutté désespérément pendant des heures contre l'attraction du Horiathon, jusqu'à ce qu'elle soit capturée et envoyée dans les airs. Ainsi, des échantillons de toutes les formes de vie de l'océan du Nyidiath étaient aspirés vers l'océan du Dauriath.

Enfin il y eut une terrible secousse, des craquements terrifiants parcoururent le navire, des passagers crièrent, peut-être blessés. C'était la seconde décisive, où tous leurs efforts et la solide structure croisillonnée de leur bateau faisaient finalement leurs preuves: supporter le choc de l'arrivée dans l'océan du Dauriath, après une chute de dix kilomètres... Même avec la quasi-apesanteur, ils avaient pris suffisamment de vitesse pour réellement mettre leur navire en danger.

Pendant quelques minutes, ils furent encore ballottés sans aucune visibilité. Ils étaient arrivés dans la pire position: le mât en premier, la tête en bas, et même les centaines de tonnes de métal dans leur quille eurent besoin de plusieurs minutes pour les ramener dans la position normale.

Une terrifiante pluie grondante faisait le bruit d'une cataracte. Et c'en était bien une, frappant leur coque, s'écrasant depuis un monde sur un autre. Avec le choc de l'arrivée sur le Dauriath, la cataracte éjectait violemment à l'entour un puissant souffle chargé d'embruns, qui poussait rapidement le bateau. Söjen eut un dernier regard depuis l'autre côté: la pointe du Nyidiath était maintenant dans le ciel, pendant vers le bas, entourée de ses gigantesques vagues en spirale, avec le départ de la tornade. Et l'énorme cataracte tombait sur eux, sur leur tête, sur le Dauriath où ils étaient enfin arrivés.

Puis petit à petit, bruit et vent se calmèrent... Les elfes défirent leurs sangles, quelqu'un ouvrit une des écoutilles... Ils ne virent qu'une brume d'embruns, froide et humide. Mais ils étaient sains et saufs, et leur navire dans la bonne position.

 

 

Deux heures plus tard, ils purent voir au loin un des autres navires, et suivre ses signaux. Dès qu'ils le purent, les gabiers déployèrent les voiles et prirent la direction indiquée par l'autre navire, qui restait sur place malgré les embruns et le vent hurlant. Certains Elfes étaient blessés, la plupart choqués, mais enfin ils avaient réussi! Et ils étaient en vie!

Ils fuirent loin du Horiathon, car personne ne souhaitait rester en ce lieu d'épouvante. La vue surnaturelle et terrifiante disparut bientôt dans la brume à l'horizon, ainsi que l'effrayant rugissement. Comme ils s'éloignaient, ils retrouvèrent leur poids, et les vagues redevinrent à nouveau les petites vagues qui secouent méchamment les bateaux avec un roulis et tangage normaux.

Les marins prirent des haches et découpèrent de grandes fenêtres dans la paroi supérieure du navire. Cela lui redonna l'aspect d'un navire plus normal, avec un pont où ils purent profiter du soleil. Ils n'avaient aucune intention de revenir vers le Horiathon, et de toutes façons le passage dans l'autre sens était impossible.

Ils ne trouvèrent que quelques fuites sans gravité dans la coque. Le navire avait résisté au choc, mais ils comprirent tout de même que beaucoup de joints avaient joué. La structure ne supporterait plus une forte tempête. C'était bien un bateau à usage unique, qui, à l'arrivée, ne vaudrait plus que par le bon bois dont il était fait.

La vie dans le navire était de plus en plus difficile, avec la saleté s'accumulant et les provisions épuisées. Pourtant ils ne se disputaient plus: Ils l'avaient fait, ils avaient réussi cette chose incroyable! Ils étaient dans le Dauriath, maintenant, dans la Terre Promise, la terre de la liberté! Les écrivains, les chanteurs et les musiciens commencèrent à composer textes et musique pour célébrer cet événement incroyable, fondateur d'une nouvelle civilisation!

Deux autres semaines plus tard, ils atteignirent leur premier point de débarquement. De soulagement, ils sont tous sortis du navire, pour courir joyeusement dans l'herbe. Mais ils virent que ici, l'océan montait, recouvrant les grands arbres près du rivage, qui avaient les pieds dans l'eau. Trouver un endroit pour vivre devrait tenir compte de cela.

Ils restèrent ici deux ou trois jours, pour se laver et ramener de l'eau d'une source. Ils notèrent que d'ici, ils pouvaient maintenant voir le Nyidiath dans le ciel, et tout les phénomène se produisant en ordre inverse: le soleil apparaissant brusquement dans le ciel noir, à onze heures du matin, le Nyidiath devenant progressivement visible dans le ciel bleu, le soleil se couchant tandis que le Nyidiath brillait encore dans le ciel de la nuit jusqu'à onze heures du soir.

Ils trouvèrent des signes gravés sur des roches, indiquant la direction et la distance du plus proche endroit où trouver des gens.

C'était un petit port flottant, principalement dédié à l'accueil de nouveaux arrivants sur le Dauriath. Un véritable palais Elfique de pierre était en construction beaucoup plus haut dans la montagne, à l'abri de la montée des océans. Ils reçurent de la nourriture, des cartes et des tables de navigation pour rejoindre leurs amis de la Nouvelle Terallion. Le Dauriath n'était pas encore entièrement cartographié ni même exploré, et il y avait beaucoup d'endroits pour s'installer, même avec la montée des océans. Les paysages étaient différents ici, avec de hautes montagnes arrondies couvertes de forêts et coupées de ravins. La pluie et les rivières n'existaient ici que depuis peu de temps, et n'avaient pas encore eu le temps de former des montagnes pointues et des vallées.

Un mois plus tard, ils débarquèrent au pied d'une grande chaîne de montagnes, pour y reconstruire leur ancien Terallion. A proximité, l'océan coulait par un col, dans une de ces grandes plaines circulaires, formant une énorme cataracte. Mais ce n'était rien comparé au Horiathon.

Ils retrouvèrent d'autres tribus de l'ancienne Terallion, qui étaient déjà en train de cultiver et de forger, de sorte que leur arrivée se posa pas de problème. Mais ils n'avaient que de petites maisons de bois pour l'instant, car l'urgence était de cultiver la nourriture pour tous les nouveaux venus.

 

 

Ils étaient peu nombreux, ils étaient seuls, ils étaient entourés d'immenses forêts sauvages et d'étranges montagnes de blocs anguleux de toutes tailles et types. Ils n'avaient que le peu de ressources qu'ils pouvaient obtenir de leurs propres mains et de leur propre travail.

Mais ils étaient LIBRES

En SECURITE.

Et HEUREUX.

Ils pourraient reprendre leur mode de vie Elfique: jouer de la musique, raconter des histoires, avoir de longues soirées ensemble... et être en paix et en sécurité, sans besoin de surveiller ou protéger leurs lieux! Certains retournèrent au port près du Horiathon, leurs cales remplies de nourriture, céréales et médicaments, pour aider les autres à arriver dans de meilleures conditions. Ils purent aussi voyager vers divers endroits, pour y recueillir des tissus et autres biens. Qui leurs étaient offerts de grand coeur…

De leur lieu, ils pouvaient voir le Nyidiath, le monde des humains. Il était beaucoup plus bas sur l'horizon, et il ne coupait pas la trajectoire du soleil, de sorte qu'ils avaient une journée normale et un climat chaud. Mais l'ancien monde était visible…

…leur rappelant les humains.

Ainsi que disait la prophétie, le Horiathon cesserait de couler dans environ sept siècles, pour former un simple goulot entre les deux océans. Ces derniers auraient alors un niveau quasiment stable. Il deviendrait possible de naviguer normalement dans les deux sens, et de revenir dans le monde humain. D'ici là, les Elfes auraient le temps de se multiplier, de croître en sagesse et en connaissance, et de reconstruire leur pays merveilleux. Dans sept siècles, et même avant, les humains eux-mêmes demanderaient aux elfes de revenir, pour partager leur sagesse et leur bonté.

Déjà les Elfes trouvaient des bouées non officielles, envoyées par des groupes d'activistes à travers le Horiathon, contenant des messages d'encouragement, des outils et autres biens.

Ainsi ils avaient un but passionnant... Söjen commença tout de suite, en éduquant sa fille à la culture elfique, puis les trois autres fils que Eleanor porta plus tard.

 

 

FIN (de cette histoire)

 

 

 

 

Moi, Yichard, barde elfe, ai composé ce texte spécialement pour le concours bardique qui a eu lieu en Janvier 2008 dans nos terres elfiques de Elf Circle, dans Second Life. L'enjeu de ce concours était d'illustrer les neuf vertus de notre charte, et d'une manière générale toutes les valeurs elfiques. Ma contribution n'a pas reçu de prix, mais c'était bien quand même, car il y avait de nombreux textes de haut niveau, et j'ai moi-même beaucoup hésité à choisir le meilleur.

 

 

 

 

 

 

Explications astronomiques du monde double(Gâche la surprise!)

 

Monde double

 

Ce monde double est en fait une planète double. De telles choses sont beaucoup plus fréquents qu'on ne l'imagine, et déjà près de la Terre de nombreux astéroïdes ont une forme de cacahuète. Beaucoup d'étoiles doubles se dilatent et échangent de la matière, d'une manière similaire à celle décrite ici. Dans le cas parfait, elles prennent la forme d'un sablier aux deux extrémités arrondies (un huit). Mais d'une manière générale, l'une d'elles est plus grande, de sorte que quand elle gonfle, la matière tombe sur l'autre étoile, en une sorte de jet. De grosses planètes comme la Terre ne sont généralement pas considérées comme doubles, mais nous pouvons pourtant regarder la Terre et la Lune, ou Pluton et Charon, comme les planètes doubles, tout comme nous trouvons de nombreuses étoiles doubles. Des planètes doubles prenant la forme d'un huit (deux gouttes d'eau se touchant par leurs pointes) doivent être rares, mais sans être impossibles. Ainsi, le monde double décrit ici, partageant une atmosphère et un océan communs, est susceptible d'exister quelque part dans l'espace. Et les phénomènes étranges autour du Horiathon sont une reconstitution minutieuse de la réalité physique en un tel lieu.

 

Schéma du Horiathon

 

Dans l'histoire, ces deux mondes étaient initialement séparés, comme la Terre et la Lune, mais beaucoup plus proches. Ainsi ils ont pris forme d'oeuf, et plus tard, de goutte d'eau, au lieu d'une sphère. L'air et la vie ont évolué sur la plus grande, le Nyidiath, tandis que la petite Dauriath est restée sans air, parsemée de grands cratères, comme notre Lune. Mais avec la lente évolution de leur orbite, au fil des millions d'années, le Dauriath s'approchait du Nyidiath. Dans un premier temps, l'air se déversa du Nyidiath sur le Dauriath, il y a environ 3 millions d'années, y apportant la pluie et humidité, puis les graines de nombreuses plantes. Le Dauriath s'est couvert d'immenses forêts, peuplées seulement de quelques espèces d'insectes. Plus tard, certains oiseaux ont trouvé le chemin vers le nouveau monde. Puis, lorsque le Dauriath fut assez proche, l'océan du Nyidiath a commencé à couler sur le Dauriath, y apportant l'eau de mer et toutes les espèces de poissons, de coraux et d'algues. A cette époque, quelques sages elfes ont commencé à envoyer par le Horiathon des radeaux contenant des oiseaux, des écureuils, des fourmis, et bien d'autres espèces, dans l'espoir de faire du Dauriath un endroit beaucoup plus agréable. Ce qu'ils n'avaient pas prévu était d'être eux-mêmes envoyés par le Horiathon…

 

 

 

L'exode

 

L'entreprise complète d'envoyer 18 millions d'elfes par le Horiathon a pris 63 ans, ce qui a demandé la construction de 22000 «Navires de la Liberté» dans 45 ports, produisant chacun un toutes les six semaines. Mais le plus difficile fut de rassembler une énorme quantité de bois, et, en fait, cela coûta aux elfes, non seulement beaucoup de travail, mais aussi une bonne partie de leurs réserves secrètes d'or. Sur ces 22.000 navires, 33 ont été perdus dans les tempêtes et autres dangers de l'océan, contre seulement sept au Horiathon lui-même. Les épaves retrouvées indiquaient que, probablement, deux navires étaient tombés l'un sur l'autre à leur arrivée dans l'océan du Dauriath. Cela arrivait parfois, parce qu'il était impossible de prévoir quand un navire serait pris dans la tornade, malgré les précautions prises. Théoriquement, il n'y avait qu'un seul navire par jour, et les collisions devaient être impossibles. Mais dans certains cas, les passagers rapportèrent qu'ils avaient tourné plus de 48 heures dans le tourbillon inversé.

Les voyages ne cessèrent pourtant pas complètement avec la fin de l'Exode. Certains humains se sont vite rendu compte que la déportation était une énorme erreur, bien avant qu'elle ne soit achevée. Et chaque année, un ou plusieurs navires humain tentait le voyage, chargé de volontaires, la plupart du temps d'humains devenus spontanément des elfes, ou qui voulaient partager leur vie. Ces bateaux d'immigrants étaient bien accueillis par les elfes du Dauriath, même si il arrivait que certains de ces humains avaient de mauvaises motivations. Dans le pire des cas, ils étaient tués, mais si ils étaient découverts avant de faire du mal, ces faux elfes étaient tout simplement mis dans des terres de réserve, où ils pourraient vivre comme ils le souhaitaient, mais avec les hommes et les femmes séparés de milliers de kilomètres. Le Dauriath était la Terre des elfes, ils avaient assez payé pour cela, et pour que ce soit bien clair, ils construisent une grande flotte de puissants navires de guerre tournant en permanence autour du Horiathon, pour empêcher toute intrusion. Et ils envoyèrent des messages clairs comme quoi quiconque tenterait de pénétrer par la force le payerait de sa vie.

En effet, des messages pouvaient être échangés entre les Dauriath et le Nyidiath. La façon la plus élégante était à l'aide des oiseaux migrateurs, qui avaient trouvé le chemin du Dauriath des dizaines de milliers d'années plus tôt. Également, beaucoup d'humains envoyèrent secrètement des bouées et des radeaux, à des fins diverses, mais d'une manière générale pour faire parvenir des denrées rares, ou pour partager avec les elfes les progrès de la société humaine. Les elfes ont également utilisé de grand navires catapultes pour envoyer des objets plus petits aux navires humains cerclant le Horiathon, côté Nyidiath. Avec l'apesanteur, les projectiles montaient facilement des dizaines de kilomètres vers le haut, avant de retomber de l'autre côté. Plus tard, les elfes ont utilisé de grands canons, tirant des obus en bois creusé de manière à contenir des messages ou d'autres objets.

 

 

 

Des elfes sans magie?

 

Contrairement aux histoires d'elfes habituelles, je ne parle pas de magie dans cette histoire. Dans le texte original, il s'agissait d'attirer l'attention sur les phénomènes extraordinaires qui se produisent autour du Horiathon, qui auraient l'air magiques pour toute personne sans aucune connaissance de physique ou d'astronomie, tout comme le soleil de minuit et les icebergs avaient l'air magiques aux yeux de l'antique navigateur grec Pytheas, qui avait visité le cercle polaire, probablement en Norvège ou en Islande.

Mais on se doute que les elfes aînés avaient de bonnes capacités de prémonition, ou plus, pour pouvoir accepter leur exil à travers le Horiathon en sachant exactement ce qui s'y passe. Et en effet, la majorité des autres textes que j'ai composés après, mentionnent l'utilisation généralisée de la magie par les elfes. Disons que ces pouvoirs magiques n'étaient pas également répartis entre toutes les tribus elfiques, certaines avaient de tels pouvoirs, d'autres beaucoup moins. Surtout, en ces temps douloureux de tribulation, Maktar, le dieu elfe de la guerre, avait retiré sa protection aux elfes, afin de les aider à accepter l'exil, au lieu de se lancer dans une guerre sans espoir contre une civilisation humaine beaucoup plus forte qu'eux. Le retrait des elfes était le seul moyen pour eux de retrouver leur force, en attendant leur retour dans le monde des humains. Mais ce retour serait demandé par les humains eux-mêmes, qui regretteraient la sagesse et la beauté des Elfes, après avoir presque entièrement pollué et détruit leur propre monde. Ce retour serait donc l'ultime victoire de la sagesse et de la bonté aimante.

 

 

 

Les races dans ce texte:

 

Contrairement à la mythologie nordique ou au monde de Tolkien, les elfes dans cette histoire ne sont pas une race séparée: humains et elfes sont la même race, et ils peuvent avoir des enfants ensemble sans aucun problème. Ce choix est délibéré, pour pouvoir aborder la question du racisme et des ségrégations d'une manière plus proche des conditions de la Terre.

 

 

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