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Les Elfes du Dauriath

Le solstice de l'amour (seconde partie)

Par Yichard Muni, barde Elfe

 

Rencontrons-nous en vrai! Mon nom: Richard Trigaux. Nom d'artiste: Yichard Muni
Tous les vendredis à 12pm SLT (19hTU) (France: 21h), rencontres elfiques et histoires

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Ce texte s'insère dans une intrigue plus vaste. Il vaut donc mieux lire d'abord «Le Baiser des Mondes».

Index des histoires: ordre chronologique, ou par ordre de création

 

 

(Le début de cette histoire est ici)

 

«Mais je ne suis qu'un humain, comment pourrais-je…

-Tu sais, nous n'avons aucune haine des Humains. Ils sont juste poussés par leurs émotions non maîtrisées, et...

-Mais je ne peux pas partager avec vous…

-Mais tu es parfaitement bienvenu ici, et...

-Je ne peux pas rester ici parmi vous! Je ne le mérite pas!

-Mais...

-Je ne suis qu'un sale humain. Oubliez-moi. Et cette histoire de Listal n'était qu'une blague.

 

 

Ce fut certainement la chose la plus stupide que j'aie jamais dite. Alanar et les autres me regardaient stupéfaits, la bouche ouverte. C'était comme si un soleil de printemps avait soudain laissé la place à un blizzard d'hiver, comme si la lumière dorée avait été chassée par des ténèbres infernales. Un silence tomba sur la pièce, et je vis Ludmila devenir pâle comme une morte, se jetant loin de moi comme si elle avait été mordue par un serpent, pour fuir la salle à toute vitesse, suivie par presque toute l'assistance. Plus de musique, plus de joie, mais des coussins en désordre, un luth oublié et des assiettes tombées au sol. La cata totale.

J'entendis des appels dans le couloir, tandis que les elfes restant me regardaient fixement. Leur étonnement infini fut vite remplacé par des regards sévères, quand les gardes entrèrent.

Fou de souffrance de mon rêve brisé, j'entendais des phrases tournant autour de moi: «Une blague... Comment as-tu pu induire nos Aînés en erreur? Tu n'imagines pas les conséquences... Les elfes n'ont qu'un seul amour, tu a ruiné la vie de Ludmila, si elle ne meurt pas sur place d'un tel affront.» Et je compris vite que je pourrais aussi mourir très bientôt, car ils m'avaient confié leurs secrets. Des dagues étaient apparues comme par magie dans les mains des gardiens, et ils bloquaient maintenant la seule sortie de cette salle, me fixant sévèrement de leurs yeux. Même Erwan qui m'avait accueilli si chaleureusement me regardait sans pitié, ses doigts blanchissant sur ​​le manche de son poignard.

Je n'étais capable que de rester ici dans mon chagrin infini, serrant ce maudit Listal sur mon épaule, qui avait causé tout ce trouble. Mais le pire était de ne pas comprendre ce que j'avais fait, comment j'avais pu tromper mes nouveaux compagnons.

Je restais comme ça pendant cinq horribles minutes, si triste que je n'étais même plus capable de pleurer, le regard fixe et la tête vide, perdu dans une tempête intérieure. Seul Alanar et quelques amis me surveillaient, échangeant quelques phrases sombres dans leur langue. Toutes les femmes étaient parties.

 

Les Aînés entrèrent, les deux que j'avais vu l'autre jour, et deux autres que je ne connaissais pas encore.

 

«Fou, qu'as tu fait?» Demanda le premier, celui en robe bleu foncé.

«Comment as-tu pu imiter une telle sincérité?» demanda celui en bleu. Mais ils commencèrent à discuter dans leur langue inconnue. Puis ils firent silence, s'approchant de moi en me tenant les mains, les yeux clos. C'était comme un examen médical, sauf que l'issue serait la mort, pas la guérison.

Mais bientôt ils eurent l'air intrigués, et même pas d'accord entre eux. La vieille dame sensuelle entra à son tour, et ils discutèrent. A la fin, l'un d'entre eux demanda, d'un ton plus doux:

«Dites-nous exactement ce que vous avez fait. Quelle était cette plaisanterie?»

Je ne pouvais que dire la vérité: je ne savais même pas si je devais la cacher ou non, car une dague m'attendait dans les deux cas.

«C'est pas moi, c'est Jossie et sa bande, ils m'ont forcé à porter ce Listal quand je suis entré ici pour cette horloge...»

Ils eurent l'air stupéfaits.

«Mais tu sais bien ce que ça signifie! Tu savais ce qui se passerait en entrant dans cette pièce en portant cette écharpe!

-Désolé, non.»

Il y eut un énorme silence. Ils étaient tout juste capables de se regarder les uns et les autres.

«Alors c'est ainsi que vous aviez l'air totalement sincère. Vous êtes vraiment sincère. Mais vous ne saviez pas... et vous ne réalisez pas encore... »

Je me mis soudain à trembler et pleurer, comme pour demander pitié, et je criais, la voie distordue par les pleurs:

«Je suis désolé, je ne sais pas, je ne comprend pas ce qui est arrivé, j'ai juste compris que je ne voulais pas tricher avec une elfe, avec quelque chose que je ne peux pas lui offrir, je vous aurais trahi tous, vous qui avez été si gentil avec moi! Et je m'affalais sur les coussins, sanglotant et tremblant.

-Phieeeew! C'est incroyable, vérifions encore».

Tous les cinq restèrent silencieux pendant encore quelques minutes, m'examinant toujours. Puis celui en bleu foncé conclut:

«Bon, jeune humain, tu mérites notre confiance de toutes façons. L'UNIQUE a guidé ton âme noble, bien que par d'étranges chemins. Mais il nous faut voir Ludmila pour réparer les conséquences de cette mauvaise plaisanterie de tes copains, si ce n'est pas déjà trop tard. Et ils auront de nos nouvelles. Dis nous leurs noms.

-Jossie. Et Crazie et Lizzie!

-Bon, on va s'occuper d'eux. Mais voyons Ludmila d'abord. Alanar, explique-lui, s'il te plaît.

-Je ne veux pas qu'elle meure! criais-je, pas elle! Tuez-moi si vous voulez, mais ne la laissez pas mourir! S'il vous plaît!» Mais ils étaient partis dans un tourbillon de tuniques flottantes, sauf la vieille dame sensuelle, qui ne parlait pas notre langue. Mais je compris qu'elle me réconfortait, prenant ma tête dans ses bras et souriant.

 

Alanar vint à moi, et il commença, avec un étrange demi-sourire:

«Ainsi tu t'es pointé ici, en portant ce Listal, sans savoir ce qu'il signifie! Tu es vraiment l'humain le plus incroyable que j'aie jamais vu!» fit-il, moitié riant, moitié choqué.

«S'il vous plaît, dites-moi, qu'est-ce que c'est que cette chose?

 

-C'est très simple: un humain portant un Listal demande l'amour d'un compagnon elfe».

 

Il continua: «C'est ce que le Listal signifie. C'est ce que tout le monde ici a compris, en particulier Ludmila. Et tu as eu ce qu'il demandait, il est dit qu'un porteur de Listal sincère n'attend jamais plus de quelques jours.

-Mais comment pourrais-je aimer une elfe, moi un humain dégoûtant? Sale et malodorant? Même si je pouvais me laver tous les jours et apprendre votre langue, je ne serai jamais parfumé, je ne serai jamais capable d'entrer dans votre monde de rêve!!

-Oh, l'odeur humaine. Nous ne l'aimons pas non plus, même si elle n'est pas si mauvaise que tu le penses. Mais de toute évidence tu ne sais vraiment pas ce qui arrive, une fois que tu as trouvé une compagne elfe.

 

«En acceptant l'amour d'une elfe, tu te métamorphosera en elfe toi aussi.

 

-Eh non, comment cela se pourrait-il? C'est impossible…

-C'est magique. Et ça marche très bien, à chaque fois. Accepte l'amour de Ludmila, et tu deviendras un véritable elfe, en seulement quelques semaines. Tu n'auras plus de mauvaises odeurs, mais une santé parfaite, une énergie permanente, une longue vie et un corps magnifique…

-Mais nous sommes deux races différentes, et...

-Non nous ne sommes pas deux races. Nous sommes une seule race, une seule famille. Écoute bien, Seulot Oromë. Nous avons les mêmes corps, nous mangeons les mêmes nourritures, nous avons les mêmes besoins, nous craignons les mêmes maux. Mais les dieux des elfes accordent leur magie à quiconque a un bon cœur, à tous ceux qui sont sincèrement engagés sur la voie de l'UNIQUE. Grâce à eux, ceux qui suivent l'UNIQUE deviennent magiquement des elfes. C'est la magie des dieux, et seulement ça, qui nous font avoir une meilleure santé, un beau corps parfumé et une vie plus longue. Ceux qui dédaignent le chemin de l'UNIQUE, ne maîtrisant pas leurs émotions et faisant des mauvaises actions, eh bien ils restent des êtres humains, sans magie. Mais quand ils comprennent, quand ils cherchent le bien et se comportent en conséquence, alors ils peuvent devenir des elfes à leur tour, et ils reçoivent l'ensemble de nos protections magiques. Ainsi, ces humains deviennent spontanément des elfes. Mais c'est un processus lent et laborieux, avec des pièges dangereux. Alors les dieux ont conçus une méthode beaucoup plus sûre: ils nous permettent de devenir des elfes en ayant un époux elfe. C'est un moyen bien plus rapide pour l'adepte de l'UNIQUE de recevoir la magie, en évitant de nombreuses difficultés. Il semble que, de par ton bon cœur sensible, les dieux t'ont guidé vers Ludmila, bien que d'une façon étrange.

«Mais ce qu'il est important que tu saches, maintenant, est qu'il est parfaitement correct pour toi d'aimer Ludmila, et que tu exprimes cet amour de quelque manière que tu désires, le jour ou la nuit. Les petits problèmes d'odeur s'arrangeront en quelques semaines, quand la métamorphose sera terminée.

 

-Vous dites que je peux...

-Oui, je dis que tu peux».

 

Ce fut la chose la plus étrange que j'aie jamais entendue. Au fond du désespoir absolu, prêt à mourir, je me rendais soudain compte qu'il n'y avait en fait rien à craindre, mais qu'à la place un chemin de bonheur et de lumière s'ouvrait devant moi. Je n'avais qu'à accepter... Les poignards avaient disparu, et les gardes paraissaient maintenant plus des amis aidant que des exécuteurs. La vieille dame sensuelle souriait et me câlinait, et je sentais désormais clairement une sorte de lumière qui coulait de ses doigts dans mon corps. Elle était différente de celle de Ludmila, ressemblant davantage au dessous des feuilles illuminées par le soleil dans le sous-bois, fraîche et me remplissant de santé et de bien-être, dissipant toute obscurité et inquiétude. D'après ce qu'elle échangeait avec Alanar, je compris qu'elle s'appelait Vershania.

«Mais alors, les dieux des elfes ont bien plus de pouvoir que l'UNIQUE?

-Oui, ils en ont beaucoup plus. Le seul pouvoir de l'UNIQUE est de nous faire découvrir la valeur de la gentillesse, de l'altruisme. Mais si on y réfléchit vraiment, c'est le principal, le centre, la source. Tous les autres pouvoirs sont trompeurs et sans signification, si on n'a pas un bon coeur. Le pouvoir sans le coeur peut être très efficace pour accomplir un but donné, mais il est foncièrement incapable de nous donner le bonheur. Le pouvoir sans le coeur est tout simplement inutile: seul un bon coeur peut être heureux. Il vaut mieux n'avoir aucun pouvoir, et même être malheureux, que d'avoir un pouvoir qui va nous envoyer en enfer.

«C'est pour cela que la magie n'est accordée qu'à ceux qui sont engagés sur le chemin de l'UNIQUE. Par contre, quiconque est libre de suivre la voie de l'UNIQUE de la façon dont il l'entend.

«Shelenaë et MakTar étaient des Humains, il y a environ dix mille ans, à une époque où les humains vivaient dans des huttes et chassaient les animaux pour manger. Ils ont été parmi les premiers à entendre l'UNIQUE. Afin de stopper les tueries d'animaux, Shelenaë apprit à cuisiner les grains, et elle a créé l'agriculture, comme le dit la légende. Ils ont tous deux médité toute leur vie, et quand ils sont morts pour le monde matériel, ils avaient assez de magie pour devenir des Dieux et aider les autres avec leur magie. Mais comme c'était encore difficile pour eux, ils ont préféré aider un petit nombre de disciples plus prometteurs, qui sont devenus les premiers Elfes, dans un endroit isolé et bien abrité des Montagnes Bleues. Aujourd'hui, Shelenaë, la Déesse Mère des elfes, s'occupe de la magie de vie, de la beauté, des arts, de l'agriculture, de guérison. MakTar, le Dieu Père des elfes, s'occupe plutôt d'artisanat et de construction, et aussi, si besoin est, de magie défensive. C'est pourquoi de nombreux prêtres humains considèrent MakTar comme un Dieu maléfique, un serviteur de Foggier. Mais Il est un authentique serviteur de l'UNIQUE. Et notre utilisation intensive de la magie défensive, même légitime, a agi comme un signal d'alarme, l'avertissant que quelque chose n'allait pas. Alors MakTar a restreint son aide, afin de nous faire accepter l'Exode dans le Dauriath. Une fois là-bas, la magie défensive ne sera plus nécessaire, et MakTar pourra alors utiliser Ses pouvoirs à aider les humains à comprendre.

-Et ces moines humains, pourquoi ne deviennent-ils pas des elfes, si ils suivent le chemin de l'UNIQUE?

-Hmmm… oui, ils suivent bien la voie de l'UNIQUE, mais d'une manière subtilement distordue: ils pensent être les seuls à avoir raison, et ils veulent convertir tous les autres à leurs propres concepts. Les Dieux n'aiment pas ça du tout, parce que cela va carrément à l'encontre de la liberté fondamentale des êtres conscients. Certains de ces moines finissent par comprendre, et ils pourraient devenir des elfes, mais d'habitude ils veulent l'expliquer aux prêtres, qui les tuent. Toutefois, quelles que soient leurs erreurs, ces moines ne sont pas vraiment mauvais, alors ils ont quand même gagné leur place dans les paradis elfiques. Juste qu'ils seront sacrément surpris, quand ils découvriront la liberté de s'aimer là haut, ah ah ah ah!»

Un des Aînés réapparut, pour me dire:

«Ludmila vivra, mais elle a été profondément choquée, if vaut mieux ne pas essayer de la voir avant une heure ou plus!

-Sire, s'il vous plaît, dites lui que je l'aime, sincèrement! ÇA ce n'est as une plaisanterie!»

Comme il s'en retournait dans le couloir, je criais:

«Je l'aime! Je l'aiiiiime!»

J'avais cessé de pleurer, mais je tremblais toujours follement. Toutefois, une étrange paix emplissait maintenant mon coeur et mon esprit.

Alanar s'était tu, mais Vershania lui dit quelque chose qu'il traduisit:

«Oromë, nous pouvons arranger les choses, en attendant Ludmila. Nous avons un endroit pour nous laver et nous baigner, et te trouver de meilleurs habits. Comme je t'ai expliqué, ce n'est pas vraiment nécessaire, mais tu te sentiras mieux, tu aura davantage confiance en toi. Nous avons un peu de temps devant nous.

-Oh, ce n'est pas pour moi! Tu n'imagines pas ce qu'il y a sous mes vêtements! Je suis paralysé de honte, à la simple idée qu'elle voie ça!

-Laisse-moi te montrer où c'est.

-Et aussi, montre-moi comment on se lave, j'ai jamais fait ça.

-Pfffahhahahaha tu es vraiment l'humain le plus incroyable que j'aie jamais vu! Vershania te montrera tout, c'est une guérisseuse. Allez, va!»

 

Ils me conduisirent le long de plusieurs de ces interminables couloirs rectilignes de l'ancienne caserne. Il était déjà tard dans la nuit, et nous ne rencontrèrent que peu de gens. Ils restèrent silencieux, tout en me regardant intensément. Apparemment, tout le monde était déjà au courant de mon étrange aventure.

 

Me baigner était vraiment une chose nouvelle pour moi, et je dus apprendre à me servir des serviettes et du savon. Et j'en avais vraiment, vraiment besoin, de ce bain. Mes sous-vêtements n'étaient bons qu'à brûler, et de fait je ne les ai jamais revus.

Vershania fit les choses bien, avec de l'eau chaude, tandis que dans la pièce juste à côté quelqu'un jouait de la flûte et des chansons douces. Elle me donna une tunique bleue longue simple et des sandales. Je tremblais comme de froid, mais ce n'était pas du froid, c'était plutôt le choc des moments précédents, plus l'excitation de voir Ludmila à nouveau.

Enfin, Vershania me montra quelque chose. Je pensais d'abord que c'était une sorte de petite porte dans le mur, mais quand j'essayais d'y passer, je me retrouvais soudain face à un bel elfe mâle arrivant juste en face de moi, portant la même tunique que moi. Puis je compris: la «porte» était un miroir! De me voir ressemblant déjà tant à un elfe fut un choc, une expérience très bizarre. Et agréable, je dois dire. Cette sacrée magie marchait!

 

Puis vint le moment d'aller voir Ludmila. Alanar me demanda de le suivre, et, toujours quelques couloirs plus loin, je fus admis dans une chambre. C'était un ancien dortoir de soldats, partitionné par des meubles et des rideaux en plusieurs adorables alcôves, pour une meilleure vie personnelle. Les elfes ont un incroyable talent pour transformer les endroits laids et les rendre jolis et confortables.

«Nous lui avons expliqué d'où venait le malentendu, et elle a compris. Elle veut te voir maintenant, mais fais attention, elle est encore très faible»

La pièce était sombre, et seules quelques silhouettes étaient visibles. Je suppose que c'étaient les Aînés, et probablement des infirmières.

«Oromë... » Et quelque chose que je ne compris pas.

«Elle demande si tu l'aimes vraiment. Si oui, répète simplement: Ia ilia manaë»

Je répétais du mieux que je pus.

Elle me tendit les bras et agrippa ma tunique, m'attirant vers elle, et elle m'embrassa passionnément, ses bras autour de mes épaules. Et j'étais fier, et heureux comme jamais je ne l'avais été: j'étais en train d'embrasser une elfe, une créature merveilleuse, et aussi puissante! Si j'avais pu seulement imaginer ça quelques heures plus tôt! Je sentais sa lumière, une belle clarté orange, juste affaiblie comme le soleil à la fin d'une après midi d'hiver. Elle était passée par un grand chagrin, qui se dissipait maintenant. Mais la blessure était encore douloureuse.

Nous restâmes comme cela un moment, enlacés et nous embrassant, avec la seule discrète présence de Vershania. On entendait de douces voix à l'entour, et la lumière chaleureuse d'une bougie filtrait à travers les rideaux. Puis Vershania nous expliqua que Ludmila devait se reposer, même si ma présence était très bonne pour elle. Elle m'emmena donc vers une autre chambre, et me laissa seul dans un lit. Un sac m'attendait ici, contenant mes vêtements humains et autres possessions.

 

J'étais maintenant seul, et ma tête tournait de cette incroyable histoire: comme dans une légende, un humain solitaire, pauvre et méprisé de tous, se retrouve soudain aimé d'une merveilleuse créature, toute en beauté et en gentillesse, dans une communauté de doux amis qui prennent soin de lui comme d'un fils bien aimé. C'était si inattendu, et si puissant... Je ne dus qu'à l'heure très tardive de trouver quelque sommeil.

 

Le lendemain matin, je remis mes vêtements humains et sortit de la pièce. Je retrouvais Alanar, qui fronça légèrement les sourcils, en me revoyant humain à nouveau. Il me montra le lieu des repas. Nous y trouvâmes plusieurs elfes. Certains me sourirent, d'autres regardaient ailleurs. Mon histoire était déjà connue, et elle suscitait des sentiments mitigés. Probablement elle leur paraissait aussi incroyable à eux qu'à moi. Tous étaient très calmes cependant, silencieux ou parlant à voix basse.

«Alanar, expliquez-moi, pourquoi était-elle si malade?»

Cela me valut quelques coups d'oeils irrités. Mais Alanar expliqua simplement, d'une voix douce:

«Quand les elfes aiment, ils partagent bien plus de choses que les humains. Ils partagent leur magie, et cela les rend bien plus forts. Il en résulte bien plus de bonheur. Mais nous ne pouvons faire cela qu'une seule fois, et si le compagnon meurt, ou nous trompe, les conséquences sont terribles: nous perdons notre magie, nous sommes très malades, et le plus souvent on meurt. Si nous ne mourons pas sur le coup, cela se produit au plus dans les mois qui suivent. Les dieux elfes ont conçu les choses de cette façon, parce que, pensons-nous, ils ont voulu mettre l'accent sur ​​l'amour, cet amour sacré et désintéressé, le partage profond entre deux âmes, beaucoup plus vaste que le seul mélange de deux corps. Alors ils l'ont fait irréversible, une expérience unique, pour la vie. C'est le prix à payer pour un bonheur plus profond et plus intense, et aussi pour l'utilisation correcte de notre magie, dont le but véritable est d'accroître le bonheur de tous les êtres. Mourir d'amour a certainement l'air tragique, mais ça ne l'est pas, en faits: rappelle-toi que les elfes amoureux séparés seront de toutes façons réunis au-delà de la mort, dans l'un des paradis céleste des Elfes. Il vaut donc mieux que le survivant n'attende pas trop...

-Les humains aussi sont très malheureux quand ils perdent leur amour.

-Oui, tout à fait. Garde toujours à l'esprit qu'ils sont nos frères. Les humains aussi sont très malheureux, mais ce n'est pas un danger physique pour eux, alors généralement ils n'en meurent pas, à moins qu'ils se suicident ou qu'ils laissent le chagrin miner leur appétit de vivre. Et ils peuvent avoir un autre amour, bien qu'il n'ait jamais la saveur ni l'intensité du premier.

-Ben... je pensais que j'avais encore des choses à faire dehors» concluais-je.

Alanar fronça les sourcils, comme de quelque chose qu'il craignait.

«Je pense que tu ne devrais plus sortir maintenant. J'ai la sensation qu'il en résultera quelque chose de douloureux. De toutes façons, tu n'as plus rien à faire dehors, je pense.

-Si, j'ai encore des choses à faire, payer mon loyer à ma concierge, et finir quelques travaux pour Arkad. Je n'ai pas envie de lui laisser une horloge complètement démontée dans son atelier.

-Ouais, c'est honnête de ta part. Mais rappelle-toi, c'est dangereux, tant d'humains détestent les elfes. Ils se douteront de quelque chose, tu sais comme les plus mauvais ont un flair incroyable pour trouver l'elfe dans des habits humains. Pourquoi crois-tu que tes copains se moquaient spécialement de toi, et t'ont fait une plaisanterie aussi stupide? Ces sales types ont détecté ton bon coeur aussi sûrement que nos Aînés.

-Bon, je ferai attention, et reviendrais dès que possible. Après tout, Arkad peut trouver un autre apprenti, il me l'a dit.

-Oui, mais fait attention, et reviens dès que tu peux. Et pense en tout premier à repasser par le tunnel et l'auberge, afin que personne ne puisse suspecter la connexion entre l'auberge et ce lieu.»

 

Je fis comme Alanar avait demandé, et je m'en retournais par le tunnel. Son entrée était si bien cachée que je dus lui demander où elle était. Des illusions d'optique étaient à l'oeuvre, et probablement aussi de la magie. Ensuite, je traversais l'auberge, où je ne rencontrais qu'une seule personne qui me salua aimablement. J'eus un sentiment étrange, comme si rien de tout cela n'avait jamais vraiment existé, comme si j'avais passé la nuit dans une chambre de l'Auberge du Vieux Pastel, et que toute cette histoire, le tunnel, Ludmila, les Anciens, était un rêve que j'avais eu cette nuit-là. Oui, c'était cela, c'était vraiment trop incroyable, impossible, que moi, un modeste humain, un apprenti pauvre et sale, n'ait jamais pu entrer dans le coeur d'une merveilleuse elfe.

Probablement, je n'aurais pas dû la quitter par le tunnel, et j'eus soudain l'impression qu'il n'avait jamais existé, et Ludmila non plus. Aussi irrémédiablement perdu qu'un rêve au réveil du matin. J'eus soudain un intense désir de retourner vers le tunnel, avant qu'il s'évapore, mais je n'osais pas, comme si mes pas étaient commandés par quelqu'un d'autre. Je me retrouvais bientôt hors de l'auberge, dans la rue et le joyeux soleil matinal.

Bien que se fut encore tôt le matin, il y avait déjà du monde, marchant ou conduisant des charrettes à chevaux, afin d'éviter la chaleur de l'après-midi. Personne ne prêtait attention à moi, aussi je me glissais dehors, faisant comme si je n'étais jamais entré dans cette auberge.

 

Un «rire gentil».

 

Bon sang, ces sales types m'avaient espionné toute la nuit, ou quoi? Faisant comme si je ne les avais pas remarqués, je lançais un coup d'oeil circulaire, et je vis Lizzie et un autre cachés derrière des barriques, dans un coin. Oh, si je pouvais leur raconter ma merveilleuse histoire et leur clouer le bec à jamais. Mais c'était eux qui semblaient irréels maintenant, à cause de leur attitude stupide. Je me demandais si ils avaient pu me suivre dans le noir, hier. Mais ils n'en avaient pas eu besoin, en fait: ils savaient ce que le Listal signifiait, et ils n'avaient qu'à m'attendre dans des lieux elfiques.

 

Probablement, mon court séjour parmi les Elfes, et mon histoire d'amour chaotique avec Ludmila, m'avaient déjà changé un peu. J'avais l'habitude de passer tous les jours dans cette rue, en pensant à mes occupations et à mes soucis. Mais ce matin, je sentais la chaleur du soleil. Non pas seulement la chaleur physique sur ma peau, mais un sentiment de gaieté et d'épanouissement dans mon cœur. Je remarquais de nombreux arbres et vergers en fleurs en marchant, et le parfum des fleurs. Dans le souk, des tas de fruits et de légumes révélaient de nouvelles teintes et une lumière intérieure que je n'avais jamais remarqués auparavant. Et, très bizarrement, tout ce monde de lumière, de couleurs et de sensations avait maintenant l'air infiniment plus vrai à mon esprit, que le monde de pierres, de poussière et de travail que j'avais l'habitude de voir de mes yeux.

J'achetais un fruit. Habituellement c'était un luxe interdit pour moi. Mais je n'avais qu'à en profiter, comme d'un rappel des merveilles de cette nuit.

 

A la maison, je n'osais même pas monter vers ma pauvre chambre, qui maintenant me semblait si horrible. L'affreuse odeur des toilettes dans l'escalier me suffisait. Et pour quoi prendre? Une vieille fourchette d'étain râpeuse, une casserole bosselée, des couvertures sales, le chandelier cassé? Honte à moi. Le prochain locataire ne serait que trop heureux de trouver un lieu déjà meublé. J'allais juste chez la concierge, pour payer ce que je devais. J'avais un mois de retard, mais maintenant que je n'avais plus besoin de cet argent pour manger, je pouvais liquider mes dettes.

Quand je lui dis que je partais, elle fronça les sourcils. Probablement elle sentait quelque chose de bizarre en moi. Elle n'était pas vraiment mauvaise, mais très ras de terre, et probablement elle serait choquée de savoir pourquoi je partais.

 

Puis je me rendis à l'atelier d'Arkad. Je me doutais qu'il serait plus ou moins en colère, car j'étais en retard. Mais c'était moi qui avait démonté cette horloge étrangère, et donc j'étais le seul capable de la remonter.

 

Oh non, il n'était pas en colère.

 

Il était en rage.

 

Pendant près de dix minutes, je dus supporter un flot d'insultes et de postillons. C'était inattendu, mais mes propres sentiments étaient encore plus étonnants: tout ça avait simplement l'air irréel, absurde, ne me touchant même pas. Mais je me demandais bien pourquoi il était si en colère? Il ne savait rien de tout ce qui était arrivé cette nuit. Oh mais si, justement, il savait, je l'entendis même parler d'elfes à plusieurs reprises, et de l'Auberge du Vieux Pastel. Jossie et sa bande avaient fait un vraiment sale travail, en lui rapportant tout ce qu'ils avaient vu.

Puis il sortit soudain, et... il m'enferma. «La Milice est avertie, et elle arrive. Prépare ton dos pour le fouet, rascal!»

Ça, c'était beaucoup plus grave. Des mois de prison suivaient généralement le fouet, si bien que je perdais tout, ma nouvelle vie d'elfe et mon premier amour! «Non, Arkad, s'il vous plaît, ne faites pas ça!» et je commençais à pleurer et à implorer, comme le petit humain que j'étais encore, pour la plupart. Mais seuls me répondirent ses murmures et ses pas s'éloignant. Bientôt je n'entendis plus que Klassie, l'autre apprenti, travaillant dans l'atelier voisin, où j'avais laissé l'horloge démontée. Quel idiot je faisais, il était parfaitement capable de la remonter.

 

Rien ne se passa pendant deux heures. Je pleurais sur mon rêve elfique perdu. Je savais que les miliciens étaient impitoyables, cruels, et pire encore, stupides, sans aucune forme de discernement. Ils allaient sûrement me fouetter, et après me jeter en prison, pour je ne sais combien de mois ou d'années, à moins que je meure dans l'humidité et la saleté de ces cellules froides. Et je ne reverrais jamais, jamais Ludmila. Même si je survivais si longtemps, les Elfes serait probablement partis. Et Ludmila... Je n'osais même pas penser ce qu'il adviendrait d'elle. Oh, si j'avais suivi les conseils d'Alanar, et oublié mes petites affaires, sans prendre de tels risques insensés juste pour une horloge! Il aurait bien mieux valu disparaître de Tellutaar, et avancer vers ma nouvelle vie sans plus me soucier d'Arkad ni de ma concierge.

 

Enfin, j'entendis des voix, et Arkad, mais il avait l'air calmé, pour quelque raison. Des pas fermes approchaient, avec un cliquetis de fer très reconnaissable: deux miliciens! La serrure fut ouverte, et ils entrèrent, suivis par un Arkad qui avait l'air aussi effrayé que moi, maintenant que l'autorité de Tellutaar était physiquement présente. Une odeur de cuir et de sueur empli la salle quand ils entrèrent, vêtus de leurs uniformes de cuir brun doublé de fer gris. Ils eurent un coup d'œil circulaire dans la salle, puis droit sur ​​moi. Ils n'étaient pas en colère, juste calmes et sûrs d'eux, à la façon des gens puissants. Mais c'était différent des gardes elfe, féroce et brutal. Pour eux, infliger la torture ou la mort n'était qu'une routine sans sentiment.

«Ainsi, vous avez passé une nuit dans l'Auberge du Vieux Pastel. Pourquoi? Demanda le sergent.

-Bennn... J'ai été invité pour une discussion...

-Vous avez été vu portant un Listal. Ce n'était pas que pour parler.

-C'est trop tard, il sent déjà l'elfe, fit le second.

-Non, Malron, ça c'est l'odeur du savon. Mais le résultat est le même. Et vous, vous êtes entré dans ce repaire d'elfes, portant un Listal, et bien entendu ce qui devait arriver est arrivé, je parie.

-Je ne savais pas ce que le Listal voulait dire, sire.

-Phieeew! Vous ne saviez pas? Comment est-ce possible? Quelle idée de porter un symbole dont vous ne connaissez pas le sens?

-C'était pas mon idée, sire. C'était une plaisanterie, Jossie et sa bande m'ont forcé à le porter, quand je suis entré dans la caserne, pour servir Arkad.

-Ne le croyez pas, interrompit Arkad d'une voix tremblante. Jossie est un gars honnête, pas le genre de se mélanger avec des étrangers, et je regrette bien de ne pas l'avoir pris comme apprenti, au lieu de ce rascal.

-Jossie, vous dites? demanda le sergent. Et qui d'autre?

-Jossie, Lizzie, Crazie, Mattie, Borner, Filowten, Arlouss, et d'autres dont je ne connais pas le nom. Mais je pourrais les reconnaître si je les vois.

-Bien. Et après, vous êtes entré dans cette auberge, et on sait trop bien ce qui s'est passé. Alors vous êtes en train de devenir l'un d'eux, exact?

-Eh, ce n'est pas de ma faute, je pouvais pas savoir ce que ça allait faire, sire. S'il vous plait, c'est la faute à Jossie, pas à moi.

-Ne dis pas de mal d'eux» s'écria Arkad, aussi effrayé que moi.

Le sergent se tourna brusquement, d'un seul bloc, vers Arkad. Puis il le regarda sévèrement: «Sire, nous connaissons bien Jossie et sa bande. Ils ont déjà été impliqués dans plusieurs embrouilles, mais ils ont toujours été assez malins pour échapper à notre action. Mais maintenant, avec une telle blague, et ses conséquences, ils n'échapperont plus au fouet, ou pire. Et vous (il se retourna vers moi) nous ne sommes certainement pas contents de vous, mais aucune loi n'interdit de devenir un elfe chevelu, si c'est tout ce que vous voulez faire de votre vie. Vous aviez un bon travail, et la confiance de votre maître Arkad, mais maintenant tout ça est fichu. Mais nous, nous ne pouvons rien y faire. Et puis, vous connaissez la loi, les elfes ne sont pas autorisés à avoir un travail en ville, de sorte que votre contrat d'apprentissage est maintenant rompu, et votre maître Arkad n'a plus aucune obligation envers vous.

«Maintenant, suivez-nous tous les deux vers le fort, nous devons consigner vos témoignages. Sûr que Jossie vas bientôt entendre parler de nous».

Les deux miliciens sortirent, sans même s'assurer que nous suivions, sûrs qu'ils étaient de leur autorité. Mais maintenant Arkad avait l'air aussi abasourdi que moi, de cet incroyable retournement de situation.

Après tout, ce n'était pas si mal pour moi. J'avais des chances d'échapper à la prison. Et, aussi incroyable que ça paraisse, j'étais reconnu comme un elfe par mes propres compagnons humains, comme d'une chose réelle, pas un rêve!

 

Arrivé au fort de la Milice, ils nous conduisirent dans les couloirs. Depuis les escaliers de la cave, montait une odeur nauséabonde d'humidité, de saleté et de désespoir, qui indiquait le chemin des prisons. Voyant cela, je paniquais à l'idée d'être jeté là, mais au contraire ils nous amenèrent vers les étages, et nous firent attendre le juge dans une salle. Il nous fallu patienter quatre heures, et la colère Arkad était retombée, de sorte que nous eûmes tout le temps de parler. Etrangement, il semblait influencée par l'attitude des gardes, et plus du tout en colère de me voir devenir elfe. Après m'avoir demandé comment Jossie avait pu me faire porter un Listal, il demanda:

«C'est arrivé si vite, c'est incroyable. Je pense que tu as trouvé une dame elfe, et que vous allez vous marier.

-Oui, j'en ai rencontré une. Mais je suis le premier surpris. Je n'avais aucune idée de ce qui arriverait.

-Bon, alors je pense que tu seras heureux, d'une certaine façon, avec elle. Au moins je te le souhaite. Depuis que j'ai perdu ma femme, à cause de cet horrible chancre noir, je n'ai jamais vraiment cessé de la pleurer. Tu auras une vie meilleure avec eux. Ils prennent bien plus soin les uns des autres que nous le faisons à Tellutaar.»

Puis:

«Je suis vraiment surpris de voir que le rascal était Jossie. Je ne croyais pas ça de toi, mais de la part du sergent, je dois l'admettre. C'est bien que je le sache maintenant. Mon seul regret est que tu t'en ailles. Tu étais un bon travailleur, mais maintenant je ne peux pas employer un elfe, c'est interdit. De toutes façons, tu ne vas pas rester ici, je suppose. Tu auras bien d'autres choses à t'occuper que mes horloges. Peut-être feras-tu un horloger elfique. Et moi, je dois prendre un nouvel apprenti, mais aucun de la bande à Jossie, pour sûr.»

Je fus réellement surpris des confidences d'Arkad. C'était comme si je découvrais un homme nouveau, plus authentique, l'homme qu'il aurait été sans mensonges ni intérêts grossiers pour perturber son esprit et allumer la haine dans son coeur.

 

Soudain le juge fut là, avec des greffiers et des gardes, y compris le sergent Jarval de ce matin. Il portait une robe noire, et son visage blanc et décharné sentait la mort, cette mort qu'il pouvait donner à sa fantaisie.

 

«Ainsi c'est vous qui êtes devenu un elfe, dit-il sans introduction. C'est une chose qui arrive parfois. C'est une grande honte, mais nous devons admettre que, dans ce cas, ce n'est pas de votre faute. Et de toutes façons, on ne peut pas réparer ce qui a été fait. Mais nous pouvons punir les coupables. Et pour cela, Seulot, nous avons besoin de votre témoignage. Pouvez vous répéter à notre intention ce que vous avez expliqué au sergent ici présent?»

Je dus répéter mon histoire, et répondre à quantité de questions. Ils me demandèrent tous les noms que je connaissais. Ça c'était facile, mais après nous en vînmes à certaines affaires antérieures, où mon rôle était plus ambigu. Je me retrouvais soudain en train d'expliquer que je n'étais pas vraiment d'accord avec tout ça, mais que Jossie abusait de ma loyauté pour me faire participer à ses escroqueries. A la fin le juge déclara:

«Eh bien, vous auriez dû être plus prudent, et ne pas aller à un rendez-vous avec des elfes de toutes façons. Vous avez été suffisamment mis en garde contre ce danger, par votre maître Arkad. Vous serez puni pour cela. Toutefois nous vous devons d'être en mesure d'attraper cette bande qui se moquait de nous depuis des mois. Donc, nous serons indulgents avec vous. Sergent, vous lui donnerez 15 coups de fouet plat, et après vous l'expulserez vers l'ambassade elfe. Vous procéderez discrètement, afin d'éviter la propagation de rumeurs et de mauvais exemple autour de cette affaire. Et maintenant, passons à la bande et fixons notre peine pour eux.

Je ne pouvais que remercier le juge, oubliant ma propre punition. Toutes mes craintes avaient disparu, et je pourrais être à nouveau avec Ludmila dans une heure ou deux, et même la perspective d'être fouetté n'altérait pas ma joie.

Je dus attendre deux heures de plus, seul cette fois, puisque Arkad devait témoigner face à la bande. Ainsi vont les administrations, il faut attendre en prison même pour être libéré.

 

Puis Jarval revint avec deux autres miliciens.

«Je dois vous donner le fouet moi-même, bien que je n'en aie plus du tout envie, maintenant. Enlevez votre chemise, et ne vous débattez pas, ce sera fini plus vite.» Je ne pensais plus à ce fouet, mais je pris peur en le voyant. Heureusement, c'était le fouet plat, celui qui ne laisse pas de cicatrices, utilisé pour les petites peines. Mais à chaque fois j'avais vu des gens fouettés avec cette lanière de cuir bruyante, ils hurlaient de douleur et imploraient d'arrêter. Les deux miliciens m'attachèrent les bras à un anneau sur le mur. Je remarquais qu'ils ne m'avaient pas amené à la prison, avec les autres coupables. C'était probablement une manière de montrer quelque respect ou sympathie.

Le premier coup vint, une brûlure sidérante dans mon dos, qui me coupa la respiration. Mon corps s'arqua en défense contre le second... puis... ... ... c'était fini, le milicien était en train de détacher mes mains. Mon souffle était court, mon coeur battait la chamade, et tout mon corps tremblait. Je n'ai jamais compris ce qui s'est passé exactement. Je ne me rappelle tout simplement aucune souffrance. Je suis incapable de dire si j'ai crié ou pas. C'était comme si ma conscience s'était retirée hors de mon corps, le laissant se tordre et crier seul, automatiquement, sans que je sois impliqué. Ou peut-être n'ais-je pas crié du tout, car Jarval me considérait maintenant avec une sorte de respect silencieux.

«Maintenant venez. Vous êtes légalement un elfe maintenant, et nous allons vous amener à l'ambassade des elfes. Comme ça vous retrouverez votre fiancée et vous serez dans ses bras cette nuit. Mais avant, on peut vous montrer quelque chose qui vous plaira. Suivez nous.»

Ils me ramenèrent au rez-de-chaussée, puis ils commencèrent à descendre dans les escaliers menant aux prisons, avec l'affreuse odeur de paille moisie et de sceaux de toilettes. Un couinement inquiétant émanait de la voûte obscure, et je stoppais, le coeur battant, appréhendant quelque horrible spectacle.

«Oh, dommage, ils ont déjà commencé. Jossie en train de recevoir le grand fouet, venez donc profiter du spectacle», fit un des miliciens, trouvant parfaitement normal que j'apprécie une telle vue.

-Oh, désolé, sire, mais... je n'ai pas envie de voir ça.»

Ils me regardèrent fixement, si étonnés que j'en eus peur. Je tentais une excuse vaseuse:

«Après avoir été fouetté moi-même, vous comprenez.»

Ils échangèrent des regards entendus, signifiant que j'étais un peu fou, ou admirable. Ou déjà irrécupérablement elfique, de ne pas jouir comme tout le monde de voir mes ennemis souffrir.

Je compris la chance que j'avais eue, de ne pas avoir été jeté directement en prison, sans jugement, par les habituels miliciens idiots et cruels. Jossie et sa bande connaissaient maintenant ce sort affreux à ma place. Ils le méritaient bien plus que moi, mais...

Quant à moi, je me rappelais soudain ce qu'avait dit l'Aîné: «On va s'occuper d'eux». Je commençais à comprendre que quelque terrible magie avait opéré. Bien que ce ne fût pas d'une manière visible, elle avait efficacement changé le cours des choses...

 

Dehors, la nuit était tombée soudainement, sans aucune lumière restante dans le ciel, à cause de l'ombre du Dauriath. Jarval me fit monter dans une charrette, où il pouvait me transporter sans que personne ne me voie. Puis il me laissa devant le portail de la caserne. Les gardes elfe eurent l'air très ennuyés de voir des miliciens frapper à leur porte, mais ils me reconnurent, et ils remercièrent poliment les miliciens, avant de refermer la porte. Je pus juste apercevoir Jarval me faisant un signe pore bonheur.

 

«Bon, Oromë, on a su que tu avais été arrêté, tu nous a fait une sacrée peur, quelle folie de sortir en ville avec cet air elfique, juste pour régler quelques petites dettes. On aurait pu arranger tout ça sans faire d'histoires. La plupart des humains nous supportent, mais ils n'aiment pas du tout que nous prenions certains d'entre eux, ils considèrent ça comme des enlèvements. Heureusement, Ludmila est toujours dans sa chambre, on ne l'a pas prévenue!

-Oui, ça la tuerait, si j'allais en prison.

-Oh non, elle serait sûrement très malheureuse, mais cela ne la tuerait pas, elle t'attendrais patiemment, de tout son amour. Mais imagine-la, elle qui a toujours vécu dans la liberté et la verdure, rester cinq ans sans quitter une chambre de l'Auberge du Vieux Pastel…

-Euh, cela te dérangerait t-il, Oromë, de te laver à nouveau, parce que tu as cette affreuse odeur de la milice sur toi. Et aussi... sueur de souffrance... ils t'ont torturé?

-Euuuh... je ne suis pas sûr».

Je réalisais trop tard comme cette réponse était bizarre. Tous ceux qui ont été torturé s'en rappellent évidemment tout le reste de leur vie. Mais les gardes n'eurent pas l'air vraiment surpris. Probablement cet étrange oubli étai-il aussi l'effet de quelque magie elfique.

 

Je fus vite amené aux Aînés, pour des vérifications. Probablement leur pire crainte était que j'aie parlé du tunnel. Mais ils eurent l'air rassurés. Puis Erwan m'amena à nouveau à la salle de bains. Il n'y avait plus Vershania, mais je savais comment faire, maintenant. Juste que Erwan me confisqua mes habits humains. «Comme ça, on ne t'y reprendra plus» ri t-il, mais son ton était vraiment sérieux, voir menaçant. Probablement la communauté elfique reposait-elle sur une discipline librement acceptée, mais stricte.

Il remarqua aussi que j'avais bien 15 marques rouges du fouet, régulièrement espacées et ne se recoupant pas, afin d'éviter des blessures plus profondes. Elles me brûlaient sérieusement, maintenant, aussi il m'offrit un baume qui fit retomber la douleur en quelques minutes. «Bon, tu as de la chance après tout, de ne sortir de leurs horribles prisons avec seulement ça. Ces marques auront besoin de semaines pour guérir, mais elles le feront sans cicatrices».

Après le bain, on m'offrit un repas dans la grande cuisine communautaire. J'étais presque seul. Habituellement les elfes mangent beaucoup moins que les humains, de sorte qu'ils ne prennent que le repas de midi, parfois un petit déjeuner. Je me sentais un peu honteux de prendre la nourriture quotidienne de dix personnes en un seul repas, mais j'avais encore un estomac humain à remplir. C'est à cette occasion que j'ai rencontré Mülna, une ancienne humaine qui s'était cachée dans l'ambassade, juste avant les elfes arrivent, portant aussi un Listal. Elle avait rencontré un jeune compagnon elfe seulement trois jours plus tard, quand un autre groupe d'elfes était arrivé dans le port. Et maintenant, elle était déjà très elfique, mais avec toujours besoin de davantage de nourriture, comme moi. Ainsi, je compris que tout cela était au fond une expérience très commune. Quoi qu'il en soit, nous eûmes tout le temps d'en discuter, mais c'est là une autre histoire.

 

Enfin, je fus amené dans la même pièce que la veille, avec tous les elfes hommes et femmes rassemblés. Une rumeur m'accueillit, et divers regards, étonnés, curieux, admiratifs, mais jamais hostiles. Alanar et Elena étaient là, heureux de me voir, et expliquant les choses dans la langue elfique. Vershania et l'Aîné bleu étaient aussi là, sans que je ne sache pourquoi, discutant familièrement avec l'assemblée.

Alanar leva la main pour faire un peu de silence, puis il me demanda de raconter ce qui s'était passé aujourd'hui. Il traduirait dans leur langue.

Alors je commençais à raconter, et un accord de luth m'accompagna. De cette façon, je commençais à vraiment me sentir un elfe, de raconter une histoire avec une mélodie en fond. Hélas, ce que j'avais à dire n'était pas vraiment elfique, et le luth cessa vite de me suivre. Je compris que je ne devais pas m'étaler, et je terminais avec l'histoire du temps manquant durant la séance de fouet. J'avais en face de moi des visages inquiets, certains me soutenaient, certains étaient en colère contre mes copains. Mais dans un sens, nous leurs devions que je soie devenu un elfe, alors que dire?

«C'était très dangereux d'aller en ville en plein processus de métamorphose d'humain en elfe. Cela met beaucoup d'humains en colère, car ils pensent que nous kidnappons certains des leurs. Mais n'oubliez pas que Oromë avait un motif honnête, de payer ses dettes et d'accomplir ses obligations. Cette histoire nous dit aussi que tous les êtres humains ne sont pas mauvais. Et même ceux qui semblent mauvais n'ont souvent que quelques petites choses à comprendre pour devenir bons.

-Ainsi l'UNIQUE a guidé Oromë, en quelque sorte, fit un elfe aux cheveux foncés.

-Peut-être. Mais ne tentons pas d'interpréter tout comme des actions de l'UNIQUE. C'est déjà beaucoup qu'il éveille nos coeurs à la bonté, très probablement il ne fait rien de plus, et toutes les situations que nous créons ensuite sont les nôtres, pas les siennes. Mais...»

(A lire avec la musique de Kitaro, Heaven and Earth. Il peut y avoir de la publicité, désolé, je n'en suis pas responsable)

Tout le monde se tourna vers la porte.

 

ELLE était là!

 

Aujourd'hui, elle portait une robe de soie orange, avec ses cheveux brun clair répandus sur ses épaules. Elle me regardait, hésitante, comme une petite fille qu'on aurait réprimandée injustement, et qui chercherait quelque signe de réconciliation.

Ma première idée fut de tirer un coussin près de moi, en répétant maladroitement: «Ia ilia manaë». Mais tout le monde se mit à rire, si gentiment que je riais aussi. Ludmila sourit simplement, et vint s'asseoir à côté de moi.

Oh c'était merveilleux! Nous nous embrassâmes et enlaçâmes passionnément... tandis que tous les elfes nous accompagnaient avec les luths et les applaudissements. Puis elle me parla, et je ne comprenais rien, mais juste de l'entendre me comblait de plaisir. J'étais vraiment heureux, de ce que j'avais, et de ce qui avait été réparé…

Avoir une si belle et si gentille elfe dans mes bras m'apparaissait toujours comme une faveur incroyable et imméritée. Elle était si chaleureuse maintenant, je sentais qu'elle se remettait rapidement, sa lumière éliminant tout malaise ou froideur, en un bourgeonnement de flammes chaudes et vivantes dans toutes les nuances d'or et d'orange. J'avais toujours mon désir charnel de l'aimer sur le champ, il avait même augmenté. Mais curieusement il était devenu beaucoup plus supportable, et ce devenait même agréable d'attendre pendant des heures jusqu'à ce qu'ils fussent tous rassasiés de chansons et d'histoires. Quoi qu'il en soit, Vershania nous avait dit d'attendre deux ou trois jours, qu'elle soit complètement rétablie.

 

Ma métamorphose elfique fut l'une des plus rapides jamais vues, probablement à cause de son début spectaculaire. Trois jours après, Ludmila et moi avons eu notre première nuit d'amour, qui fut vraiment merveilleuse! Nous en avons eu beaucoup d'autres depuis, et encore aujourd'hui elles deviennent de plus en plus belles. Oh, c'est vraiment différent de l'amour humain, notre cœur est beaucoup plus impliqué. On peut rester ainsi pendant des heures, immobiles, juste échangeant lumière et chaleur à travers nos corps et nos esprits, mille fois plus heureux qu'avec la brève expérience humaine.

A cette occasion, elle commença à m'apprendre sa langue, en commençant par les parties les plus tendres.

Bien sûr, elle vit les marques de fouet. Elle n'en parla pas, juste elle y posa ses lèvres, jusqu'à ce que toute douleur s'évapore. Seulement une semaine après, elles avaient presque disparu. Cette jeune elfe avait déjà une puissante magie, d'une sorte devenue rare, capable d'avoir des effets directs.

Son parfum était encore plus fort, et je ne pensais même plus à mes propres odeurs, qui avaient déjà beaucoup diminué. Au début, il faut dire que je le devais bien plus au savon, qu'à n'importe quelle sorte de magie! Mais dans les mois qui suivirent, me laver devint presque inutile, grâce à l'auto-nettoyage magique du corps des elfes. Et mon propre parfum a commencé à apparaître ... que j'aimais tout de suite beaucoup. En faits, la salle de bains était peu utilisée, seulement par les nouveaux elfes comme moi, ou quand il y avait des travaux salissants: des bandes de travailleurs riants venaient alors à la fin de la journée, pour se baigner ensemble.

 

Seulement quatre jours après cette histoire, j'assistais au festival de la nuit du solstice d'été, où les elfes ont coutume de rester éveillé toute la nuit, faisant des feux de joie et dansant joyeusement dans la célébration de Mer, la déesse de la lumière et de la joie. Nous avons fait un énorme feu de paille au milieu de l'ancienne cour d'honneur, illuminant d'orange et de rouge la caserne désaffectée. Nous grimpâmes sur les toits pour regarder par-dessus les murs d'enceinte. De là nous pouvions voir de nombreux autres feux dans la chaude nuit d'été aux mille parfums, allumés par les humains pour exactement la même cérémonie. C'était vraiment émouvant et rassurant de nous voir tous ensemble, humains et elfes, réunis paisiblement dans la célébration de la joie et le bonheur, au moins pour une nuit...

C'est à cette occasion que j'ai eu mon Dharsham Illam, l'admission officielle dans le monde de rêve des Elfes, un évènement que certains ont attendu plusieurs mois. Ils m'ont initié à leurs principales histoires, et j'eus vraiment l'impression que ce n'était pas seulement des histoires: chaque thème avait sa propre vibration, sa saveur. Et, lorsque les elfes passaient des heures assis à chanter ensemble, ils vivaient vraiment une autre vie, une vie de rêve, une vie virtuelle, qu'ils partageaient ensemble, avec tous sa charge bien réelle d'émotions et de bonheur.

Je remarquais bientôt d'autres effets physiques de ma métamorphose. J'avais beaucoup moins besoin de manger, et je me sentais d'une vigueur incroyable, sans plus besoin de sieste après les repas. Les poils de mon corps disparurent dans l'année qui a suivi, de sorte que je n'ai jamais eu besoin de me raser. Ma force a augmenté, et mes gestes sont devenus beaucoup plus précis et agiles. Mon esprit aussi est devenu plus clair, avec une mémoire très améliorée. J'ai donc appris la langue elfique, grâce à Ludmila, beaucoup plus rapidement que prévu. J'étais capable d'une bien meilleure concentration sur une tâche, sans m'ennuyer ni laisser ma pensée vagabonder. J'appréciais particulièrement ce dernier don, car je pouvais, à volonté, profiter pleinement d'une situation agréable, ou me retirer dans le monde du rêve en période d'ennui (ce qui n'arrive pas souvent chez les Elfes). Je suis aussi devenu beaucoup plus réceptif à la beauté et aux émotions, surtout par la musique. Juste quelques accords étaient capables de m'émouvoir aux larmes, de bonheur.

Parce qu'être un elfe n'est pas juste avoir un joli corps, c'est aussi avoir un bon coeur et un esprit sage…

Enfin, je compris pourquoi tant d'humains disent que les Elfes sont bizarres et distraits: Les elfes sont beaucoup plus réceptifs à beaucoup de choses, et juste un rayon de soleil, le chant d'un bourdon ou un parfum de pluie est suffisant pour remplir toute leur attention. Et ils sont capables de partager cela en société, et tous ensemble d'en profiter en silence, au contraire de la plupart des humains qui ne voient pas ces choses, et se sentent terriblement maladroits de rester silencieux en société. Ils éprouvent donc une envie irrésistible de bavarder tous ensemble, mais ainsi ils tuent immanquablement le bonheur de sentir ces petites choses de la vie. Alors, quand des elfes sont avec les humains, les elfes pensent que les humains gâchent toujours tout avec le bavardage aussi continuel qu'insignifiant, et ils tentent d'y échapper. De leur côté, les humains, inconscients du problème, pense que les Elfes sont distraits, incapable de profiter de la vie en société, voire des rustres incapables de se comporter correctement en société!

Au début, je devais rester au lit toute la matinée, pour compenser les longues nuits à bavarder et à jouer de la musique, que je manquerais à aucun prix. Comme les elfes n'ont besoin que de deux ou trois heures de sommeil, Ludmila se levait bien avant moi, et elle me câlinait et m'apportait de la nourriture du repas commun du matin. Ainsi je manquais une grande partie de la journée de travail, mais personne ne m'a jamais fait la moindre remarque ou reproche à ce sujet, même pas implicite ou subtil. Et après seulement quelques mois, je pus moi-même me lever assez tôt pour joindre les autres elfes dans les activités quotidiennes.

Même le sommeil elfique est différent du sommeil humain, en particulier parce qu'on rêve beaucoup plus. En faits, nous sommes conscients presque tout le temps, à rêver. Au début, j'avais seulement des rêves ordinaires, mais avec le temps ils devinrent magnifiques et inspirants, aussi intenses que la réalité, et même plus. Souvent, ils répondaient à la vie de rêve de la journée, au point que je n'avais qu'à les raconter le soir suivant. Bien entendu, chaque elfe ou elve avait sa propre contribution à l'histoire, mais je compris vite qu'il n'y avait jamais de contradiction entre ces contributions. Nous étions vraiment en train de rêver ensemble! Une forme de magie était clairement à l'oeuvre...

Encore plus fort, j'entendis vite dire que certains elfes sont capables de maîtriser leurs rêves, et de là, d'obtenir un contrôle direct de la magie, pour l'employer selon leur volonté consciente. Mais je n'étais pas encore autorisé à ça. Pas tout de suite.

Le jour, je fus mis au travail, essentiellement à la copie de parchemins et de documents. Je n'étais pas bon en écriture, mais c'était assez pour reproduire les textes sans rajouter quantité de fautes d'orthographe. La plupart des «elfes paresseux» étaient en fait très occupés tout au long du jour, car le cycle de négociations en cours demandait beaucoup de travail de bureau, de copie et de documentation. Ludmila travaillait également dans un bureau voisin, et je l'entendais chanter de temps en temps. On m'a aussi demandé de lire plusieurs livres, et de copier secrètement des passages sur l'artisanat, l'agriculture ou la science, si il m'arrivait d'en trouver.

Je fus bientôt admis comme un membre à part entière de la communauté. An début, je ne faisais qu'obéir et demander quoi faire, sans oser donner d'opinions personnelles. Mais les mois passant, et les nombreuses journées de travail tranquille avec la confiance et le soutient chaleureux des autres elfes, je devins assuré et instruit. Ainsi on me donna des responsabilités, d'abord sur des petites choses, et plus tard comme à tout autre elfe.

Pendant plusieurs années, je gardais ce sentiment de timidité, comme d'une faveur imméritée d'être admis parmi ces elfes honnêtes, quelque chose de trop beau pour moi. Je suis certes devenu sûr de moi dans cette société, et même parfois audacieux, mais toute gaffe me laissait rougissant et inhibé pour plusieurs jours. Il a fallut une grande patience à Ludmila et à tous mes nouveaux amis pour m'aider dans ces moments. Étrangement, la magie n'était guère efficace contre cela. Les autres elfes respectaient soigneusement ce sentiment, qui, disaient-ils, était la preuve d'un cœur très pur, très sincère dans sa motivation de devenir un elfe. Le proverbe dit que le doigt de l'UNIQUE montre le timide en exemple. Aussi, personne n'a jamais tenté d'empêcher ce sentiment, qui a toutefois diminué suffisamment pour cesser d'être un problème. Mais il n'a jamais disparu, et il est encore aujourd'hui ma façon de jouir du bonheur merveilleux d'être un elfe.

 

Un jour, j'eus l'étrange surprise de recevoir un cadeau d'Arkad, avec une note expliquant: «Seulot, j'espère que tu est heureux avec ta nouvelle épouse. J'imagine qu'elle est très belle. Quant à moi, je ne deviendrai jamais un elfe moi-même, mais je me demande si ma pauvre femme n'était pas en train d'en devenir une, car elle a laissé quelques belles tapisseries qu'elle faisait dans ses temps de loisir. Juste une est inachevée, parce que cette terrible maladie noire a emporté sa vie en seulement quelques heures, avant qu'elle ne la termine. Probablement, elle était malheureuse avec moi, parce que je ne parlais que de travail et d'affaires. Si c'était à refaire aujourd'hui, je ferais autrement, c'est sûr. Mais maintenant qu'elle est morte, je ne peux plus changer les choses. Alors j'ai décidé d'aller de l'avant et d'arrêter de vivre dans le regret. J'ai retiré de la maison tout ce qui me faisait penser à elle. Mais je ne pouvais pas jeter ces tapisseries, qui sont précieuses, je pense. Donc, je te les donne. S'il te plaît accepte ce cadeau, en signe de réconciliation, après toutes les mauvaises choses que j'ai dit sur toi et qui t'on fait fouetter. J'ai appris des gardes à l'entrée que tu avais interdiction de sortir de l'ambassade, et que probablement nous ne nous reverrons jamais. Sois heureux avec ta belle femme elfe, comme j'aurais aimé être avec la mienne».

Dans un ballot, je trouvais plusieurs oeuvres de bonne facture, sans doute maladroites aux normes elfiques, mais de couleurs gaies et chaleureuses, en tout cas assez pour que Ludmila décide de terminer celle qui était restée inachevée. Elles ont toutes fini sur les murs de l'un des longs couloirs, pour y apporter un peu de vie et de chaleur. Mon Listal sale et froissé fut également placardé quelque part, comme c'était la coutume pour les Listals gagnants. Plus tard, dans le tohu-bohu de notre déménagement précipité de Tellutaar, et tous les bouleversements qui ont suivi, j'ai perdu la trace de tous ces objets, mais je sais qu'ils sont encore aujourd'hui à orner quelque lieu elfique, et quelqu'un qui les verrait penserait que ce serait du vrai travail elfique. On ne pouvait imaginer meilleur hommage à la malheureuse épouse d'Arkad.

 

Nos négociations ont finalement échoué, mais ce n'était qu'un pas dans un processus de nombreuses années. Les Aînés étaient habiles à mener les discussions, et cet échec apparent était en fait un pas subtil mais réel vers notre victoire, un bon argument pour notre projet, tout en ayant l'air non intentionnel.

Nous dûmes quitter Tellutaar avec seulement deux jours de préavis, et juste le temps d'emballer toutes nos affaires et de remplir le tunnel de terre. Certains d'entre nous s'en allèrent à pied à travers les montagnes, tandis que d'autres ont quitté l'ancienne caserne en pleine nuit, dans des chariots lourdement chargés, vers le port où de puissants navires elfiques blancs nous attendaient. Ludmila tremblait de froid et d'émotion, tandis que je jetais un dernier regard à Tellutaar, le lieu où je suis né et où j'avais passé toute ma pauvre jeunesse. Vu de l'océan, la ville était si belle, et elle méritait vraiment son nom de «Perle du Somman» (l'océan du milieu). Le soleil levant d'automne jetait des reflets roses sur les vastes dômes des grands temples, sur le plateau au dessus de la ville, entre de grandes masses d'arbres verts et d'audacieux minarets. J'étais un peu triste, car c'était un spectacle merveilleux, quel dommage que nous n'ayons pas été capables d'être heureux ensemble dans un aussi bel endroit. Mais bientôt les rives rocailleuses, encore nues car fraîchement émergées de l'océan, disparurent à la vue, puis les paysages de montagnes bleues qui furent l'écrin de mon enfance.

 

Quittant la ville de son enfance pour une nouvelle vie

 

Mais quand je découvris le véritable pays elfique, sa nature paisible et son incroyable beauté, il éclipsait Tellutaar de loin. Bien sûr, il était bien plus beau que n'importe quel lieu humain; mais en plus, ces bâtiments merveilleux et ces forêts vierges avait leur propre vie et leur propre magie, offrant leur bonheur apaisant et leur gaieté simplement de les voir, sans parler d'y habiter. Mon coeur souffrait vraiment de réaliser que tout cela était voué à la destruction. Seuls les Elfes pouvait ressentir la perte ...

Mais nous n'avons pas pu beaucoup profiter de nos anciennes terres: comme la plupart des elfes impliqués dans les négociations, nous avions une vie chaotique, nous rassemblant ici ou là, nous déplaçant de toute urgence ailleurs, nous séparant pour nous réunir à nouveau. Ce fut une période incroyable, où j'appris plusieurs langues elfiques, et beaucoup de choses sur nos pays et nos coutumes, et aussi sur les nombreux pays humains. J'ai également eu la chance de rencontrer en personne la plupart de nos Aînés, et cela fit de moi, petit à petit, un personnage très estimé, à qui beaucoup de gens demandaient conseil et expérience.

Les négociations se terminèrent 17 ans plus tard, avec un accord signé comme quoi tous les 18 millions d'Elfes du Nyidiath, le monde d'ici, seraient exilés dans le Dauriath, le monde dans le ciel. Sept ans furent encore nécessaires pour préciser qui couvrirait les dépenses et fournirait les navires et autres fournitures nécessaires pour s'établir dans le Dauriath. Enfin, il a fallu 63 années pour mener à bien l'Exode lui-même. Les Grands rois humains étaient heureux d'être enfin débarrassés des elfes, et surtout de s'approprier leurs terres et leurs mines, à un moindre coût que la guerre. Mais nous étions les vrais gagnants: l'Exode était prévu dans de très bonnes conditions, et il nous fut donné quantité de matières premières et de ressources, ce qui nous permit un démarrage rapide dans notre nouvelle vie dans le Dauriath. Même les humains désirant spontanément devenir des elfes étaient garantis un très bon traitement. Et, obtenu dans un rush de dernière minute, le magnifique Shantar Anar Marjun, le Palais Doré et les Montagnes Bleues à l'entour, seraient placés en réserve et gardés intacts. Ce fut une bonne nouvelle pour tout le monde, car c'était le lieu le plus sacré, beau et magique, au cœur même des terres elfiques, où les premiers elfes sont apparus, où l'on disait que Shelenaë et MakTar eux-mêmes avaient passé leur vie dans ce monde, il y a dix mille ans. Maintenant, c'est une sorte d'ambassade elfique officieuse, occupée par un petit nombre d'elfes (et d'elfes en devenir) qui sont restés dans le Nyidiath.

 

Le temple elfique du marjun

 

Mais tout cela n'était plus mon souci. Seulement trois ans après notre départ de Tellutaar, un premier navire elfique tenta en secret le passage du Horiathon, la terrible passe menant vers le Dauriath dans le ciel. Bien avant que l'Exode officiel ne commence, l'agriculture était déjà établie dans le Dauriath, de vaste docks étaient remplis de grains, et Ludmila et moi étions parmi les premiers pionniers.

 

Aussi vous comprenez, maintenant, mes fils et mes filles, comment je suis devenu un elfe, il y a 185 ans, et pourquoi il ne faut pas haïr les humains malgré le mal qu'ils ont fait, à nous et à eux-mêmes.

 

Ludmila et moi, avec quelques-uns des Elfes que j'ai rencontrés à Tellutaar, comme Alanar et Elena, et l'Aîné vêtu de bleu, nous nous sommes installés dans cet endroit que nous appelons maintenant le Daur Asnath Anarië, une plaine circulaire de 20kms entourée de falaises, avec une montagne isolée au centre. Nous savons que, lorsque la mer cessera de monter dans le Dauriath, cette montagne deviendra une île, au centre d'une mer circulaire. Nous avons donc réservé cette île pour des temples spéciaux et la haute spiritualité. Nous nous dépêchons également d'extraire certains minerais, avant qu'ils ne soient recouverts par l'eau.

Au début, nous n'étions pas encouragés à faire des enfants, car il nous fallait d'abord développer l'agriculture pour des millions de personnes arrivant toutes ensembles. Mais quand l'Exode fut terminé, Ludmila voulut avoir des enfants. Elle aimait câliner les bébés, et j'aimais vous expliquer tous les métiers et toutes les sciences que je connais. Un enfant tous les dix ans, c'est largement assez pour peupler tout le Dauriath et dépasser les humains, avant que nous les rencontrions de nouveau.

 

Comme vous le savez, au début nous avions un monde à construire: cultures, maisons, mines (Même si il n'y a que peu de mines dans le Dauriath, c'est bien plus qu'il en faut pour notre mode de vie discret). Après, il nous fallut aménager à nouveau de belles maisons et palais, et nous y avons fort bien réussi, même si nous avons toujours l'impression qu'aucune de nos nouvelles créations n'approche même de loin nos anciennes constructions du Nyidiath.

Mais maintenant, nos aînés nous demandent d'étudier la science, car nous aurons besoin de surpasser la science humaine lorsque le Horiathon permettra une communication sûre dans les deux sens, d'ici à cinq siècles. C'est pourquoi nous sommes en train de construire ce gnomon, pour tenter de résoudre une énigme: quand le soleil traverse les constellations au fil de l'année, il va un peu plus vite en été qu'en hiver. J'ai trouvé moi-même cet étrange résultat, en essayant de mettre au point des horloges précises. Nous devons essayer de connaître le mouvement exact du soleil et des planètes, et trouver lequel est au centre. Alanar a pu construire un nouveau télescope plus grand, pour étudier les mouvements des planètes, et, ensemble, nous sommes déjà au-delà des connaissances de l'astronomie humaine.

 

Mais toute cette science est étroitement surveillée par nos Aînés. Sciences et techniques sont très trompeurs et dangereux. Ils paraissent efficaces et irrésistibles, donnant des résultats immédiats et des moyens puissants, sans besoin d'aucun effort moral... Dans quelques siècles, nous serons en mesure de Voyager à travers tout le Dauriath en quelques heures, de parler à des gens loin de là, ou d'illuminer nos maisons comme en plein jour. Mais la technologie peut également fabriquer des armes terribles, capables d'incinérer une grande ville en une seconde. Nous pourrions être tentés d'utiliser ces armes contre les humains, avant que leur folie ne devienne si énorme qu'ils détruisent nos deux mondes. Mais ce faisant, nous perdrions notre magie, et nous deviendrions incapables de changer les humains en elfes, si on ne devient pas des humains nous-mêmes.

La magie est difficile à obtenir, et elle demande une forte discipline et maîtrise morale pour ceux qui ne sont pas nés avec l'esprit juste. Pour la plupart d'entre nous, elle n'a que des effets indirects ou imprévisibles. Mais seule la magie est vraiment capable de résoudre tous nos problèmes, seule la magie peut atteindre le coeur humain et de démarrer la Métamorphose. Il faudra des siècles, bien après que le Horiaton soit ouvert, mais tout le monde deviendra capable de comprendre et de devenir un elfe.

Et, comme pour illustrer cela, vous savez que, déjà, de plus en plus de navires humains tentent le passage à travers le Horiaton, des humains souhaitant devenir des elfes, ce que nous appelons des navires Listal. Certains des nouveaux venus ont de mauvaises motivations, et nous devons alors les parquer dans des réserves, libres de vivre comme ils l'entendent, mais avec les hommes et les femmes séparés de quelques milliers de kilomètres. Heureusement, la plupart des nouveaux venus parviennent effectivement à devenir des elfes. C'est vraiment dommage pour les humains que leur monde soit maintenant vide d'elfes, de sorte que ceux qui sont prêts à comprendre doivent passer par de grandes difficultés, et même supporter racisme et intimidations. Mais la seule chose que nous pouvons faire pour cela est la magie, pour les protéger. Et pour eux, les choses vont vers le Bien, même si c'est par des moyens étranges, comme c'est arrivé à moi.

Ainsi, nous devons devenir sages et explorer l'univers, mais sans jamais oublier de suivre les trois principes de l'UNIQUE: °Faire confiance en la vie°, °Avoir une vie simple et modérée°, et °Offrir plus de bonté aux autres qu'à soi-même°. Si nous pratiquons ainsi, alors Shelenaë et MakTar, la Déesse Mère et le Père Divin des Elfes, les Amoureux Eternels, continueront à nous offrir leur magie, et, une fois de plus nous pourrons partager cette magie à travers l'amour.

 

FIN.

 

 

 

Cette histoire a une petite suite, écrite plus tard: l'arrivée d'Oromë et Ludmila dans le Dauriath )

 

 

Ce texte avait également deux apendices, un sur La langue, et un sur Les religions de ce monde. Ils ont été poussés sur deux pages séparées, que j'espèe enrichir davantage.

 

 

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.•*?`¨`• METAMORPHOSIS •´¨`?*•.

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