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Les Elfes du Dauriath

Comment Nandalee s'est battue pour sa liberté,
sans le savoir.

Par Yichard Muni, barde Elfe

 

Rencontrons-nous en vrai! Mon nom: Richard Trigaux. Nom d'artiste: Yichard Muni
Tous les vendredis à 12pm SLT (19hTU) (France: 21h), rencontres elfiques et histoires

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Ce texte s'insère dans une intrigue plus vaste. Il vaut donc mieux lire d'abord «Le Baiser des Mondes».

Index des histoires: ordre chronologique, ou par ordre de création

 

 

Cette histoire s'est passé il y a longtemps, sur une île de l'archipel du Shartan. Les grandes îles étaient gouvernées par des rois, et les petites par des barons.

Mais une des plus petites îles appartenait à un simple marchand, qui vivait dans un petit fort, entouré de quelques soldats, esclaves et comptables. Ils complétaient leur commerce de vergers et d'artisanat. Et ce n'était pas un endroit agréable: toute la vie de cet homme n'était que pour l'argent, et il était sans pitié pour ses esclaves. Mais il était malade, et il semblait plus vieux qu'il aurait dû. En fait, c'était sa femme Dammiel qui lui donnait tous les jours une petite doses de poison, afin d'être la véritable maîtresse de l'île.

Peu avaient le privilège de pouvoir pénétrer dans la chambre du propriétaire, et c'était probablement mieux ainsi: il était autoritaire et très têtu. Mais son épouse était bien pire, une femme vraiment mauvaise, du type que nous appellerions aujourd'hui une sociopathe. Mais en ces temps anciens, on la qualifiait plutôt de démoniaque. Elle était cependant très habile à imiter la sympathie, et elle arrangeait ses mauvais tours de telle manière que bien peu la soupçonnaient directement. Ainsi, ils étaient tous persuadés qu'elle était une bonne épouse prenant tendrement soin de son mari bien aimé.

Leur fille Nandalee jouait innocemment dans la cour dallée réservée aux femmes. Elle était mince avec des cheveux noirs brillants. Heureusement, c'étaient des serviteurs qui s'occupaient d'elle, et elle ne voyait que rarement ses parents. Cela lui faisait une vie relativement heureuse, sauf qu'elle passait presque tout son temps enfermée dans la petite cour des femmes. Elle grandissait dans la bonté, éduquée par Schmee, une femme esclave capturée suite à une guerre sur une plus grande île.

Le propriétaire n'aimait pas sa fille, parce qu'il voulait un garçon, pour continuer son nom de famille. Mais sa femme, comme souvent les femmes tyranniques, détestait les hommes. Et elle voulait que sa fille devienne la propriétaire... Mais en ce temps, les femmes propriétaires étaient rares, et même mal vues... Dammiel réussit malgré tout à ne donner qu'une fille au vieil homme. Probablement elle avait «disposé» de ses bébés garçons.

Cependant, sa fille Nandalee avait vraiment autre chose en tête. Elle grandissait dans sa cour, ou parfois dans les vergers à l'entour, entraînée par Schmee dans l'art de tisser de belles tapisseries dans son atelier.

Schmee était une femme instruite, sachant écrire, avec d'aimables manières. Mais elle était surtout une artiste de haut niveau. Elle avait eu une famille et des terres, mais elle avait tout perdu à la guerre. Elle put se réfugier sur l'île, mais au prix de devenir esclave. Pas d'autre choix ne lui fut offert, de toutes façons. Heureusement, on lui donnait de bons matériaux, et elle faisait de belles broderies et tapisseries. Mais dès qu'elles étaient terminées, toute sa production disparaissait sur le navire du père, et était vendue à un prix élevé. Et elle ne voyait jamais l'argent. Mais elle ne disait rien, pour ne pas gâcher l'enfance de Nandalee.

Cela faisait que Nandalee et Schmee étaient très bonnes amies, au contraire des autres femmes et filles, grossières et jalouses, passant leur temps à ricaner et se disputer bruyamment. Mais elles étaient la plupart du temps enfermées toutes ensemble dans la cour des femmes, et rarement admises aux vergers. Ainsi, voir des fleurs ou de la verdure était un moment rare et intense... Schmee apprit à Nandalee la valeur de celui-ci, et comment en profiter au mieux... sans laisser les autres interférer avec ces sentiments délicats.

Schmee regrettait souvent amèrement son ancienne vie libre, où elle était heureuse et respectée. Elle se serait probablement suicidée depuis longtemps, plutôt que de supporter cet esclavage vide de sens. Ce qui la gardait à flot était Nandalee. Il lui fallait l'éduquer, afin qu'elle ait quelques chances de s'épanouir en une adulte libre. Et elle était la seule capable de le faire, sur cette île peuplée seulement de gens mesquins ou faibles.

Dans quelques années peut-être, Nandalee gouvernerait l'île... Pourrait-elle libérer Schmee, à ce moment-là? C'était un bien mince espoir auquel s'accrocher! Schmee savait que, bien trop souvent hélas, les gentils jeunes enfants deviennent «comme les autres», une fois qu'ils ont découvert le goût du pouvoir...

Malgré ces dures conditions, grâce à Schmee, Nandalee put développer sa sensibilité et devenir une artiste... quoique avec des moyens d'expression très limités. Mais Schmee put manœuvrer pour obtenir une autorisation de sortie, en tant qu'artistes, afin de rechercher des modèles. Ceci fit qu'elles avaient un bout d'île pour elles, une lande rocheuse, impropre à la culture et battue par l'océan.

On disait qu'une bataille avait eu lieu là, il y a quelques années, et Schmee avait entendu cette histoire plusieurs fois, d'une tribu d'elfes qui avaient envahi l'île, et les habitants avaient dû se défendre au risque de leur vie. Ils ne manquaient jamais d'ajouter que les Elfes avaient également tué Nimly, le premier fils du propriétaire... Mais tout cela n'était pas bon à répéter devant Nandalee. De toutes façons, aucune trace ne restait du drame, sauf quelques perles de verre coloré éparpillées dans le sable, qui avaient autrefois orné les cheveux de quelque belle femme. Nandalee jouait à les ramasser, sans soupçonner l'horrible histoire qu'elles recelaient...

Pour le moment, l'île semblait paisible. Dammiel évitait même les plus sévères punitions aux esclaves, torture ou mort. Ce qui la faisait considérer comme sage et bonne... jusqu'à ce qu'elle se choisisse un souffre-douleur sans méfiance, et commence à le harceler, le poussant rapidement à l'enfer et au suicide, plus sûrement qu'avec la torture physique. Mais peu comprenaient ces choses...

 

A cause du risque de Nandalee répétant innocemment, Schmee ne pouvait pas parler librement, même lorsqu'elles étaient seules dans leurs roches. Mais Schmee enseigna à Nandalee quelques défenses contre Dammiel et les autres gens vulgaires. C'était un jeu difficile, tout en insinuations, car la moindre remarque ouverte la ferait harceler à son tour.

Les choses allèrent ainsi, jusqu'à ce que Nandalee fut considérée en âge de se marier (A l'époque, c'était à 13 ans... elle était encore une enfant!) Dammiel reconnu le fait à contrecoeur. Et elle éluda toute discussion à ce sujet. Elle n'aimait pas du tout l'idée de sa fille se mariant... surtout avec un homme! Et de toutes façons, qui pourrait-elle épouser? Il n'y avait personne d'assez bien sur toute l'île pour le goût de cette femme. La seule chose de sûre, elle ne voulait pas qu'elle se marie avec un artiste... ni avec personne d'autre, car elle aurait vite un héritier mâle, et il deviendrait le propriétaire de l'île, à la place de Dammiel ou de Nandalee, comme c'était la coutume...

En ces temps, les femmes n'étaient pas autorisées sur les navires. Le propriétaire de l'île avait ses propres navires, qu'il utilisait pour le commerce de sa production. Mais tout ce que les femmes pouvaient voir, depuis leur cour entourée de murs, était le haut des mâts. Et quand les mâts apparaissaient, toutes leurs merveilleuses tapisseries disparaissaient...

Elles n'avaient de nouvelles du monde que par des bavardages. Parfois, des gens venaient sur l'île... c'était rare, car le propriétaire avait mauvaise réputation, d'être inhospitalier. De toutes façons, les femmes n'étaient considérées que bonnes à coudre et à cuisiner, et elles n'étaient pas informées de ce qui se passait, sur l'île ou au loin. Elles faisaient de vraiment magnifiques broderies, mais sans aucune idée du prix élevé où elles étaient vendues, ni pourquoi les clients étaient prêts à payer si cher. Elles entendaient seulement parler de gens qui venaient chercher les tapisseries, mais sans jamais les voir.

Une belle après-midi cependant, ce fut différent: au lieu des habituels lourds mâts de bois gris brut, ce fut d'élégants mâts blancs qui pointèrent au-dessus du mur de la cour des femmes. Mais comme d'habitude, les femmes n'étaient autorisées à recevoir aucune information sur qui était là, ni ce qu'ils faisaient. Et Nandalee ne pouvait pas deviner... Il y avait des mots qu'elle n'avait jamais entendu de toute sa vie!

Mais Schmee comprit immédiatement qui étaient les possesseurs de ces mâts blancs, et elle fut très excitée... mais sans rien oser dire à Nandalee... Les enfants peuvent répéter... C'était plus sûr qu'elle ne sache rien!

Ces clients étaient vraiment différents... Ils avaient demandé à voir les artistes, pour une commande spéciale! Il y avait de nombreux détails à régler... de toute évidence, ils étaient instruits, notamment en tapisserie!

Le propriétaire, quoique malade (empoisonné) était réticent à laisser les visiteurs voir ses femmes. Et il était toujours extrêmement têtu... Dammiel était bien pire, inébranlables à «protéger» ses esclaves et sa fille des hommes... Ce qui fit que, à la fin, ils autorisèrent seulement une femme des visiteurs dans la cour des femmes!

Les femmes sont beaucoup moins dangereuses que les hommes, pensait le propriétaire. Comme il se trompait! S'il avait su, il aurait compris qu'il n'avait rien à craindre pour ses femmes... mais pour lui-même ! Mais essayez de faire comprendre ça à un phallocrate, en plus désespérément opiniâtre...

Seulement une heure après l'accord, une belle visiteuse fut introduite dans la cour des femmes, et de là dans l'atelier de tissage de Schmee. Son âge était difficile à deviner: elle était jolie comme une jeune fille, mais forte comme une adulte, et sage comme une ancienne. On imagine facilement que les autres femmes vulgaires dans la cour purent à peine réprimer leurs ricanements, en voyant ses superbe cheveux blonds longs et sa fine robe blanche. C'est qu'aucune d'entre elles ne pouvait rivaliser avec la beauté de l'étrange visiteuse, et de fort loin. Face à elle, Schmee avait du mal à parler, faisant des mouvements maladroits. Nandalee, totalement incapable de deviner qui était cette personne, se sentait juste timide... et émue: la seule chose qu'elle savait, est que l'étrange femme parlait doucement, et qu'elle aimait les scènes de nature qu'elles faisaient sur leurs tapisseries! Elle était vraiment la seule ici, sauf bien sûr Schmee.

L'étrange femme avait apporté un canevas, montrant plusieurs personnages dansant dans un décor de fleurs merveilleuses et de vignes, avec de nombreux drapés et beaucoup de détails. Elles discutèrent pendant des heures de certains points de la scène. Mais bien avant, les gardiens et les autres femmes vulgaires s'ennuyèrent, et s'en allèrent. Même Nandalee fut distraite, quittant l'atelier pour la pièce voisine... laissant Schmee et l'étrange femme enfin libres de parler ensemble!

Hâtivement, elles échangèrent des mots étranges dans une langue inconnue, pendant si peu de temps que Nandalee ne réalisa pas ce qu'était cette scène. Seulement Schmee pouvait comprendre, et après, elle avait l'air très excitée... Mais Schmee était consciente que Nandalee était encore une enfant, et qu'elle pouvait répéter innocemment... aussi elle retourna vite à la langue habituelle, quand Nandalee, sa curiosité piquée, revint les écouter. Mais Schmee et la femme inconnue parlaient maintenant normalement.

Mais l'étrange femme se pencha vers Nandalee, et lui parla, d'une voix douce, tout en souriant. Elle lui parla d'art et de beauté, et lui demanda ce qu'elle aimerait faire à l'avenir. Mais la pauvre Nandalee n'avait pas grand chose à dire: elle ne pouvait guère imaginer d'autre avenir ici, que de faire des tapisseries et des tapisseries, jusqu'à ce que ses yeux deviennent trop faibles pour travailler! La notion même de changement n'était pas dans son esprit... Au mieux savait-elle qu'il y avait «d'autres endroits», dont les visiteurs venaient, mais elle n'avait aucune idée de qui étaient ces visiteurs, ni de ce qu'ils pouvaient bien faire. Probablement les autres endroits n'étaient que d'autres cours grises entourées de murs...

Ainsi cette conversation se termina, avec la dame souriant doucement à Nandalee... Quand elle s'en alla, Nandalee se sentit triste...

Les visiteurs sont restés environ une semaine. La dame revint plusieurs fois, et elle demanda à Nandalee ce qu'elle aimait, si elle voulait se marier, et d'autres choses. Mais Schmee envoya plusieurs fois Nandalee dans une autre pièce... où elle ne pouvait que deviner quelques conversations hâtives à voix basse, mais elle était sûre que c'était dans la langue inconnue.

Un matin, les élégants mâts blancs avaient disparu, sans explication. Seul restait le canevas demandé...

 

 

 

Elles avaient trois mois pour le réaliser en entier. Cela représentait beaucoup de travail soigneux et attentif, mais elles le firent.

 

 

 

Quand, trois mois plus tard, les mâts blancs réapparurent, l'espoir revint pour les deux femmes. Le propriétaire, père de Nandalee, apparut brièvement, pour prendre la tapisserie terminée, sans un seul mot de remerciement. Il avait juste l'air heureux de la grosse somme d'argent qu'il allait gagner avec elle. Il était en bonne santé ce jour-là, probablement à cette occasion sa femme ne lui avait pas servi sa dose quotidienne de poison.

Schmee était très excitée, s'attendant à voir à nouveau les visiteurs, et Nandalee avait maintenant envie de la sage et belle femme, qui aimait tant la nature...

Mais pendant trois jours, personne n'entra dans la cour des femmes... c'était très décevant.

Elles attendirent, attendirent, regardant par-dessus le mur, tout en essayant de ne pas se faire remarquer... jusqu'au matin du quatrième jour, où elles virent que les mâts blancs avaient disparu!

Des sentiments divers balayèrent leurs coeurs... Mais Schmee savait que, en tant qu'esclave, il ne lui était pas permis d'exprimer un quelconque sentiment, et encore moins de poser aucune question à ses maîtres. Aussi elle pleura silencieusement, quant elle était seule. Nandalee comprit qu'elle était triste, et elle l'était aussi, de ne pas de revoir la douce Dame comme prévu. Et elle n'était pas davantage autorisée à pleurer: elle savait que quand elle le faisait, sa mère venait, la prenait seule, et lui disait des mots très cruels, profondément humiliants. Aussi il lui fallait dire qu'elle était heureuse, et sourire... Mais elle n'avait aucune envie de sourire ces jours-là. Heureusement sa mère ne se montrait pas, car elle ne prenait pas beaucoup soin d'elle.

Même leurs plaisirs ordinaires étaient désormais insipides: manger avec les autres femmes et filles, avec leurs constants ricanements dénuées de sens et leurs querelles mesquines, devenait insupportable. Et elles commencèrent à être dégoûtées de faire des broderies ou des tapisseries... Mais elles devaient se taire, et obéir, et travailler.

Le lendemain matin, des voix rudes et des ordres des gardiens les firent sursauter. Elles n'avaient aucune idée de ce qui se passait, depuis leur cour, mais c'était sûrement très grave.

A midi, la porte de la cour des femmes s'ouvrit brusquement, et le chef des gardes entra. D'une voix autoritaire, il ordonna à toutes de sortir. Elles furent bientôt rassemblées sur le quai du petit port de l'île.

Et elles virent: quatre grands navires assiégeaient l'île! Ils étaient en guerre! Toutes les femmes se mirent à crier, mais pour des raisons différentes. Alors que les autres filles étaient terrorisées, Schmee soupira profondément, de revoir les mâts blancs, les voiles blanches et les élégantes coques blanches avec des touches d'arc-en-ciel. Nandalee pleurait comme les autres, et elle demanda à Schmee ce qui se passait. Mais Schmee lui ordonna seulement de garder le silence.

L'agitation était à son comble, avec tous les esclaves, comptables et soldats criant, courant partout, et les femmes hurlant et pleurant. Les gardes donnaient des ordres, tentant de ramener de l'organisation.

Pour Nandalee, il était difficile de deviner ce qui se passait, et elle était aussi effrayée que les autres. Elle pensait que les assiégeants étaient probablement des pirates, ou un autre baron propriétaire, désireux de s'emparer de l'île. Dans ce cas, ils seraient tous tués ou réduits en esclavage! Y compris elle, Nandalee.

Le face à face dura trois jours, tandis que les navires attendaient, menaçants. Des pourparlers se déroulaient probablement entre le propriétaire et les assiégeants, car on voyait des barques aller et venir. Mais en vain!

Étrangement, Schmee ne semblait pas avoir peur du tout. Mais elle évitait de parler à Nandalee, lui demandant juste de rester près d'elle et de lui obéir quoi qu'il arrive.

Les gardes fourbissaient leurs épées et s'entraînaient bruyamment, tandis que les femmes durent préparer des flèches. Elles découpèrent des meubles pour les tiges, et de vieux vêtements en guise de plumes. Elles transformaient les fils de trame de lin en cordes d'arc. Par manque de fer, elles se contentaient de durcir au feu l'extrémité des tiges. Même Schmee et Nandalee durent tailler des tiges de bois pour les flèches. Ajuster une flèche assez droite exige une certaine dextérité, et les habiles brodeuses furent employées à cette fin. Dans la cour de derrière, les comptables et les esclaves s'entraînaient au tir à l'arc. Les charpentiers essayaient aussi d'assembler une catapulte, mais cette machine ne fut pas prête à temps.

Le soir, quand il n'y n'avait plus assez de lumière pour travailler, toutes les femmes et les filles se rassemblaient à nouveau dans leur cour, racontant présent Nandalee toutes les cruelles histoires de guerre qu'elles connaissaient, avec les blessures, la mort, les mutilations... et le viol, qui semblait la pire chose de toutes. Nandalee fut vite horrifiée, et le lendemain elle travaillait consciencieusement à ses flèches. Mais elle entendit également quelque chose de nouveau: les assiégeants étaient des elfes, et lorsque ce mot commença à se répandre, les filles eurent des visages horrifiés... Pour Nandalee, qui avait seulement 13 ans, ce mot ne signifiait rien, et elle crut bientôt, comme tous les autres, que les elfes étaient de cruels guerriers qui les attaquaient sans motif. Seule Schmee tenait la main de Nandalee, ce qui la rassurait.

Le quatrième jour, les pourparlers se terminèrent.

Sur un échec.

Il avait pourtant été proposé au propriétaire une bonne entente, et même un bon prix. Mais il était trop têtu. S'il avait accepté ce que demandaient les assiégeants, il aurait pu sauver ses biens et son statut. Mais il était incapable de tout compromis...

Ainsi, seul l'assaut pouvait régler les choses, maintenant.

Le propriétaire, le père de Nandalee, avait très confiance dans ses murs et ses gardes. Il était particulièrement fier de la lourde porte de bois qui contrôlait l'accès à sa forteresse depuis le port. Il était sûr qu'aucun bélier ne pouvait la briser... lors d'une première tentative! Il n'imaginait tout simplement pas ce que signifie un long siège...

Ainsi, le quatrième jour, les bateaux blancs s'approchèrent encore, chargés de guerriers avec des boucliers blancs, tous prêts à débarquer. Les gardes de l'île tirèrent quelques flèches, mais elles tombèrent trop près.

Cependant, un cinquième bateau était apparu: une galère blanche, mince aux courbes élégantes. Mais effrayante... Un dromon de guerre!

Il était arrivé avec ses voiles, mais lorsqu'il fut assez proche, il les replia, et les rameurs sortirent leurs avirons. Et les habitants de l'île purent entendre le rythme du maître tambour, tandis que les rames commençaient à battre l'océan. Bientôt, ils entendirent aussi la clameur magnifique des jeunes athlètes elfes tirant sur leurs rames avec une détermination sans faille!

Le dromon s'approchait du port... en marche arrière! De sorte que son éperon traînait inutilement derrière lui... Mais le propriétaire comprit vite ce qu'il comptait faire! Rapidement, il ordonna à son propre navire de larguer les amarres, pour tenter de faire obstacle. Mais il était trop tard, bien trop tard, pour changer quoi que ce soit à sa folle obstination! Quand le dromon entra dans le port, les gardes lancèrent des flèches contre lui, mais sans résultat, car des planches cachaient les rameurs, et un petit château de bois protégeait les autres membres de l'équipage.

Les soldats de l'île commencèrent à crier et à reculer en panique, tandis que le lourd navire, taillé dans un énorme tronc d'arbre, se ruait à pleine vitesse dans le petit port. Juste avant le choc inévitable, les rameurs rentrèrent leurs avirons, et le navire heurta le quai à l'extrémité du port. Il ne pouvait rien faire contre le quai de pierre lui-même, mais la forme fuselée lisse de sa poupe le fit rebondir par-dessus, et retomber lourdement sur la porte en bois qui était la seule défense du fort, l'écrasant net!

A peine le navire immobilisé, les guerriers elfes sautèrent à terre, brandissant des épées de fer et entonnant des chants terribles, en se protégeant des flèches à l'aide de longs boucliers blancs légers. Ils entrèrent dans le fort directement depuis le navire, et bientôt les arcs furent inutiles, dans la mêlée. Peu de gardes osèrent les défier en combat rapproché, les autres préférant fuir... juste pour s'apercevoir que cette inhabituelle tactique du dromon n'était qu'une diversion: au même moment, les guerriers des autres navires avaient débarqué derrière le fort, et ils étaient en train de sauter par-dessus le mur arrière non protégé, submergeant toutes les défenses.

Ainsi le combat fut vite terminé. Les Elfes avaient quelques blessés, surtout par flèches au cours du premier assaut. Ils furent rapidement emmenés à bord des autres navires. Les gardes blessés furent rassemblés dans dans une pièce. Ils avaient aussi plusieurs morts.

Les esclaves tremblant, les clercs et les femmes furent tous rassemblés dans la cour principale, appréhendant de que l'on ferait d'eux.

Le Seigneur elfe qui avait conduit l'attaque entra à son tour. En l'occurrence, c'était une seigneure, et cela ajouta à l'humiliation des perdants. Mais au moins, cela fit se rendre les derniers combattants.

Ainsi ils étaient tous tremblant et honteux, surtout le propriétaire, le père de Nandalee. Probablement pour la première fois dans sa vie, il lui fallait se soumettre à la volonté de quelqu'un d'autre! Et il n'aimait pas ça du tout... Mais il a dû rapidement apprendre, comme tout le monde, que lorsque qu'on perd, il faut être moins arrogant...

Dammiel, la mère de Nandalee, avait aussi intérêt à se tenir tranquille... Elle savait bien jouer à la gentille, mais tout le monde pouvait voir ses yeux lancer des éclairs...

«Vieil homme, commença la seigneure elfe, vous gagnez un argent fou avec des esclaves qui ne sont jamais récompensés pour leur travail!

«A cause de votre cœur insensible, vous rendez tous ces gens malheureux, vous les maintenez sans instruction et ignorant du monde alentour, ignorants de la beauté de la vie!

«Mais surtout, vous retenez prisonniers deux personnes qui sont en train de devenir des elfes, et qui n'aspirent qu'à une vie magnifique avec des gens paisibles.

«Nous sommes venus en paix, et nous vous avons prié de les laisser aller... Vous avez refusé.

«Dans une seconde demande, nous vous avons proposé un bon prix... Mais vous avez ignoré notre espoir légitime!

«En désespoir de cause, nous vous avons averti trois jours avant d'utiliser la force... mais vous avez encore refusé, préférant mettre en péril la vie de tout votre peuple! Plusieurs de vos gardes ont été tués par votre faute!

«Entre-temps, nous avons aussi appris que, il y a 14 ans, vous avez massacré une tribu entière de 24 elfes innocents qui étaient naufragés ici... Pour nous, gens pacifiques et respectueux de la vie de tous, même des animaux, c'est au-delà de toute compréhension... Voyant cette folie, même votre propre fils Nimly s'est suicidé!

«Mais maintenant, vous avez perdu la bataille. Et nous réclamons justice pour tout. Vous êtes maintenant nos prisonniers, vous, votre femme cruelle et quelques autres gardes qui ont maltraité les esclaves, ou qui ont commis le massacre. Et toutes les autres personnes ici sont libres de retourner à leur terre mère, ou de rester ici, sous l'autorité de l'un de vos neveux, qui est ici avec nous.

«Vous devez comprendre que les elfes en ont assez d'être massacrés sans raisons. Nous n'aspirons qu'à la paix, avec tout le monde et partout. Beaucoup d'entre nous ont préféré se laisser tuer sans se défendre, plutôt que de se lancer dans la guerre ou la violence. Même construire des armes nous est pénible. Mais nous avons fini par comprendre que, si nous n'y prenons pas garde, cela mènerait à notre extinction en quelques siècles seulement.

«Ainsi, nous avons décidé de créer des armées pour nous défendre, et d'apprendre les voies du combat. Pour un de nos premiers engagements, nous devons dire que cela a été beaucoup plus facile que nous nous attendions... mais c'est probablement parce que vous n'êtes pas de vrais guerriers.»

 

 

Elle lança un regard circulaire à son armée. Des guerriers elfes, terrible mais magnifiques dans leurs longues tuniques blanches rehaussées de dorures, avec aussi de nombreux femmes guerrières, étaient rassemblés tout autour, leurs regards sévères, encore transpirants et essoufflés de la lutte, ou avec des flèches plantés dans leurs élégants boucliers longilignes. Certains avaient même des taches de sang sur leurs vestes blanches, de blessures mineures. En revanche, les esclaves et les comptables étaient terrifiés, imaginant toutes les horreurs qu'on allait leur faire subir. Nandalee était un peu perdue... Ainsi, les elfes étaient bons? Mais pourquoi les avaient-ils attaqués, alors?

 

 

La seigneure elfe parla encore:

«Mais le combat est terminé maintenant, et il est temps de remettre les choses en ordre.

«Nous vous demandons, Dame Ambarmiel, de venir ici, et de vous lever, libre. Il y a 12 ans, cet homme mauvais a profité de votre défaite dans la guerre pour vous asservir, plutôt que de vous aider dans une situation difficile, où vous avez perdu votre mari, votre pays et presque toute votre famille.»

Nandalee se demandait bien qui était Dame Ambarmiel, et elle leva la tête, pour voir à travers la foule. Surprise, elle vit Schmee avancer, regardant maladroitement la seigneure elfe. Elle pleurait, et elle se jeta aux pieds de la seigneure, ne sachant comment la remercier... Mais la seigneure la réconforta, et la souleva par les épaules, pour la faire tenir debout, libre.

«Dame Ambarmiel était déjà une amie des elfes, bien avant que la guerre ne détruise son pays. Elle aurait pu s'engager sur la Voie des Elfes, avec son mari, et rejoindre une tribu d'elfes. Mais ils ont préféré mener leur peuple vers plus de sagesse et de bonheur. Ce faisant, ils ont retardé leur propre bonheur, et ils sont donc devenus de grands héros. Mais tout cela a été détruit par une agression injuste, au point qu'elle a dû fuir pour sauver sa propre vie. Et, mauvais homme et votre femme cruelle, la seule aide que vous avez été capable de lui apporter en ces circonstances tragiques, a été de la prendre comme esclave, et d'exploiter sans vergogne les merveilleux talents artistiques qu'elle avait développés pour éveiller son peuple.

«Mais votre plan stupide a été ruiné par votre propre main, mauvais homme: Dame Ambarmiel a ajouté des écrits elfiques sur ses tapisseries, pour demander de l'aide. Elle a utilisé des colorant qui pâlissent à la lumière, sur un fond qui y résiste, afin que les écrits n'apparaissant qu'après quelques mois. Puis vous avez emmené vous-même ces tapisseries en de nombreux endroits, y compris des lieux elfiques, pour les vendre. Peu savent lire nos écrits, et nous avons mis plusieurs années pour savoir d'où elles venaient. Mais maintenant nous l'avons trouvée, elle, et elle rejoindra probablement une de nos tribus pour devenir une elfe à part entière. A moins qu'elle ne renonce à l'immortalité elfique, pour rejoindre son mari aimé plus tôt dans les royaumes célestes...

«Mais quand nous sommes arrivés ici il y a trois mois, à notre grande surprise et excitation, elle nous a dit qu'il y avait une autre elfe en devenir.»

Nandalee leva sa tête autant qu'elle le pouvait, se demandant bien qui était l'autre elfe. Mais la seigneure continua:

«Nandalee, s'il te plaît, viens devant moi, et soit fière de ton amour de la beauté et de la bonté »

Abasourdie, Nandalee vit tous ces farouches guerriers elfes tourner leurs visages vers elle, et lui sourire. Ainsi, tout ça était juste pour elle! Pauvre Nandalee de 13 ans, elle ne réalisait même pas ce qui lui arrivait, que sa gentillesse lui valait une vie bien plus heureuse, dans une nature semée de magnifiques maisons, avec les plus aimables gens du monde, plutôt que de rester toute sa vie claquemurée dans une cour de pierres de 15 mètres de long, à entendre toute la journée des ricanements stupides et des remarques mesquines!

 

 

Trois jours plus tard, les elfes organisèrent une cérémonie: les gens restant sur l'île devaient prêter serment de respecter la direction de Mersene, un parent du propriétaire. Ils reçurent également la propriété collective de l'île.

Mais le cadeau plus inattendu des elfes pour les anciens esclaves fut... un concert, un spectacle merveilleux des plus belles chansons et musiques dont les elfes étaient capables... C'était très étrange de voir ces redoutables guerriers, certains portant encore des pièces d'armure ou des taches de sang, jouant du luth et de la flûte... Ils firent même venir les elfes ou les gardes blessés près des musiciens. Ils commencèrent avec des danses joyeuses, pour continuer avec d'émouvantes chansons d'amour et de nature... L'impact fut d'autant plus dramatique que la plupart de ces pauvres gens n'avaient jamais entendu de musique de toute leur vie, et ils étaient émus aux larmes, avec des frissons dans le dos à chaque note des voix merveilleuses...

Cela fit que beaucoup commencèrent à comprendre, ce soir-là, qu'il y avait autre chose dans la vie que l'argent et les ricanements mesquins!

 

 

Puis vint le moment du départ... Mais peu osèrent monter à bord des navires elfes, vers leurs terres mères. La plupart préférèrent rester sur l'île, craignant sans doute de retrouver leurs maisons et leurs terres prises par d'autres, et de ne pas être bienvenus. Leurs conditions pratiques ne changeraient pas beaucoup sur la petite île, mais au moins ils n'étaient plus esclaves, et Mersene aurait à tenir compte de leurs plaintes et de leurs désirs. Mais si les elfes l'avaient choisi, c'est parce qu'ils savaient qu'il en était capable!

Dame Ambarmiel demanda à Nandalee de ne plus jamais prononcer le nom «Schmee». C'était son nom d'esclave, et un diminutif ridicule dans sa langue maternelle. Toutes deux furent également incapables de jamais refaire une tapisserie... l'une des nombreuses blessures inguérissables que l'esclavage a laissé à leurs âmes.

Deux cents elfes remirent le dromon à la mer. Il était endommagé, mais réparable. Les autres navires elfes quittèrent l'île un à un, avec à bord quelques ex-esclaves, saluant de la main leurs anciens compagnons de malheur.

Le dernier à quitter l'île prit Dame Ambarmiel et Nandalee, vers une bien meilleure vie. Et les autres habitants de l'île étaient maintenant tristes de voir partir les elfes...

Ce dernier bateau embarqua également le propriétaire et Dammiel, comme prisonniers. A cette occasion, le propriétaire remarqua que sa réserve d'arsenic avait fortement diminué. Il comprit soudain que Dammiel l'avait empoisonné avec son propre procédé! Ils se mirent à se disputer violemment. Ces deux portaient leur propre enfer en eux-mêmes, et ils devraient faire face à la colère et aux conflits partout où ils iraient. Une partie de leur punition fut que, justement, les elfes les obligèrent à rester ensemble. Nandalee ne les a jamais revus. Ils étaient ses parents de chair, mais elle ne fut pas triste, car ils n'étaient jamais entrés dans son cœur.

Au contraire, elle resta très attachée à Dame Ambarmiel pendant des années, jusqu'à ce que leurs vies divergent. Il en est souvent ainsi, entre anciens compagnons de prison: leur épreuve commune les rapprochent, jusqu'à ce qu'ils récupèrent leur véritable personnalité. Alors leurs vies et leurs intérêts les séparent. Ainsi, quelques années plus tard, quand elle fut vraiment en âge de désirer un compagnon, Nandalee se maria avec un beau jeune elfe espiègle, avec des cheveux blonds frisés, et elle partit pour un lointain pays avec lui. Elle continua cependant à écrire à Dame Ambarmiel jusqu'à la mort de cette dernière, parce que c'était elle sa véritable mère... et son premier guide spirituel.

 

 

 

FIN

 

 

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