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Pourquoi Papa il vient plus

De la science-fiction d'aujourd'hui

Richard Trigaux

Une jeune fille française vient juste d'avoir 18 ans. Pour d'autres ce serait la fête, mais elle va au tribunal, pour essayer de savoir pourquoi son père a cessé de venir la voir àla maison. Pendant ce temps, dans le Montana, une scientifique prépare une étrange expérience sur la conscience... à l'aide de circuits électroniques?

De la science-fiction à la façon de Jules Verne: avec les données scientifiques actuelles, et des personnages généreux.

Couverture du livre 'Pourquoi Papa il vient plus'

EN VENTE, Livre de poche et Kindle.
Tous mes livres.

Rencontrons-nous en vrai! Mon nom: Richard Trigaux. Nom d'artiste: Yichard Muni
Tous les vendredis à 12pm SLT (19hTU) (France: 21h), rencontres elfiques et histoires

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Pourquoi Papa il vient plus

J'ai l'habitude de mettre mes livres en ligne avant de les vendre, afin d'en favoriser l'accès... Mais aujourd'hui j'ai envie de recevoir un peu de soutient moral, sous forme de ventes 😇. Merci de voir comment les acheter ci-dessus, vous ne regretterez pas vos dix balles!

Préambule

 

(Par l'auteur, première personne)

 

Cette histoire est avant tout une histoire de science-fiction, ouvrant de fantastiques opportunités dans le domaine de la conscience et de la survie dans l'au-delà. Toutefois, il ne s'agit pas d'une science fiction d'opéra spatial du 20ème siècle passé: elle s'enracine dans les découvertes scientifiques les plus extraordinaires du début du 21ème siècle.

Il ne s'agit pas non plus de quelque cauchemar transhumaniste: on y parle de conscience, de la véritable conscience, cette chose qui se rend compte, qui a des sensations, des sentiments, du bonheur, des espoirs, des émotions et de la chaleur humaine. Et sans laquelle rien n'a de sens.

Mais comment puis-je appeler «science» des choses considérées depuis des millénaires comme du domaine des religions? Parce que ce livre est basé sur la science moderne du 21ème siècle, pas sur la science matérialiste du 20ème siècle. En particulier, sur les NDE, la Dutch Study a dissipé tous les soupçons et contre-arguments de ce domaine, tout en se conformant à toutes les méthodologies scientifiques standard.

Que ces connaissances fantastiques soient encore considérées du domaine «religieux» pose tout de même un problème, dont je m'occupe dans mon livre «Epistémologie Générale», proposant un cadre scientifiquement acceptable pour l'étude de la conscience.

Cette histoire que vous allez lire est simplement une manière plus conviviale de présenter ces connaissances, qui restent encore quelque peu abstraites.

 

 

Le second aspect de la présente histoire est que, comme Jules Verne, j'ai placé ma science-fiction dans une histoire humainement chaleureuse, où des personnages sympathiques font preuve de valeur morale et d'idéaux élevés. Ce n'est pas une astuce de présentation pour rendre ma thèse plus attrayante: l'étude scientifique sérieuse de la conscience conduit inévitablement à la découverte du but de la vie: être heureux. Et c'est précisément ce qui arrive à celui qui devient meilleur, à celui qui contrôle davantage le cerveau imparfait que l'évolution Darwinienne inconsciente et amorale nous a légué. Ainsi, l'objectif principal de toutes mes histoires est précisément de susciter ce désir d'un monde meilleur et d'une vie meilleure.

 

 

Troisièmement, l'intrigue «aventure» de ce roman évoque des dysfonctionnements d'institutions et de personnages en lesquels nous devrions avoir particulièrement confiance. L'objectif n'est pas de dénigrer ces institutions elles-mêmes, qui accomplissent une tâche incroyablement difficile. En fait, j'ai vu certaines de ces personnes ou centres faire des choses fantastiques, comme sauver des enfants de la dépendance et même de la mort. Mais des problèmes inadmissibles et impardonnables se produisent lorsque certaines de ces personnes utilisent leurs fonctions pour terroriser et détruire des enfants, par sexisme ou pour des désaccords religieux avec leurs parents.

Cependant, je ne pouvais pas fonder de telles accusations sur de vagues rapports de seconde main: ce sont des choses qui sont bien documentées par des psychologues, des spécialistes et des enquêteurs sur de grands abus bien connus dans ce domaine, comme le scandale d'Outreau, ou les incroyables forfaitures du conté de Dade en Floride. De plus, j'ai moi-même assisté à des faits de ce genre, ce qui me donne l'autorité d'un témoin, pour dénoncer ces actes criminels.

Mais, par respect pour les victimes que j'ai connues, je ne pouvais pas raconter leur vraie histoire dans un roman. Je ne pouvais pas non plus exagérer ni poser de fausses déclarations. La solution est cette histoire de fiction, où je présente des faits d'un degré de gravité égal à ceux que j'ai vu directement, ou qui étaient bien en vue dans l'actualité.

Dans ces affaires, les enfants sont toujours traités comme des meubles, des possessions. Personne ne semble se soucier de leurs souffrances ni de leur désorientation dans la vie, après avoir perdu leurs parents, et surtout en les entendant diffamés partout. Surtout dans les grands scandales comme l'affaire Outreau ou l'affaire du comté de Dade, aucune justice n'a jamais été rendue, et les enfants victimes voient toujours leurs bourreaux en liberté, vaquant sans être inquiétés, voire recevant des honneurs.

Ceci pose également un problème aux artistes et aux penseurs: Pratiquement toutes les souffrances et causes possibles sur Terre ont été décrites et défendues dans de nombreux romans et créations d'art, tandis que chaque artiste soutenait au moins une cause qui lui était chère. Même les enfants maltraités par leur famille ont leurs défenseurs, comme Jules Renard ou Hervé Bazin en France. Pourtant, je connais peu de romans ou d'artistes présentant et défendant des enfants écrasés par le manque de coeur des lois et des tribunaux du divorce. Que cela ait été fait à des enfants que j'ai connus était une invitation personnelle à le faire.

 

 

Cette histoire se déroule aussi en partie dans les mondes virtuels.

On crédite les mondes virtuels d'un vaste futur, pour les interactions sociales, la formation, l'apprentissage et les rencontres. Pourtant ils sont encore ignorés ou dénigrés. Même l'épidémie de covid n'a pas augmenté la fréquentation! Apparemment, bien trop peu ont saisi leur fantastique potentiel de liberté et d'évolution sociale, laissant les mondes virtuels libres végéter sans aucun soutient.

Au moment où cette histoire s'est passée, plusieurs mondes virtuels collectifs fonctionnaient, tels que Second Life et Inworldz. La partie science-fiction a été créée dans Inworldz pour le gala d'hiver 2016. Pour cette raison, je revendique l'antériorité des idées scientifiques proposées pour cette date. La grande aventure du chapitre 10 est censée se dérouler en 2018. Ce fut malheureusement la dernière année de Inworldz, perdu pour cause surtout de dénigrement.

 

 

Enfin, cette histoire se déroule aussi en partie dans l'après-vie.

Quand on parle de l'après-vie, le traditionnel «happy end» ne peut pas se produire, car nous partons tous pour le Grand au-delà un jour ou l'autre. Dans ce domaine, parlons plutôt d'éternité heureuse. Ce qui est beaucoup plus optimiste que n'importe quel roman traditionnel.

Il n'y a pas non plus dans ce livre de justice finale, où les bons seraient récompensés et les méchants punis, comme dans les films. Parce que c'est comme ça en vrai: le problème n'a pas été résolu. Mais dans l'histoire on voit les victimes se reconstruire et progresser, ce qui est l'ultime victoire.

Et les victimes réelles que j'ai connues se sont aussi reconstruites.

Toutes.

Il n'y a donc rien à rajouter.

Chapitre 1 Christine

(Par Christine, à la première personne)

 

Le souvenir de ce jour d'avril 2018, mon 18e anniversaire, est resté gravé dans ma mémoire.

 

Pour la plupart des gens, c'est un jour de fête, de jouissance de leur nouvelle liberté.

 

Pas pour moi.

 

Je me rendais au palais de justice.

 

Parce qu'il fallait absolument que je sache.

 

Que je sache pourquoi, un jour, mon cher père avait subitement cessé de venir à la maison.

 

Mon cher, mon doux Papa, qui m'emmenait un week-end sur deux, dans sa maison de campagne, où nous avions toujours des choses fantastiques à faire: explorer la forêt, jardiner, ou par mauvais temps jouer à des jeux, faire du modélisme, ou regarder la science ou écouter de la musique sur Internet.

 

Quand j'étais très jeune, il était à la maison tous les jours, le soir. Il jouait avec moi, ou il m'emmenait en voiture pour nous promener.

Pas tout le temps, parce qu'il devait aller au travail.

Il devait aussi toujours demander la permission à ma mère, pour m'emmener quelque part. À cette époque, je pensais que c'était normal, et que les hommes étaient une autre sorte d'enfants qui devaient obéir aux femmes, tout comme je devais obéir à ma mère.

Aussi loin que je me souvienne, ma mère a toujours été sévère avec lui.

Au début, elle me souriait. Mais quand je racontais mes bons moments avec Papa, elle fronçait les sourcils. Alors, j'ai vite appris à ne pas en parler. Puis elle est devenue sévère tout le temps, ne parlant que de travail scolaire, faire ma toilette et d'autres choses de ce genre.

 

Quoi de moins accueillant qu'un palais de justice. Les supermarchés essaient au moins de nous attirer, avec leur musique collante, leurs couleurs chaudes et leurs faux néons. Les tribunaux n'ont pas besoin d'attirer les gens pour remplir leurs prisons. Ils sont mornes, froids et tristes. La devise «Liberté Égalité Fraternité» gravée dans la pierre dure semble si lointaine, comme une promesse des temps anciens qui ne se serait jamais réalisée.

Tout d'abord, à qui demander? Il n'y avait pas de bureau d'accueil. Ah, «greffe», ça doit être ça. Bon, il y avait une sorte de salle d'attente, avec des gens qui attendaient. Il me fallait attendre mon tour. Une mauvaise lampe, et les habituels magasines vides de sens, «Paris Match», «Elle», etc. si ennuyeux que personne n'arrive à les lire, même après plusieurs heures d'attente.

 

Papa vivait à la maison. Mais un jour, il ne fut plus là. On ne m'a jamais dit pourquoi. Je me souviens que ma mère fourrant ses vêtements dans un sac. Le lendemain, quand je suis rentré de l'école, il ne restait rien.

J'ai demandé à ma mère pourquoi il n'était plus là.

«La ferme» m'a t'elle répondu. Et je savais que quand elle était en colère, il valait mieux me taire, et surtout ne pas pleurer. Si je pleurais, elle se mettait à dire des choses très désagréables, que j'avais des problèmes psychologiques et que j'irais à l'hôpital.

Alors je suis allée directement dans ma chambre, et j'ai pleuré... essuyant mes larmes au fur et à mesure qu'elles arrivaient, de sorte qu'elle ne puisse pas les voir en ouvrant soudainement la porte comme elle le faisait souvent. Puis j'ai commencé à faire mon travail d'école.

Faire notre travail d'école quand on vient juste de perdre notre seul soutien affectif est très difficile. Mais c'était la seule chose où me raccrocher encore, comme un noyé qui s'agrippe à une paille. Mais ma mère ne m'a jamais aidé dans mon travail scolaire, comme le faisait mon cher père. J'ai donc travaillé, parce que mon père disait que l'école était importante. C'était le seul contact qui me restait avec lui.

 

La personne avant moi devait avoir des tonnes de choses à discuter. Nous attendions depuis une heure entière, et plusieurs personnes étaient arrivées entre-temps. Comment les gens peuvent-ils avoir des affaires si complexes et si difficiles qu'ils aient besoin de tant de temps pour les démêler? Oh, d'accord, je les ai entendus rire, comme des vieux copains ensemble. J'ai compris pourquoi cet entretien prenait autant de temps. J'ai pris peur que le tribunal ne ferme avant que je ne sois autorisé à entrer dans cette salle. Sans argent pour l'hôtel, je ne pouvais pas me permettre d'attendre demain.

 

La première et seule dispute dont je me souvienne, c'est que ma mère voulait que j'apprenne à lire avec la «méthode globale»: lire les mots sur des cartes, sans apprendre les lettres. J'étais capable de reconnaître plusieurs mots. Ils se sont disputés, Papa disant que cette méthode était inutile, alors que ma mère disait que j'avais appris à lire très vite. En effet, je me souviens que je reconnaissais les cartes que ma mère me montrait. Pendant un certain temps, j'étais en colère contre mon père et ma mère me disait de rester dans ma chambre au lieu de lui parler.

Mais une fois à l'école, j'ai été ridiculisée: Je n'arrivais pas à reconnaître un seul mot, même ceux qui figuraient sur les cartes de ma mère. Il m'a fallu des semaines pour comprendre que Papa avait raison: si nous lisons lettre par lettre, nous pouvons reconnaître n'importe quel mot, même les mots inconnus, alors qu'avec les cartes, nous ne reconnaissons que les cartes que nous avons apprises! Finalement, ma mère n'aimait pas m'aider dans mon travail scolaire, et mon père a pu m'aider à nouveau à comprendre les lettres et d'autres choses.

 

J'ai finalement été admise dans un bureau, où était assise une dame me regardant avec un sourire professionnel. Ce n'était pas un endroit agréable, avec des étagères pleines de dossiers et de paperasse avachies. Le mobilier était de tubes chromés et de simili-cuir gris-vert, avec des chaises usées. Les murs étaient de cette couleur urine qui semble la norme pour toutes les administrations françaises. Il n'y avait pas un seul objet prévu pour être agréable. Je me demande toujours comment les gens peuvent se forcer à vivre dans des endroits aussi mornes et laids. Travailler dans ce bureau était probablement une punition pire que toutes les prisons dans lesquelles ils envoyaient les gens.

J'avais préparé ma carte d'identité, car je pensais que cette dame vérifierait d'abord mon identité. Mais elle n'a rien fait de tel, elle a juste demandé mon nom. J'ai d'abord trouvé cela étrange: n'importe qui pouvait se faire passer pour moi, et tout apprendre de moi. Mais j'avais tort, vous allez voir pourquoi.

 

Parfois, ma mère recevait un groupe d'amies. D'habitude, elles parlaient fort pendant des heures, et je ne pouvais pas faire mes devoirs ces jours-là. Si papa était là, il devait aussi rester dans la chambre du couple. Parfois, les dames m'invitaient en criant comme j'étais une belle petite fille, me demandant de sourire, me tripotant les joues et, après m'avoir reposée, se remettaient à parler de leurs choses d'adultes que je ne comprenais pas.

 

Mais je me souviens que quelques semaines après le départ de Papa, une autre dame bizarre est venue.

Elle m'a demandé si «Papa» me manquait. Quiconque lira cette histoire trouvera cela incroyable: nous n'avons jamais utilisé les noms «Papa» ou «Maman» à la maison. J'ai appris ces mots plus tard, avec l'école. À la maison, Papa était «Léo» et ma mère était «Francine». Ceci est un piège classique, souvent tendu avec la «remise en cause des nomes sociales» comme appât. Mais le vrai but est que l'enfant ignore que ses parents sont spéciaux à lui. Et les services sociaux activent souvent ce piège, par ignorance ou par méchanceté.

Alors, quand cette dame m'a demandé si je me souvenais de «Papa», j'ai simplement répondu «non». J'ai tout de suite senti que c'était une mauvaise réponse, sans savoir pourquoi: ma mère et la dame m'ont jeté un regard sinistre, mais sans me dire ce que j'avais fait de mal. Ensuite, la dame m'a posé plusieurs questions, pour savoir si je travaillais bien à l'école, si j'avais des copains, etc. Je lui ai répondu que j'aimais bien «Léo» et que je pouvais le revoir. La dame m'a répondu:

«Oui, bien sûr, tu peux voir ton copain.

-Quand? ai-je demandé, avec un peu d'espoir.

-Oh, demande ça à ta mère» et c'est tout. Elles ont recommencé à parler de leurs choses d'adultes, auxquelles je ne comprenais rien, juste qu'il s'agissait de moi, et elles me regardaient avec des visages inquiets. Je me sentais comme une crotte de chien, et je n'ai plus osé demander quoi que ce soit.

La dame malpolie est revenue plusieurs fois, et j'ai préféré me cacher dans ma chambre. Mais une fois, elle a insisté pour visiter ma chambre. J'ai refusé, mais elle m'a répondu qu'elle était obligée, pour «vérifier» des choses. Elle a ouvert mes tiroirs et a regardé des dessins que je ne voulais pas qu'elle voie. Une autre fois, j'ai découvert que mes jouets avaient été déplacés pendant la journée. C'était clair, car je les rangeais d'une certaine manière, pour mes jeux.

 

Il manquait Baloo, l'ours en peluche que mon père m'avait offert, et mon seul souvenir de lui. Je ne l'ai jamais revu.

 

Je n'ai pas pleuré. Je commençais à m'habituer à voir disparaître des morceaux de ma vie, un par un.

 

Lorsque j'ai demandé à accéder aux dossiers me concernant, le sourire professionnel s'est transformé en un visage hargneux.

«Nous ne pouvons pas vous donner de tels détails, Mademoiselle. Les dossiers et les rapports d'enquête sociale sont secrets»

Je la regardais avec incrédulité.

J'avais attendu des années pour connaître la vérité.

J'avais fait un voyage coûteux.

J'avais encore attendu des heures dans cet horrible endroit anti-vie.

Juste pour entendre cette punaise me répondre que je n'avais pas le droit de savoir?

 

J'ai murmuré, d'une voix tremblante:

«Mais... mais... je suis la victime

-Mademoiselle, je sais très bien que vous êtes la victime. Tout a été fait pour vous protéger, vous et vos intérêts.

-Mais mon intérêt a été piétiné... pourquoi j'ai été privée de mon père?»

Le visage sévère fit place à un sourire joyeusement sadique:

«Mademoiselle, c'était pour votre protection. Il y a eu trois procédures contre votre père. Une en mai 2010 pour mauvais traitements à enfants. Comme c'est le juge des enfants, tout est secret. Deuxièmement, il y a eu en janvier 2011 un jugement des affaires familiales fixant le droit de votre père à vous rendre visite, ou à vous accueillir chez lui. Mais ce droit a été suspendu, lorsque la troisième procédure a débuté en Septembre 2011: une plainte contre votre père pour contacts sexuels sur vous. Je suis désolée de vous le rappeler», fit-elle sans aucune compassion, montrant au contraire un sourire étrange et des yeux brillants à l'évocation de sexualité infantile. «Cette procédure n'a pas abouti, puisque votre père est mort d'un cancer des os en Décembre 2011. Il n'y a donc aucun rapport, ni conclusion».

 

J'étais sidérée. Qu'il soit mort, je le savais, bien qu'on ne m'ait jamais donné de détails. Mais pour la pédophilie... Cela n'avait aucun rapport avec quoi que ce soit dont je me souvienne avoir vécu avec lui. Il ne m'avait jamais touchée, et il n'a jamais eu de remarque de ce genre. Il était le plus gentil et le plus respectueux de tous les papas, et le plus beau souvenir de mon enfance. C'était la seule personne valable que j'aie jamais rencontrée à cette époque.

 

Comme au moment où, étant enfant, j'avais réalisé que je ne verrais plus jamais mon père, mes lèvres se sont mises à se tordre... c'était comme si mon père m'avait été volé une seconde fois... J'étais frustrée de la vérité, je ne saurais jamais ce qui s'était réellement passé, qui l'avait faussement accusé d'une chose aussi horrible, et pourquoi ces personnes voulaient tant nous séparer, me priver de son amour, de son sourire et de son éducation.

Que signifiait avoir 18 ans? Pour ces gens, j'étais encore une mineure, même pas une personne, juste un dossier, un objet à qui on ne permettait aucun sentiment.

 

Cette femme manipulait un dossier de 12 cm d'épaisseur, plein de papiers et de sous-dossiers: mon «dossier». Il contenait toutes les accusations, les jugements et les «enquêtes sociales» qui, je le sais, détaillaient tous les mensonges et les actes sadiques contre moi et contre mon père. Plus les noms de tous ces inconnus qui avaient travaillé pendant des années, dans le seul but de ruiner ma vie, lâchement protégés de mes sanglots d'enfants dans leurs bureaux bien chauffés et de leurs idéologies abrutissantes. La vérité était là, à 30 cm devant moi. Mais plus inaccessible que si elle était séparée de moi par des années-lumière de mauvaise volonté, d'hypocrisie et de tête de cochon.

 

J'essayais: «Pourrais-je au moins avoir... une copie de ces fichiers?

-Mademoiselle, vous n'avez pas le droit», répondit-elle avec colère, comme si je demandais quelque chose de malhonnête.

«Mais…

-Le seul document public ici est le jugement des affaires familiales fixant les droits de votre père à votre égard.

-Mais ce ne sont pas ses droits... c'était MON droit de voir mon père!

-Ceci un débat philosophique dans lequel je n'entrerai pas. Vous êtes libre de vos opinions, mais la loi est claire, et elle fixe les droits des parents, pas ceux des enfants». J'avais étudié un peu de philosophie à l'école... J'avais quelques notions de base, notamment que la philosophie produit la loi, et non le contraire. Non seulement cette femme était insolente et mauvaise, mais elle était aussi une sophiste et une manipulatrice.

 

Bon, je m'attendais un peu à ça. Aussi j'avais préparé une dernière cartouche:

«Bon, madame, de toute façon j'ai besoin de ce jugement des affaires familiales, pour obtenir une bourse d'étude. Ma mère ne peut pas beaucoup m'aider, vous savez, puisqu'elle a perdu son emploi et qu'elle est au chômage…

-Si vous voulez une copie de ce jugement, vous devez écrire une lettre recommandée au greffe du tribunal. Si je peux vous être utile à autre chose, il suffit de demander, je le ferai avec plaisir» a t-elle conclu d'un ton qui exprimait exactement le contraire.

 

Je suis finalement sortie de ce lieu qui était censé me protéger, mais qui avait grossièrement échoué à le faire. Au lieu de cela, il m'avait torturé et brisé ma vie. Même la chaleur du soleil de printemps et la gaieté des fleurs me semblaient vaines. Il me fallait donc continuer à vivre avec la moitié de moi-même manquante. Continuer à répondre au bonjour des gens comme si tout allait bien.

 

Mais rien ne va quand des abus aussi incroyables sont possibles.

Chapitre 2: L'expérience

(A propos de Joan, à la troisième personne)

 

Un chalet de bois, quelque part dans le Montana, à l'écart d'une petite ville de l'Ouest, au milieu d'un fantastique paysage de montagnes couvertes de forêts.

Il avait l'apparence d'une halte pour randonneurs, avec des murs en planches et un toit en fibre de verre. Sur un côté s'appuyait un abri pour une voiture usée. Plus un jardin, un tas de bois de chauffage et une station de nourrissage pour les oiseaux. L'endroit était même un peu en désordre, comme souvent quand des gens vivent seuls dans la forêt.

Mais il y avait une grande antenne parabolique Internet cachée dans le grenier bas, plus des radars et des caméras avertissant des visiteurs inattendus.

 

Joan vivait ici la plupart du temps. Lorsqu'elle était dehors, elle portait des bottes et des vêtements de treillis, comme les habitants du coin. Souvent, on pouvait voir des randonneurs dans les environs, et même parfois certains passaient une nuit ou deux dans le chalet de Joan. Mais ce n'étaient pas vraiment des randonneurs.

 

Joan n'était pas une touriste, ni une amoureuse de la nature à la retraite. Bien sûr, elle aimait beaucoup cet endroit, et elle se promenait souvent dans la forêt majestueuse à l'entour. Mais en réalité, c'était une scientifique, une doctoresse universitaire. Rien de remarquable encore, de nombreux randonneurs avaient eux aussi des profils professionnels élevés. Mais elle n'était pas non plus une scientifique ordinaire: elle travaillait pour le projet SETI. Et, tandis que la pièce principale et les chambres du chalet gardaient un aspect assez rustique, il y avait, cachée derrière les planches, une pièce de sûreté en béton avec une porte en acier, remplie d'ordinateurs et d'autres appareils électroniques.

 

Et Joan préparait une expérience.

 

Elle avait reçu le kit entier pour l'expérience, y compris l'argent. Elle avait d'abord ouvert les fichiers du code source du logiciel principal. Elle sursauta: c'était du langage C normal, mais avec des signes currency ¤ au lieu des signes dollar $. Qu'un vieux compilateur soviétique soit encore capable de produire du code fonctionnant sous Windows 10 était étonnant. Il fallait qu'il soit encore activement maintenu. Ah, les Russes...

 

Les fonds étaient enfin arrivés eux aussi, d'une manière totalement improbable et romantique. Comme beaucoup de riches entrepreneurs russes, Vassiliev devait lécher les bottes du président Poutine, pour que son entreprise obtienne des contrats publics lucratifs. Il était quand même sous surveillance, car ils se doutaient probablement de quelque chose. Ou simplement parce que dans ce système paranoïaque, tout le monde était suspect. Il devait utiliser des moyens détournés pour transférer les fonds, et Joan venait de recevoir ses références, codées dans un fichier .png, sur le site d'un détaillant de fleurs au Portugal. Elle n'aimait pas cet aspect des choses, mais d'un autre côté, elle ne voulait pas que Vassiliev ait des ennuis. Elle aussi se devait d'être discrète, même si aucun d'entre eux ne faisait quoi que ce soit de malhonnête ou même illégal.

 

Le matériel, Joan l'avait déjà. Il s'agissait d'une collection de REG, Random Numbers Generators (Générateurs de nombres aléatoires), de type Araneus, qui se présentent sous forme de clés USB. Pas sûr que la jonction semi-conductrice en polarisation inverse soit la meilleure méthode, mais pour avoir mieux, ils devaient construire leurs propres REGs. C'est à cela que servait l'argent de Vassiliev. Joan devait le transmettre à Anzu «Abricot», comme commande privée pour sa société à Honshu, au Japon. En attendant la solution d'Anzu, Joan devait commencer les tests avec une batterie d'Araneus, chacun ayant été commandé sous un nom différent. Au moins, avec toute cette électronique, elle n'aurait pas besoin de chauffage supplémentaire pendant son hiver glacé du Montana. De fait, elle utilisait la ventilation de sa salle informatique pour chauffer la salle commune, avec ses puissants ordinateurs fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour SETI@home.

Des générateurs analogiques électroniques véritablement aléatoires étaient déjà à la base de l'expérience du Global Consciousness Project et de l'expérience PEAR. Ces expériences ont démontré l'influence de la conscience sur les systèmes matériels véritablement aléatoires, au prix toutefois d'un recours massif aux statistiques, pour détecter des effets très faibles grâce à un grand nombre de tirages au sort.

Le principe est que, lorsque nous faisons des tirages aléatoires, la précision augmente en fonction de la racine carrée du nombre total de tirages. Par exemple, les sondages politiques interrogent environ un millier de personnes, pour une précision (théorique) de 1%. L'expérience PEAR a réalisé des dizaines de millions de tirages, soit une précision meilleure que 0,01%. Elle a ainsi pu détecter un petit effet de la volonté de l'opérateur, entre 0.1% et 1%, sur de nombreux types de systèmes aléatoires: mécaniques, hydrauliques, électroniques, quantiques. C'était suffisamment précis pour montrer que, contrairement aux générateurs analogiques, les générateurs numériques pseudo-aléatoires ne montrent aucun effet ((Note de l'auteur: j'avais théorisé cela dès 2000)). Le Global Consciousness Project a effectué des milliards de tirages aléatoires automatiques, en utilisant des générateurs électroniques comme l'Araneus, ce qui lui a permis de détecter une réactivité très significative à une centaine de grands événements émotionnels mondiaux. Après avoir atteint leur but, les deux expériences sont maintenant arrêtées, en attendant des progrès du côté de la théorie.

Tristement, ces résultats, malgré leur incroyable signification philosophique, ont été totalement ignorés par la communauté scientifique académique. Dans certains cas, ils ont même été «contestés», en utilisant de bizarre arguments statistiques ad-hoc, des accusations psychologiques, ou en disant qu'un résultat sans théorie est «non significatif». En particulier, les résultats de l'expérience PEAR ont été retirés du site de l'Université Princeton. Mais ils sont toujours visibles sur le site de l'ICRL (http://pearlab.icrl.org/).

 

L'idée de Vassiliev était de multiplier le nombre de générateurs aléatoires, afin d'augmenter ces petits écarts statistiques et obtenir des signaux en temps réel utilisables, au lieu d'avoir à accumuler des données sur plusieurs années. Bien sûr, ils utiliseraient plusieurs générateurs aléatoires, mais au lieu de faire une moyenne statistique de leurs résultats, ils les placeraient dans un réseau neuronal électronique. Ainsi, espérait-il, les écarts se multiplieraient-ils les uns les autres, au lieu de juste s'additionner. Anzu créerait un tel circuit intégré contenant plusieurs couches de neurones artificiels, et il lui ferait apprendre chacune des sorties souhaitées, principalement l'alphabet. Mais au lieu d'être alimenté par des images de lettres, il recevrait un «bruit» aléatoire, chacun sur une entrée supplémentaire «Upsilon». De cette façon, ce réseau artificiel fonctionnerait comme un réseau neuronal naturel, lorsque nous effectuons un choix de libre arbitre, comme expliqué au chapitre V-3 de «Epistémologie Générale».

De plus, comme l'explique le chapitre V-18 du même livre, afin d'émuler les propriétés des neurones biologiques, il devait s'agir d'un réseau analogique, avec des signaux entièrement analogiques, où les générateurs aléatoires injecteraient un bruit analogique soigneusement dosé. Cette combinaison intelligente de signaux dans un réseau neuronal déjà entraîné devait être beaucoup plus sensible que la simple moyenne statistique de nombreux signaux aléatoires. Ils espéraient ainsi multiplier la détection par mille.

 

Mais ce n'était pas suffisant: ils avaient besoin d'une augmentation importante du signal lui-même, côté conscience, avant qu'il n'entre dans le REG. Ça, c'était le travail de Namgyal, «le Tibétain».

 

Namgyal était un tulkou. Il était né en Chine, d'une famille tibétaine. Il vivait à Shanghai, dans un appartement d'ouvrier ordinaire, et l'abondance de bouchons d'oreille dans ses poubelles était le seul moyen de savoir qu'il méditait quotidiennement. Namgyal avait demandé aux émissaires secrets de Dharamsala de ne pas faire savoir qu'il était un tulkou. Il savait qu'il était dans une position dangereuse, et qu'il devait se tenir à l'abri des soupçons de son gouvernement, pour ses objectifs spécifiques en Chine. Namgyal avait brillamment terminé ses études universitaires en sciences, et il avait commencé à travailler dans l'astronomie. Il collaborait occasionnellement au SETI, qui en Chine était beaucoup plus en faveur que la spiritualité. Mais il était toujours un vrai tulkou, et une personne de haut niveau spirituel, attendant simplement son heure pour agir. D'ici là, il aidait d'autres projets positifs, comme celui de Vassiliev, ou il formait en secret un groupe d'étudiants sélectionnés, à des méthodes spirituelles spéciales. La Chine aurait fort besoin d'eux, quand leur temps serait venu.

 

Vassiliev, Joan, Namgyal, Anzu et quelques autres s'étaient rencontrés lors d'un congrès du SETI Breakthrough Initiative. Comme le SETI était désormais bien accepté dans chacun de leurs pays, il leur offrait une couverture sûre pour une recherche beaucoup plus profonde: comment une conscience pouvait-elle contrôler directement un dispositif matériel! Lorsque vous entendez parler de ce genre de recherches, on vous montre des images de crânes couverts d'électrodes. Mais cela ne fait que relier le cerveau et ses impulsions neuronales, pas la conscience elle-même. L'idée de Vassiliev était de connecter la conscience elle-même, ce qui est une entreprise totalement différente. Ils avaient donc décidé de ne pas faire intervenir de cerveau du tout. Cela supprimait radicalement toute l'activité cérébrale qui, jusqu'à présent, nuisait à ce genre de recherches, avec ses excitations neurales aléatoires. L'activité de l'ego, disaient-ils.

 

Ce qu'ils voulaient essayer, était de permettre à une personne MORTE d'utiliser leur détecteur, depuis le Grand Au-Delà.

 

Précisément, Namgyal avait accès à l'un de ces endroits, où il avait l'habitude de prendre un peu de repos entre deux de ses actives incarnations. Ce qui lui offrait des opportunités très spéciales. Ainsi, ils étaient en train de préparer une de ces grandes expériences scientifiques, du genre que la science ne produit qu'une fois par génération. Mais cette fois se serait la science du 21eme siècle!

Chapitre 3: Bonheur conditionnel

(Par Christine, à la première personne)

 

Bien sûr, dès le lendemain de cette visite au tribunal, j'ai écrit la lettre pour obtenir le jugement.

 

Deux jours plus tard, j'ai reçu l'accusé de réception.

 

Et...

 

rien.

 

Des semaines, puis des mois ont passé sans aucune nouvelle.

 

Pendant ce temps, j'ai essayé plusieurs autres voies, comme les services sociaux. Mais où que j'aille, j'obtenais toujours la même réponse: ils avaient tous d'épais dossiers sur moi, mais pas moyen de me laisser seulement les regarder, même pas une petite idée de ce qu'ils contenaient. Dans plusieurs cas, on m'a proposé une «aide psychologique», pour «surmonter mon traumatisme». Ces malades ramenaient toujours la discussion sur les fausses accusations de pédophilie, qu'elles considéraient toutes comme véritables. Pour eux, ma recherche des documents était une demande déguisée pour obtenir leur «aide». Je pouvais leur dire vingt fois qu'il ne s'était rien passé de sexuel, ils disaient toujours que j'étais dans la négation, des souvenirs refoulés, ou que je cherchais de l'aide pour mon traumatisme. Pour eux, j'étais encore une fillette de 10 ans.

 

J'ai aussi essayé les associations d'aide aux pères isolés victimes d'abus judiciaires. Mais la plupart étaient fermées, sauf une qui s'était transformée en simple façade pour un parti politique d'extrême droite. Bien sûr, ils «m'aideraient»... si j'acceptais leurs sombres objectifs. Il y avait de quoi être terrifié, et j'ai planté là le représentant, avec un simple au revoir glacé.

 

 

J'ai aussi essayé quelques avocats. Les réponses étaient plus nuancées, mais pas plus utiles. Bien sûr, ils m'ont tous dit qu'ils pouvaient m'aider. Mais pas pour obtenir les documents! C'était la loi, et je devais «comprendre» que je devais la respecter. Bien sûr, il était toujours possible de rouvrir les dossiers... mais pour cela, je devais prouver qu'il y avait eu une irrégularité. Mais pour cela, il fallait d'abord savoir ce qu'il y avait dans les dossiers! J'ai vite compris qu'ils voulaient juste mon argent. Ou pas, puisque je dépendais encore de ma mère pour mes études, de sorte que je ne pouvais leur apporter que l'aide juridictionnelle de base. Pour eux, j'étais un trop petit poisson, qu'ils rejetaient à l'eau sans se soucier de savoir si j'étais encore vivante ou non.

 

Près d'un an après la disparition de Papa, j'avais commencé à refaire ma vie autrement. Bien que rien ne pouvait vraiment remplacer sa gentillesse et son soutien. J'ai aussi évité d'aimer des objets comme les jouets, car plusieurs autres ont également disparu. Une fois, je me suis plaint à ma mère. Comme je m'y attendais, elle a juste répondu que j'étais parano. Dans sa bouche, c'était une menace implicite sérieuse, de m'envoyer au psychiatre. Aussi j'évitais cette discussion. De toutes façons, elle était devenue Madame Silence, ne parlant jamais de rien avec moi, sauf des choses banales de la vie. Heureusement, elle avait cessé de recevoir ses amies et de faire des fêtes bruyantes avec elles. Mais parfois, la dame impolie se pointait, et elles chuchotaient dans le salon, sur un ton de conspiration, alors que j'étais dans ma chambre. Je ne pouvais pas comprendre ce qu'elles disaient, sauf mon nom qui revenait par moments.

Habituellement, cela se terminait avec la dame malpolie entrant dans ma chambre, me parlant comme à un bébé, me faisait de grands sourires et me tripatouillant les joues. Elle me complimentait d'être une gentille fille et me demandait si j'avais besoin de quelque chose. Cette ordure sadique le savait très bien, ce dont j'avais douloureusement besoin avant tout, que tout enfant dans le monde a besoin exactement de la même façon. Une seule fois, j'ai répondu «mon père» (j'avais appris ce mot à l'école). Je ne l'ai plus jamais fait: la dame malpolie a fait un pas en arrière, avec un regard sévère et menaçant. Puis elle a refait son sourire hypocrite, en disant que je pouvais demander une aide psychologique si je le voulais. C'était encore un mot nouveau, mais je me méfiais maintenant de quoi que ce soit venant de cette personne, comme d'une nouvelle menace ou torture. J'ai juste fait un timide non, et je ne lui ai plus jamais répondu. Elle avait l'air satisfaite.

 

Un jour, ma mère était en colère et très excitée, me grondant et me poussant à «faire mes bagages». Elle avait acheté un sac de voyage, et j'ai dû y fourrer toutes mes brosses à dents, mes chaussettes, beaucoup de sous-vêtements et surtout quantité de vêtements chauds, comme si je devais aller en Sibérie. C'était la toute première fois que je faisais une telle chose, j'avais besoin d'un peu de temps pour comprendre ce que je devais emporter, et avant tout ce que tout cela signifiait.

 

Puis la sonnette résonna... et j'entendis une voix...

 

Papa!!!

 

D'abord je n'arrivais pas à y croire... il ne souriait pas, et il était habillé tout en gris comme la dame malpolie. Il avait le froid de l'hiver sur les joues. Mais c'était vraiment lui! En silence, il a pris ma main, et mon sac avec son autre main. Ma mère a fait quelques remarques colériques, auxquelles il n'a pas répondu. Pendant que nous descendions l'escalier, nous l'entendions encore crier présent tous les voisins que papa devait vérifier que j'étais bien lavée et mes slips propres. Nous entendions encore sa voix s'estomper pendant qu'il commençait à conduire sa voiture.

 

Papa m'a conduit en silence jusqu'à sa petite maison. Il m'a juste posé des questions générales, ne souriant plus comme avant. Plus tard, j'ai compris qu'il avait été brisé d'une certaine façon, et qu'il ne savait plus sourire. Mais il était toujours mon père aimant!

 

Il m'avait préparé une petite chambre, qui sentait encore la peinture. Il y avait même certains de mes anciens jouets, mais ils étaient trop enfantins maintenant.

 

Puis nous avons parlé.

 

Pendant des heures.

 

Jusqu'à une heure du matin passée.

 

Il m'a expliqué.

 

Ma mère avait cessé de l'aimer.

 

Il était si triste de dire cela.

 

Pendant quelques années, ils purent faire comme s'ils avaient une vie normale. Mais il devint trop difficile pour elle de cacher sa haine.

 

«Pourquoi a-t-elle cessé de t'aimer?» lui demandai-je.

Il a eu juste un regard triste. Il n'y a pas de réponse concevable à cela.

 

Alors ma mère a demandé la séparation (pas le divorce, car ils n'ont jamais été mariés).

 

À partir de là, toutes sortes de personnages sont entrés en scène: les travailleurs sociaux, les enquêteurs, les avocats et enfin le juge. Tous ces fossoyeurs de l'amour qui viennent disséquer les familles, au lieu d'aider à résoudre les problèmes. Chaque fois que papa introduisait un nouveau mot, j'imaginais une autre de ces dames grises et impolies, dont le seul but dans la vie semblait être de rendre les enfants malheureux et solitaires.

 

Il a fallu plus d'un an à tous ces gens pour comprendre que j'avais besoin de mon père. Et encore, ils ne m'ont accordé ce droit que à contrecœur et avec avarice: un week-end sur deux, et la moitié des vacances. Comme si je ne méritais vraiment pas cette faveur.

 

C'est ainsi que j'ai commencé une double vie. La semaine, une vie silencieuse dans le monde gris de ma mère, où la seule chose que je pouvais faire était les devoirs, ou la lecture (l'école était un bon prétexte pour cela). En plus, elle a commencé à m'ordonner de faire du ménage, venant souvent en colère m'interrompre dans ma chambre alors que j'étais en plein dans un exercice. Et bien sûr, pas d'Internet ou quoique ce soit de ce genre, nous n'avions même pas d'ordinateur. Heureusement, la dame grise malpolie ne venait plus.

Les mauvais week-ends, je m'ennuyais, et je n'avais pas le droit de sortir, sauf pour le «sport», comme jouer au badminton, une autre de ces non-activités juste pour gâcher du temps de vie, inventées par des adultes siphonnés qui détestent la vie. Je lisais donc beaucoup. Heureusement, ma mère ne vérifiait pas mes lectures, car je ne la «dérangeais» pas quand je lisais. Je n'ai jamais compris à quoi elle passait tout son temps. Je soupçonne qu'elle regardait des films pornos dans sa chambre (strictement interdite d'accès pour moi), et que ce serait la seule raison pour laquelle je n'ai pas été soumise à la torture d'entendre sa télévision tout le temps. Il me fallait tout de même supporter deux ou trois feuilletons, pendant lesquels il me fallait attendre la fin sans rien pouvoir faire.

Les bons week-ends, j'étais heureuse avec mon père, pensant aux jeux, à la nature, aux promenades dans la forêt. A la maison, il était inépuisable sur la science et la géographie. Ma mère voulait que j'apporte mes devoirs ici, mais je préférais de loin être avec mon père, alors je m'arrangeais pour faire tous mes devoirs pendant que j'étais avec ma mère (puisque je n'avais rien d'autre à faire là-bas). Je lui ai souvent demandé d'expliquer certains points que je ne comprenais pas, surtout en mathématiques. Les mathématiques sont tellement difficiles pour les enfants. Surtout pour les enfants privés du soutien affectueux de leurs parents.

Papa avait toujours son ordinateur, et Internet. Il ne me laissait jamais seule devant lui, car, disait-il, il y avait des «mauvais sites» nuisibles aux enfants, qui peuvent apparaître à l'improviste. Mais il y avait beaucoup de choses fantastiques, comme Google Earth où l'on peut littéralement voler au-dessus de pays lointains. C'était mille fois mieux que l'école, où nous ne faisons que parler. Il me permettait d'y rester pendant des heures. Nous pouvions même explorer Mars comme si nous étions des cosmonautes!

Il y avait aussi les mondes virtuels, comme Second Life, et surtout Inworldz. Parfois, il me montrait les paysages fantastiques de cet endroit. Il y en avait un qui s'appelait «Eire», dans Inworldz. Je ressentais un désir intense d'avoir aussi un «avatar» et d'explorer ces lieux, de rencontrer les Elfes et les Fées que je voyais à l'écran, et de parler avec eux de choses belles et magiques. C'était comme si le monde des contes devenait réel, comme si le monde de nos jeux et de notre imagination devenant visible et permanent. J'ai compris que les mondes virtuels ont ce pouvoir fantastique, mais papa disait qu'ils sont aussi utiles pour son travail.

Mais quand j'ai demandé à Papa comment me créer un personnage, il m'a répondu que les enfants n'étaient pas autorisés dans Inworldz, et chichement dans Second Life.

«Mais pourquoi?» lui ai-je demandé, faisant de nouveau face aux règles absurdes des adultes, au racisme anti-enfants. Il a hésité, et il a jeté un regard triste pour répondre à voix basse:

«Parce que ces gens pensent que le sexe est plus important que les enfants».

Le sexe, j'avais appris ce mot récemment, à l'école, avec l'éducation sexuelle. Une fois, malgré la prudence de papa, nous sommes tombés sur une étrange image d'une femme toute nue à l'air idiote, la taille bizarrement courbée, et de grandes lèvres rouges faisant un O. Si les adultes se cachaient des enfants juste pour regarder des seins, ils devaient être vraiment idiots. Et non, désolé, je n'étais pas choquée de voir des seins. Tous les enfants voient des seins, quand ils sont nourris au sein. Si c'était si mortel, alors il n'y aurait pas d'enfants du tout.

Ce ne sont pas les seins qui m'ont mis à l'aise, mais cette image d'un corps irréel, bizarrement déformé. Cela m'a laissé dans un état de malaise diffus, que je ne pouvais pas identifier à ce moment-là. Aujourd'hui, je comprends que cela m'a volé une partie de mon désir d'aimer un homme. La pornographie, cette caricature corrompue de l'amour, a ce terrible pouvoir. C'est pourquoi elle doit être interdite partout comme un crime, et Internet doit être accessible à tout le monde, comme le sont les rues.

Le fait que les enfants ne soient pas autorisés dans les mondes virtuels, juste pour les fantasmes sexuels d'une petite minorité, m'a frappé comme une énorme injustice. C'est de ce genre de choses que vient ce sentiment si répandu chez de nombreux enfants, qu'ils sont rejetés par la société. Sentiment qui continue quand ils sont adultes: crainte d'être inadéquat, plus la terrible peur d'échouer, gravée au fer rouge dans le cerveau par des années de chantage et de culpabilisation à l'école.

 

J'ai été heureuse avec mon père pendant quelques mois, y compris pendant de fantastiques vacances d'été où nous avons vécu dans la nature, avec même un voyage à la mer. Nous ne pouvions rester ici que trois jours, parce que c'était «cher». Mais je garde un souvenir fantastique de la chaleur de l'été sur ma peau, avec la fraîcheur de l'eau de l'océan. L'odeur du vent, le sable qui colle à ma peau, tout cela reste comme de merveilleux souvenirs. Depuis, j'ai pu retourner à la mer, mais quand on a perdu le bonheur originel, on ne le retrouve jamais vraiment.

 

A la fin des vacances, papa m'a ramené chez ma mère, en me disant au revoir pour le week-end suivant.

 

Ce fut la toute dernière fois que je l'ai vu.

 

 

...

 

(La suite dans le livre)(Continuation in the book)

 

...

 

 

 

 

 

Scénario, dessins, couleurs, réalisation: Richard Trigaux (Sauf indication contraire).

 

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