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Les Elfes du Dauriath

Le sac du Temple Noir

Un drame par Yichard Muni, barde Elfe

 

Rencontrons-nous en vrai! Mon nom: Richard Trigaux. Nom d'artiste: Yichard Muni
Tous les vendredis à 12pm SLT (19hTU) (France: 21h), rencontres elfiques et histoires

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Ce texte s'insère dans une intrigue plus vaste. Il vaut donc mieux lire d'abord «Le Baiser des Mondes».

Index des histoires: ordre chronologique, ou par ordre de création

 

 

La ville de Tellutaar était bien connue dans le monde du Nyidiath sous le nom de «Perle du Somman» (L'océan du Milieu), car elle s'ornait, au sommet de sa montagne, du magnifique paysage d'un immense complexe de temples, avec trois grands dômes et six élégants minarets de briques roses, dans un parc de gigantesques arbres centenaires. Depuis plus de 1700 ans, les temples avaient été servis et entretenus presque sans interruption, ainsi que les luxueuses demeures des prêtres, plusieurs autres temples mineurs, de nombreux théâtres et hôtels particuliers et l'ancien palais des Marshis (les antiques Seigneurs de Tellutaar), dans une débauche de murs roses et de verdure.

Mais c'était la fin de cette époque glorieuse... Les temps modernes avaient apporté matérialisme et égocentrisme, si bien infiltrés dans les classes populaires que la religion était abandonnée de partout. Banques et entreprises avaient remplacé l'ancien pouvoir noble, et ses valeurs morales immémoriales. Et, avec la pauvreté généralisée, le coût élevé de l'entretient des temples et du clergé était de plus en plus perçu comme une injustice.

 

 

Tellutaar avait beaucoup changé depuis le temps du Conseil Elfique (voir l'histoire «Le solstice de l'Amour»). Dans le monde du Nyidiath, le niveau des Océans avait baissé de centaines de mètres, en se déversant sur le Dauriath, le monde des elfes. Tellutaar n'en avait pas beaucoup souffert, car sa ligne côtière était toujours restée favorable au mouillage des navires, maintenant une activité économique constante. En plus, l'océan en retraite avait dévoilé une large plaine avec d'immenses gisements de charbon. Ainsi, au pied des temples antiques, la ville moderne était maintenant grouillante de machines à vapeur et couverte d'usines. Le peuple travaillait et consommait sous une nappe de brouillard brun, sans se poser de questions sur les elfes et leur promesse d'une vie meilleure. Bien au contraire, ils étaient fiers de leur nouvelle société moderne, pensant qu'elle leur avait apporté la liberté, contre les anciens pouvoirs religieux. Ce qu'ils n'avaient pas encore compris est qu'ils avaient juste troqué les anciens maîtres religieux et leur morale, contre les nouveaux chefs politiques et leurs idéologies.

Et ce n'était pas si joli qu'ils l'admettaient, car leurs nouveaux maîtres étaient bien plus avides et tyrannique que les anciens. En particulier, au nom de la liberté, les journaux étaient étroitement contrôlés, et les livres «réactionnaires» étaient recherchées et détruits. Ainsi, leur liberté si chèrement gagnée se résumait à... rejoindre le Parti! Et quand spéculation financière et mauvaise gestion apportèrent chômage et pauvreté, les prêtres et leur vie de luxe étaient un bouc émissaire tout trouvé...

Il y avait déjà eu plusieurs accès de violence politique à Tellutaar. Le plus grave s'était produit quand les Marshis avaient été destitués et remplacés par les Conseils du Peuple, il y a de cela 65 ans. Mais de nombreuses émeutes avaient eu lieu avant cet événement, pour diverses raisons, et bien d'autres avaient agité la ville depuis. Mais jusqu'à présent, l'antique crainte interdisait toujours aux gens de remettre les temples eux-mêmes en cause. Ainsi, ces derniers restaient une oasis de verdure et de spiritualité, dans un monde de travail et de crasse noire du charbon.

Mais cette fois, avec la crise économique que la révolution elle-même avait provoquée, le nouveau Conseil dirigeant avait appelé à une élimination plus profonde de la mentalité religieuse, accusée de la crise. Tout le monde pouvait être suspecté, et il était devenu très dangereux de se montrer dans les rues de Tellutaar avec des habits considérés comme religieux, ou avec des traits considérés comme elfiques! Le simple fait de porter des cheveux longs, des colliers ou des robes était un motif pour se faire battre sévèrement, et on ramassait souvent des cadavres dans la rue le matin. La prophétie concernant le retour des elfes semblait venir d'un autre monde, et de toutes façons, c'était encore pour dans 60 ans, de sorte que les Phalanges Populaires avaient encore tout le temps de tabasser, violer et tuer selon leur bon plaisir.

 

 

Khaneda, ou Khany comme on l'appelait, était un beau jeune homme blond, le visage glabre, qui venait juste de commencer à travailler dans une petite fonderie de fer. Il avait échoué à ses études, bien qu'il était pourtant doué. Mais, d'avoir à supporter les bizutages constants de ses camarades avait fini par être trop pour lui, et en plus ses professeurs lui donnaient des mauvaises notes, à cause de ses «cheveux elfiques», ce qui avait éliminé toute chance de réussite. De toutes façons, il avait du les raser, pour la sécurité au travail. Mais cela n'avait pas arrêté le dénigrement. Khany ne pouvait tout simplement pas imaginer que le harcèlement visait spécialement ses manières calmes, sa gentillesse et ses paroles douces. Cela déstabilisait ces gens violents, d'où le dénigrement constant qui le suivait partout où il allait.

Comme la majorité, Khany soutenait la révolution. Toutefois, il ressentait un doute, sans vraiment encore comprendre pourquoi. Beaucoup de beaux endroits étaient détruits. Il voyait ses copains bizuteurs devenir membres des Phalanges, et même des Conseils de Travailleurs, alors que lui-même s'était vu refuser tout rôle au sein du Parti, malgré ses offres répétées pour aider. Quant aux dirigeants de la révolution, ils étaient effrayants, tous en discours durs et vêtements noirs, avec des rides sombres sur leurs visages, comme si ils étaient faits de cette poussière de charbon qui souillait tout. Khany avait essayé d'expliquer qu'une révolution devrait favoriser le bonheur et les sourires, mais on lui avait juste ri au nez, ou parfois un militant débutant venait lui expliquer très sérieusement qu'il devait travailler et se battre, au lieu de penser à des choses du passé.

 

 

Cet après-midi-là, Khany se rendait au travail, comme d'habitude. Dans la rue sale, l'herbe rare était grise, entre des murs d'usine de briques nues, couverts d'affiches et de slogans politiques. Des rumeurs de machines s'entendaient partout, tandis que l'odeur de la suie de charbon emplissait l'air.

 

 

Une épaisse fumée jaune montait du quartier des temples.

 

 

Au travail, tout le monde savait déjà ce qui s'était passé: dans une manifestation «pacifique», une bagarre avait éclaté «de par la faute d'un prêtre», et le feu avait démarré «par accident». Deux serviteurs avaient été tués, et les principaux prêtres n'avaient pu s'échapper que de justesse.

 

 

Ce fut comme un signal.

 

 

Deux jours après, un second palais religieux fut pillé et incendié. Ils ne se souciaient même plus de trouver un prétexte.

 

 

Puis d'autres, au point que le compte se perdit.

 

 

Le jour de la fête des travailleurs, le splendide dôme du temple d'Ishtar s'effondra sous la colère des manifestants, tuant 240 d'entre eux en train de démonter les statues d'or à l'intérieur. Sa fantastique dentelle de marbre blanc, soulignée d'or, fut réduite en gravas.

 

 

Bien sûr les prêtres restants furent accusés des morts. Le Leader de la Révolution ordonna une répression forte et définitive contre les temples. Le complexe fut occupé par les Phalanges, qui ont immédiatement dynamité les élégants minarets de briques roses. Mais le Leader de la Révolution demanda de «préserver» les deux autres grandes coupoles. Elles furent toutefois soigneusement profanées, et converties en salles de réunion populaire. La magnifique statue monumentale de Shelenaë fut détruite à la pioche. Cinq tonnes d'or en furent retirées, plus deux cents kilos de pierres précieuses cachées dans ses Chakras intérieurs. Personne ne sait ce que sont devenues toutes ces richesses, et tous ceux qui ont demandé disparurent immédiatement.

Le chef de la révolution s'installa dans l'ancien palais des Marshi, et les Phalanges en firent immédiatement une zone interdite d'accès. Apparemment ce luxe-là n'était pas «injuste»! Le palais demeura donc intact, pour le seul plaisir des cercles du pouvoir, des copains et des courtisanes, et bien sûr des banquiers et des nouveaux maîtres d'industrie.

Khany fut d'abord heureux de l'action contre les prêtres, pensant comme tout le monde qu'ils étaient responsables des problèmes économiques, avec leur luxe insensé. Mais toute cette destruction gratuite le rendit bientôt malade et triste: les temples étaient leur patrimoine, la beauté de leur lieu de vie, la gloire de leur anciens artistes et travailleurs. Il avait l'habitude d'y aller parfois, jouissant de la tranquillité du cadre religieux, même si il évitait soigneusement tout geste religieux. Dans le parcs des temple, les gens étaient calmes et agréables, mais maintenant l'endroit était empli de grossièreté, de braillements, de papiers gras par terre, de bruit et de l'odeur des grillades de porc. Les deux temples «préservés» ressemblaient tristement à des personnes amputées. Dans les semaines qui suivirent, la plupart des précieux arbres centenaires du parc furent coupés. Un des plus glorieux paysages du Shartan avait disparu. Et cela apporta exactement zéro soulagement à la crise économique ou aux enfants maigres dans les rues sales du port.

 

 

Mais il y avait encore un endroit où personne n'osait aller: le Horzug, le Temple Noir du terrible Foggier, le Dieu des morts, détenteur des clefs des enfers. Il faut dire que cet endroit était assez effrayant, dans une petite vallée tout en pierres sombres, cachée sous une voûte d'arbres, derrière les temples.

Khany avait trouvé une brochure sur Foggier quelques jours auparavant et, poussé par une curiosité irrésistible, il l'avait lue. Elle disait que Foggier n'était pas un démon, et que les histoires terribles de sacrifices humains étaient fausses. Au lieu de cela, Foggier avait la charge de diriger les morts dans l'après vie. Bien sûr, pour beaucoup des habitants frustres de Tellutaar, un séjour en enfer était obligatoire, ce qui fait que Foggier était habituellement considéré comme le Dieu des enfers. Mais Khany découvrit que les honnêtes gens n'avaient aucune raison d'avoir peur de Foggier, et ils pouvaient même lui demander une destination dans l'au-delà. Ainsi, le livret s'achevait par une courte prière à Foggier pour demander une réincarnation. Une prière similaire était adressée à Shelenaë, pour renaître comme un elfe. Bien que les elfes fussent souvent décrits comme des créatures sombres et cruelles, Khany eut une vision, courte mais magnifique, d'un paradis fleuri, avec de belles personnes chantant et dansant... puis une merveilleuse dame elfe lui souriait... et elle ouvrit sa chemise, pour lui offrir un sein! C'était fort inattendu, car les elfes avaient la réputation d'être très prudes, punissant cruellement tous les humain qui osaient s'approcher de leurs dames.

Puis Khany réalisa que c'était un livre interdit, d'après la loi «protection de la liberté». Il dû le jeter, mais pas avant d'avoir appris la prière de Shelenaë par coeur...

 

 

Khany ressentit une forte envie de visiter le Horzug, pour la première fois et peut-être pour la dernière fois. Le seul accès était dans une vallée étroite entre des colonnes de basalte, couverte d'arbres obscurs. Le chemin traversait l'ancien lieu de crémation. Dans l'antiquité, il servait aussi aux exécutions, et de grands piliers de pierres sombres avec des anneaux étaient encore visibles. Puis, un peu plus loin, le parvis était entouré de grandes statues de pierre noire de démons et autres créatures cornues: les serviteurs de Foggier, en charge de gérer les enfers et de punir les mauvais.

Plus loin se tenait le porche du Horzug lui-même. Ce nom elfique signifie «Temple Noir», le Zug étant un type de temple rectangulaire utilisé pour les dieux terribles, avec un toit à deux versants, plusieurs antichambres et un sanctuaire. Au fond du parvis, l'entré obscure béait, effrayante, entre quatre piliers de pierre massives, supportant un fronton triangulaire. Il ressemblait à un temple grec, mais sans aucune élégance blanche, au contraire de massives et sinistres roches noires, ornées de convolutions, de ronces et de visages grimaçants. L'érosion du temps l'avait juste rendu plus dur et plus rugueux.

Quiconque osait s'engager dans le passage obscur trouvait la première antichambre, avec deux statues à têtes de mort de chaque côtés. Il traînait toujours là des gens patibulaires à la recherche de quelque magie noire ou sale coup. Normalement les prêtres interdisaient cela, mais depuis que le temple appartenait au gouvernement, ils devaient autoriser tout le monde dans les espaces publics.

Deux colonnes massives et une grille de fer marquaient la limite autorisée pour le public. Au delà s'ouvrait une antichambre plus vaste, où seules les personnes demandant des cérémonies spéciales étaient autorisées. Des statues plus petites mais plus nombreuses emplissaient également les murs, d'animaux frétillants, d'humains laids ou nobles, ou d'elfes élégants, tous dans la même pierre sombre sinistre.

Encore plus loin se tenait une seconde séparation, colonnes et grilles, avec la statue de Foggier derrière. Il était immense, surplombant et menaçant. Le plafond du Zug était en pente vers le haut, produisant un effet de perspective ahurissant: le fond du temple et la statue semblaient beaucoup plus impressionnants qu'ils ne l'étaient. Les prêtres avaient depuis longtemps installé un éclairage électrique, mais avec parcimonie, de sorte que le temple entier vivait encore dans le noir, avec juste quelques lampes soulignant ici ou là une face de démon grimaçante. Foggier lui-même était à peine visible dans l'éblouissement des projecteurs entourant son visage terrible, ses deux yeux luisants de rouge. Sa bouche hurlante ouvrait sur ce qui semblait une obscurité infinie. Certains disaient qu'on y avait entendu des bruits étranges, ou que des gens y avaient disparu. Une odeur subtile mais obsédante de décomposition emplissait le lieu, semblant émaner de passages latéraux obscurs menant vers de terribles choses.

Les prêtres étaient à peine visibles dans le temple obscur, mais ils étaient très reconnaissables avec leurs robes sombres et leurs capuches cachant leurs visages. De la même couleur que les murs, marchant vite et silencieusement, ils faisaient souvent sursauter les gens en apparaissant soudain près d'eux.

 

 

Khany resta longtemps dans la première antichambre... Il éprouvait un sentiment mitigé d'opposition à la religion, et de regret pour un monde en voie de disparition. L'endroit avait toujours l'air aussi imposant et rébarbatif que d'habitude, et il resta longuement les deux mains posées sur la grille de séparation, examinant la statue terrible et les prêtres marchant en flottant comme des fantômes. L'endroit était rude, nu, effrayant, sentant d'humidité et le moisi. Aucun or ni bijoux ici, seulement des pierres brutes et du fer. Des bouffées d'air froid s'infiltraient de portes latérales ouvrant dans le noir, où les prêtres entraient et sortaient.

Il y avait toujours des voix ici ou là dans le temple, des visiteurs occasionnels, des personnes âgées murmurant des prières de réincarnation, ou des familles échangeant à voix basse avec les prêtres. Mais Khany remarqua subitement une rumeur croissante de cris rythmés à l'extérieur. Il ne savait que trop bien ce que c'était, car il avait souvent fait partie de ces manifestations. Mais sa position en faisait, cette fois, la cible!

 

 

Les amateurs de magie noire s'étaient éclipsés on ne sait comment (le véritable mal échappe toujours facilement à la fausse justice), de sorte que Khany se retrouvait maintenant presque seul avec les prêtres. Il aurait encore eu le temps de s'échapper, et de rejoindre la manifestation, mine de rien, en faisant comme comme si il était avec eux. Mais au lieu de cela, il resta pétrifié dans l'antichambre... C'est à ce moment qu'un des prêtres le remarqua, et le tira à travers une porte dans la grille, vers la seconde antichambre. «Ce n'est pas la première fois qu'ils font ça, vous êtes plus en sûreté ici tant qu'ils n'ont pas de prétexte pour y entrer.» C'est ainsi que Khany a pu entendre les terribles prêtres de Foggier...

Bientôt, la foule fut sur le parvis, criant des slogans hostiles en un chahut constant. Quelques arrogants étaient entrés dans la première antichambre, faisant des gestes obscènes et provocants, dans l'espoir de déclencher une réaction chez les prêtres. Cela dura un bon moment, et le temple retentissait d'insultes et de grossièretés, tandis que les prêtres étaient assis silencieusement, murmurant des prières. Même dans le Temple de la Mort, cette agitation insensée était vraiment déplacée, par rapport à la spiritualité et au calme qui émanaient de l'endroit. Khany était caché dans un coin, et il prit vraiment peur de cette foule dangereuse. Ils étaient, en théorie, ses amis, mais en pratique, il savait qu'ils étaient totalement aveugles et sans discernement.

A un moment, Khany bougea... c'était une énorme erreur, et il entendit soudain quelques-uns de ses compagnons de travail crier son nom, tout excités: «Khany est avec eux» «Khany est leur prisonnier, il faut aller le libérer» «Khany est un traître, il est avec les prêtres»...

Il vit également d'anciens bizuteurs de son école, portant les chemises grises des Phalanges... Il n'avaient maintenant aucune limite, et le droit de faire ce qu'ils voudraient de lui, y compris torture et mort!

 

Mais surtout, la foule avait maintenant un prétexte pour attaquer! Des manifestants hurlants firent irruption dans la première antichambre, butant contre la grille et la martelant, dans un terrible vacarme de métal. Mais cette grille était solide, et un obstacle réel...

 

---Dans le temple, la légère odeur de décomposition qui y régnait en permanence, était soudain devenue un subtil parfum d'encens---

 

Le contraste était énorme entre cette foule incontrôlée et le calme des prêtres, assis en silence en murmurant leurs prières. Mais même les terribles prêtres de Foggier ne pouvaient deviner que c'était précisément ce calme et absence de colère qui irritait tant ces gens violents!

La foule se lassait vite de cette agitation stérile, mais à chaque fois des membres du Parti discrètement vêtus en civil relançaient les cris et les insultes...

Soudain, des cris surexcités accueillirent un type gesticulant avec un lanceur RPG! Les membres du Parti et les Phalanges se retirèrent prudemment: Ils étaient bien conscient de ce qui allait se passer, mais ils ne firent surtout rien pour l'empêcher. Une détonation assourdissante emplit le temple, suivi du fracas de la grille résonnant bruyamment comme un grand accord sur un piano désaccordé. Elle n'avait aucun dégât, mais des cris de douleur surgirent de la foule: l'idiot avait tiré à bout portant avec son RPG, se tuant et blessant une douzaine d'autres personnes.

Maintenant que le sang avait coulé, rien ne les arrêterait plus. Ils hurlaient et tapaient sur la grille avec des barres à mine, faisant un boucan d'enfer qui résonnait dans le vaste temple. Les prêtres étaient maintenant tous ici, à dire des prières... Mais ce n'était plus sur la maîtrise de soi ni sur la patience, c'était la supplique à Foggier pour une réincarnation! Certains récitaient même la version elfique, que Khany avait apprise ce matin même! Face à la mort inéluctable, ils étaient toujours digne et calme, sauf un qui tremblait et essuyait ses larmes. Les effrayants prêtres de Foggier n'étaient que des gens ordinaires après tout.

Khany espérait toujours s'en sortir sain et sauf... Il n'avait qu'à expliquer à la foule... Mais il était du mauvais côté de la grille... Alors les visages ridés de noir des militants et les bizuteurs en chemise grise ne le laisseraient pas partir si facilement! Il était victime d'un malentendu, cible d'une colère qui en principe ne le concernait pas... Mais en même temps, seuls les prêtres lui semblaient vraiment humains ici!

 

Un second coup de RPG passa à travers la grille sans la toucher, et vint frapper le pilier à gauche de la statue de Foggier. Une cascade de gravats retomba dans la seconde antichambre, tandis que des cris féroces, de la fumée et l'odeur de la poudre emplissaient l'endroit.

Khany regarda les portes des parois latérales, ou derrière la statue. La rumeur disait qu'elles menaient à des tunnels lointains, voire à l'enfer lui-même. Hélas ce n'était pas vrai, elles ne donnaient que sur les habitations des prêtres, également assiégées. Il n'y avait donc aucun échappatoire de ce côté! La mort était la seule issue pour les prêtres de la mort. Et Khany comprit que la mort l'attendait aussi... ou pire, les bizuteurs pourraient le prendre comme prisonnier, et le torturer sans fin!

Un troisième et dernier tir de RPG arracha un des ancrages de la grille de fer, et sous la brutale poussée de la foule en colère, la lourde masse s'étala sur le sol de la seconde antichambre, dans un dernier fracas de métal. Plusieurs des assaillants eurent les mains écrasées dans cette action insensée, chacun forçant sur les autres sans aucune concertation ni précaution.

 

---Khany sentit une traction sur son cou---

 

Ils se mirent immédiatement à battre les prêtres, à coups de poings, de pieds ou de barres de fer. Ces derniers ne cherchèrent même pas à se défendre, recevant les coups en silence, ou bien recroquevillés au sol, haletant de douleur, mais sans crier ni se plaindre. Bientôt, ils étaient tous morts, désarticulés comme des pantins. Mais la foule s'acharna encore sur eux pendant plusieurs minutes, avec un flot de cris hystériques et d'insultes.

 

Puis Khany fut encerclé à son tour. «Je visitais l'endroit en tant que touriste» tenta t-il d'expliquer. Normalement cela aurait du suffire. Certains de ses camarades de travail tentèrent aussi de parler en sa faveur. Mais il y avait le sourire sadique des anciens bizuteurs de l'école, devenus maintenant les terribles Phalanges. Il était inutile de discuter...

 

Il fut tiré brutalement de part et d'autres, et son coude disloqué lança une douleur terrible. Mais une voix dans la foule fit «On n'a pas besoin de types comme ça» et ses défenseurs le laissèrent tomber.

 

---Khany senti une forte traction au dessus de lui---

 

Une première barre de fer brisa net son humérus droit, juste sous l'épaule.

 

Puis, les choses allèrent très différemment de tout ce que Khany aurait pu imaginer.

 

Il flottait au-dessus de son corps. Ce dernier agitait ses bras et gémissait, en pur réflexes aux nombreux coups, jusqu'à ce qu'il s'effondre sans plus bouger. Mais Khany se sentait rien.

Puis l'horrible scène disparut de sa vue. Pendant une seconde, il ne vit qu'un gigantesque visage. C'était clairement Foggier, avec toutes ses caractéristiques, comme la statue. Mais au lieu de son air noir, terrifiant ou démoniaque, il était jovial comme un vieux paysan ridé dans son jardin ensoleillé, riant comme d'une bonne blague, et tenant Khany dans sa main comme un jouet. «Nigaud, c'était une façon stupide de mourir, hein?» fit-il. «Tu voulais voir les elfes, eh bien vas-y!», puis il jeta Khany à une vitesse incroyable.

 

Il s'écoula pas mal de temps, où Khany dormait presque toujours. Il flottait, recroquevillé sur lui-même, au son d'un tambour, et parfois d'une voix merveilleuse, parlant ou chantant.

 

Puis, un jour, il a senti une poussée. Une forte poussée rythmique. Puis il émergea brutalement dans la lumière, criant et à bout de souffle. Il y avait des chants d'oiseaux, des parfums de fleurs et une voix mélodieuse. Il fut manipulé et câliné par de belles personnes à l'air aimable, mais beaucoup plus grandes que lui.

 

Puis il l'a vue...

 

La merveilleuse dame elfe de sa vision, souriant si gentiment. Elle ouvrit sa chemise pour lui, et lui offrit son premier allaitement au sein.

 

 

 

Fin

 

 

 

Épilogue

Le Horzug ne contenait aucun matériau précieux, et il était trop difficile à démolir. Aussi, il devint une prison. Mais tant de choses terrifiantes et inexplicables s'y produisirent, que les tortionnaires s'enfuirent rapidement, et toute la vallée fut utilisée comme dépotoir. Quelques années après ces terribles événements, la révolution s'auto-détruisit, de par les luttes de clan entre dirigeants. Après quelques autres tribulations, Tellutaar devint partie d'un plus grand état démocratique, apportant la liberté réelle et mettant la violence hors-jeu.

La réincarnation de Khany a grandi comme un beau jeune elfe, aimé de sa mère. Il a étudié avec succès le cursus de sciences complet, avant de se marier et devenir actif dans le programme d'astronautique elfique. Mais il a refusé de prendre part au retour des elfes, qui a eu lieu 60 ans plus tard. Dans les deux siècles qui suivirent, l'amour et la paix se propagèrent dans le monde des humains, jusqu'à la Grande Réconciliation, suivie par sept siècles de Lumière et la Grande Merveille.

Le temple du Horzug a été nettoyé et restauré, mais l'antique culte de l'enfer n'avait plus sa place dans le nouveau monde.

La plupart des joyaux de Shelenaë, y compris les deux béryls géants de ses yeux, ont été rendus par les héritiers du leader de la révolution, depuis les coffres-forts en banque où il avait l'habitude de cacher son butin. Les autres temples et les statues ont été réparés et reconstruits, à partir des rares photos. Mais la nouvelle religion était très différente, basée sur la transformation positive de l'esprit, plutôt que sur le culte naïf ou le matérialisme spirituel.

 

Première histoire -- Prochaine histoire -- Toutes les histoires: en ordre chronologique -- par ordre de création

La génération et la présentation de cette histoire

 

En novembre 2012, j'ai été invité dans un grand événement officiel de Inworldz, avec la merveilleuse harpiste Ilianor, avec laquelle je travaille souvent. Problème, c'était l'événement Halloween «Fright fest», la fête de la frayeur, dans un vieux château rempli de citrouilles grimaçantes, d'énormes crânes bâillant perpétuellement, de chapeaux noirs de sorcière, de gloussements, de toiles d'araignées assez épaisses pour attraper un camion... Inutile de dire que je n'aime pas Halloween du tout, pour cette raison et pour plusieurs autres. Et de toute façon, dans un tel décor, c'était un peu maladroit de parler de cœurs doux et de fleurs bleues comme d'habitude... Le choix était donc entre créer une histoire sombre, ou refuser.

J'ai donc créé une histoire sombre, mais en gardant un message positif et de la morale, comme dans tous mes autres récits. Heureusement le monde du Nyidiath a aussi des choses assez épicées, comme le Temple Noir de Foggier, que j'ai déjà mentionné dans les explications précédentes. La plupart des gens du Nyidiath considèrent Foggier comme une sorte de démon et le représentent de cette façon. Mais heureusement, le Passeur des Morts, si il n'est pas du genre à plaisanter, a tout de même beaucoup plus de sens à donner à son œuvre que de fouetter éternellement les mêmes idiots.

 

Alors je suis arrivé avec cette histoire, que j'ai présentée de cette façon:

«Vedui tout le monde !

«J'ai l'habitude d'écrire des histoires de lumière...Cependant, j'ai été invité à faire un conte à cette sombre fête de la peur... J'ai donc écrit une histoire qui convient à ce cadre... Vous allez le regretter!

«C'est une tragédie, mais à la façon des elfes! (Bruit de Eschyle, Sophocle et Euripide s'arrachant les cheveux)

«hmm, Eschyle n'était-il pas chauve?»

 

 

 

Sur le réalisme de cette histoire

L'épilogue pourra sembler irréaliste à certains: les héritiers rendant spontanément la fortune inestimable volée à la statue de Shelenae. Eh bien, j'ai une histoire réelle pour leur donner la leçon, que j'ai dit racontée au même événement. À Conques, un lieu saint catholique près de Rodez en France, il y a une statue fantastique d'une jeune femme, martyrisée au 2ème siècle. Cette statue n'est pas grande, mais il est toute en tôle d'or et couverte d'énormes pierres précieuses, de toute évidence d'origine romaine. Elle a été faite au IXe siècle, avant même le Moyen Age, et elle a donc bien une valeur inestimable, tant par ses matériaux que par sa signification culturelle et spirituelle. Il suffit de savoir que plusieurs grandes villes du monde ont été nommées d'après elle: Santa Fe.

Mais au cours de la Révolution française, le gouvernement avait décidé de saisir tous les objets d'or ou précieux dans les églises. Ainsi, ils envoyèrent une troupe de soldats de Rodez à Conques, pour s'emparer de l'inestimable statue. Mais ils ne l'ont jamais trouvée... elle avait été cachée!

Et la merveille est que, quelques années plus tard, lorsque la liberté religieuse est revenue, la statue est réapparue, rendue par ses gardiens! Elle était resté cachée tout ce temps dans quelque grange à foin ou maison de paysans, mais personne parmi ces pauvres gens n'a profité de la situation pour la refondre ou tenter de vendre les pierres précieuses! Ces gens ont préféré servir le monde, plutôt que de chercher leur seul profit personnel.

Et c'est parfaitement compréhensible, même d'un point de vue personnel: il est beaucoup plus intéressant de faire quelque chose d'utile de notre vie, même au prix de la pauvreté, plutôt que d'avoir beaucoup d'argent et de ne rien faire avec.

 

 

Scénario, dessins, couleurs, réalisation: Richard Trigaux (Sauf indication contraire).

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